Il est encore loin du record d’Alain Poher, l’éphémère président de la République qui enchaîna huit mandats à la tête du Sénat, de 1968 à 1992. A 74 ans, Gérard Larcher vient, lui, de décrocher son cinquième. Le sénateur des Yvelines a été élu ce lundi au «Plateau», où siège le président de la Chambre haute. Un poste qu’il a occupé de 2008 à 2011, et sans discontinuité depuis 2014. Huit jours après les élections sénatoriales d’où la droite est sortie confortée, malgré une légère érosion, l’ancien maire de Rambouillet a récolté 218 voix – sur les 161 nécessaires au premier tour – lors d’une séance installant le bureau et ouvrant la session ordinaire du Sénat. «Je m’engage à présider notre assemblée avec la légitimité que me donne la majorité, mais aussi dans le respect de vos diverses sensibilités, a-t-il déclaré à l’issue d’un scrutin à bulletin secret. Je vous propose de n’avoir pour boussole, que l’intérêt de notre pays et de poursuivre la construction du Sénat de demain.»
Fort du soutien de son allié centriste Hervé Marseille, l’élu rambolitain a également pu compter sur les voix des élus Horizons siégeant dans le groupe les Indépendants de Claude Malhuret. Les sénateurs macronistes, eux, se sont abstenus. Respectant la coutume, les chefs de file des groupes d’opposition, Patrick Kanner (PS), Guillaume Gontard (EE-LV) et Cécile Cukierman (PCF), se sont présentés pour la forme.
Contre-pouvoir au chef de l’Etat
Réélu le 24 septembre dans son fief des Yvelines pour un sixième mandat, Larcher a placé sa nouvelle présidence à la tête du palais du Luxembourg sous le slogan «mieux légiférer, moins légiférer». Dans son projet adressé à ses collègues avant le scrutin, l’ancien vétérinaire prescrit une «véritable cure d’austérité normative». «Méfions-nous des lois de pulsion qui produisent cette inflation législative que nous devons combattre», a ainsi mis en garde le sénateur lors de son discours devant ses collègues. Défenseur des campagnes hexagonales, Larcher pointe aussi la nécessité de «renforcer la présence des sénateurs dans les territoires», quitte selon lui à diminuer le temps passé à siéger en séance à Paris lors des semaines dites «de contrôle» de l’action du gouvernement.
Alors que la deuxième chambre du Parlement a retrouvé un rôle de premier plan, le gouvernement tentant d’y trouver des compromis faute de majorité absolue à l’Assemblée nationale, son nouveau président a également promis de revenir à la charge contre la loi de 2014 interdisant le cumul des mandats. A la tête du Sénat, l’ancien ministre de Jacques Chirac s’est également posé comme un puissant contre-pouvoir au chef de l’Etat. «Parce qu’il a su freiner les tentations présidentialistes, s’opposer aux dérives centralisatrices, légiférer dans l’intérêt du pays, parce qu’il a montré que le débat pouvait être apaisé, le Sénat est plus que jamais au cœur de la vie démocratique», disserte-t-il dans sa profession de foi. Et d’ajouter, une fois élu, devant ses pairs : «Le bicamérisme est indispensable à notre démocratie parlementaire.»
«Pôle de stabilité»
Conforté dans son fauteuil sénatorial, Larcher renforce également sa position au sein du parti. «A droite, c’est un pôle de stabilité, loue Othman Nasrou, le numéro 4 des Républicains. Sa parole est écoutée.» Absent de la rentrée politique de Laurent Wauquiez, ce week-end dans la Drôme, le président du Sénat ne se prive pas de brouiller les cartes quant au futur candidat de la droite à la présidentielle. Questionné début septembre sur France Inter au sujet du maire du Havre, Edouard Philippe, qui s’active pour 2027, Larcher jurait que «bien sûr» l’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron fait partie de sa famille politique. Le président d’Auvergne-Rhône-Alpes est «un talent de notre famille politique, mais on verra le moment venu», ajoutait le sénateur. Moment dans lequel il voudra assurément peser.