D’outsider à (dé) faiseur de roi ? En se lançant dans la campagne pour la présidence de son parti Les Républicains (LR), Aurélien Pradié, 36 ans, savait qu’il n’était pas favori. Il ne s’attendait pourtant pas à réaliser un score aussi honorable. Avec 22 % des suffrages - 14 765 voix, soit un quart des votants -, le député du Lot est plus courtisé que jamais par les deux finalistes, le député Eric Ciotti (42 %) et le sénateur Bruno Retailleau (34 %).
Et pour cause. Les deux rivaux pour la présidence du parti n’ont pas traîné pour tenter de harponner les voix Pradié. Les écuries concurrentes se grattent la tête depuis dimanche soir : vers où iront les quelque 15 000 voix du député du Lot ? Le député des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, a dégainé le premier, mardi matin sur le plateau de CNews, d’abord en égratignant le raidissement droitier de Bruno Retailleau pendant la campagne. Puis en affirmant vouloir réserver une «place majeure» à Pradié et à «son équipe» dans la future direction du parti. Le sénateur de Vendée Bruno Retailleau a embrayé dans la foulée, sur LCI, avançant que son électorat et celui de Pradié «ne sont pas si éloignés». «Tous les deux nous avons fait une campagne sur deux thèmes importants, a assuré le patron de la droite au Sénat, la rupture avec le passé et le renouvellement.»
«Il passe son temps à marcher sur les gens»
«Je crois que je n’avais jamais été autant aimé», s’amuse Pradié, ce mercredi, dans une interview au Figaro. Le Lotois n’est pas dupe de la volonté des deux finalistes de capter, par plateaux interposés, l’image de «renouveau» qu’il a portée durant cette campagne. Il reste aussi conscient que ses provocations lui ont mis beaucoup de monde à dos dans l’appareil LR. «Il passe son temps à marcher sur les gens, grinçait un proche de Retailleau en septembre. Ça reste un petit con.» «C’est un écorché vif», disait un autre soutien du Vendéen durant la campagne. Lucide quant à ses (très) récentes papouilles, Pradié met en garde ses courtisans : «Attention à la drague, quand elle n’est pas sincère et qu’elle est insistante, elle peut tourner à la grossièreté.»
Il prévient aussi que si Ciotti et Retailleau «veulent respecter les 22 % d’électeurs qui [lui] ont fait confiance, il faut s’intéresser aux idées». A rebours de son parti sur le report de l’âge légal de départ à la retraite, le jeune député attend ainsi des gages de ses concurrents sur ce sujet. Si Ciotti propose le choix entre un départ à 65 ans et l’allongement de la durée de cotisation, Retailleau prône, lui, un report de l’âge à au moins 64 ans. Il a toutefois ressorti du placard sa proposition de créer une pension de réversion pour les enfants handicapés.
«J’ai du temps devant moi»
En position de force, Pradié réclame également de ses cajoleurs une clarification quant aux alliances avec la majorité ou avec l’extrême droite. «Qu’ils disent très clairement que les Républicains ne pactiseront ni avec Emmanuel Macron, ni avec Éric Zemmour, ni avec Marine Le Pen», avance-t-il dans Le Figaro. Alors que le chef de l’Etat a réitéré sa proposition d’alliance avec LR, lors d’une entrevue fin novembre avec le président du Sénat, Gérard Larcher, selon L’Opinion, les deux finalistes se veulent fermes. Tous deux refusent catégoriquement de saisir la main tendue du chef de l’Etat. Dans Le Parisien lundi, Retailleau a même proposé de soumettre cette idée d’alliance à un référendum des militants. Une façon de purger les éventuels déserteurs ?
Les œillades de l’extrême droite - Zemmour et ses affilés en tête - sont quant à elles davantage repoussées au nom de la tactique que des idées. «Je n’ai jamais cru à l’union des droites», a ainsi balayé Retailleau lundi soir sur le plateau de C à vous, tout en assurant ne pas savoir à quoi servait Reconquête, le parti de l’ex-candidat à la présidentielle. Durant la primaire LR pour la présidentielle, Ciotti avait, lui, affirmé qu’il voterait pour Zemmour en cas de second tour contre Macron. Des propos sur lesquels il n’est jamais revenu. En refusant de donner sa voix à l’un des finalistes, Pradié joue également la carte de l’avenir. «J’ai une chance, c’est que j’ai du temps devant moi», a-t-il déclaré le soir de sa défaite. Avec cette campagne interne, il se sera fait davantage connaître chez les militants. Son score lui permettra également de peser dans les futures orientations du parti. Une première étape.