Menu
Libération
2022

Présidentielle : du côté de Macron, traîner pour mieux gagner ?

Maintenant que tous les autres candidats à la présidentielle 2022 se sont déclarés, le chef de l’Etat démarre le compte à rebours de sa candidature. Une annonce toujours très calculée par les présidents qui cherchent un second mandat.
A ce stade, Emmanuel Macron suit la même feuille de route, sur la forme et sur le fond, que le François Mitterrand victorieux de 1988. (Denis Allard/Libération)
publié le 5 décembre 2021 à 20h55

La salle a fini par scander au terme de deux heures de meeting : «Macron président ! Macron président !» Puis : «Cinq ans de plus ! Cinq ans de plus !» Ce 29 novembre, la majorité fête le lancement de la Maison commune, ancestral projet de la macronie, à la Mutualité. On n’en doutait pas : tous les alliés seront rassemblés en 2022 pour soutenir la même candidature. Dans les rues, des affiches à la gloire du Président commencent à être collées, des tracts à être distribués. Le porte-à-porte a repris. Les téléphones chauffent pour envoyer des notes programmatiques au chef de l’Etat. Bref, la campagne a démarré.

A ce détail près qu’Emmanuel Macron n’est toujours pas officiellement candidat. Comme ses prédécesseurs, il se retrouve confronté à cette question classique : comment se lancer dans la bataille – face à des adversaires qu’il connaît désormais tous depuis l’officialisation de la candidature d’Eric Zemmour et la victoire de Valérie Pécresse à la primaire LR – sans perdre son statut supérieur ? «Partir très tôt, sans candidat affiché pour pouvoir se déclarer le plus tard possible et mener une campagne en forme de sprint. Créer l’attente, faire monter le désir», répondait Jacques Pilhan, communicant de François Mitterrand pour la campagne victorieuse de réélection en 1988 (1). A ce stade, Emmanuel Macron suit la même feuille de route, sur la forme et sur le fond, lui qui n’a cessé de vanter «la France unie» ces derniers mois, slogan de campagne du président socialiste. Mais attention, «rien ne se passe jamais comme prévu», aimait à dire François Hollande, qui renonça lui-même en décembre 2016 à se présenter pour un second mandat.

Conférence de presse et discours inaugural

Les multiples inconnues qui se posent dans l’équation des prochains mois font même dire à un conseiller du Président qui le côtoie au quotidien : «Il n’a pas décidé d’être candidat.» Ce qui lui laisse une infinitésimale once de doute ? «Le contexte sanitaire incite à l’humilité tant les choses bougent vite, assure le même. Les vérités d’un jour ne sont pas les certitudes de demain. Il est possible qu’il ne se présente pas s‘il y a un énorme problème sanitaire.» Et si des vagues successives déferlaient sur la France charriant leur lot de variants mortels ? «[Le Covid-19] peut muter en devenant terrible. Ma hantise, c’est qu’une mutation du virus lui permette de s’attaquer aux enfants», a même lancé, un brin anxiogène, François Bayrou sur RMC la semaine dernière. Un événement qui ferait que «notre société n’y résisterait pas», selon le patron du Modem. Mais si le Covid est maîtrisé, alors cela pourrait être mis au crédit du chef de l’Etat, hypothèse que de récents sondages accréditent – une cote de popularité stable à 42% d’opinion favorable selon BVA pour RTL en novembre.

Dans ce cas, peu de choses semblent inquiéter les soldats du Président et le plan est le suivant : selon les informations de Libé, Emmanuel Macron donnera à l’Elysée une conférence de presse sur la présidence de l’Union européenne avant la fin de cette semaine. Il y sera question du drame des migrants, de la régulation des Gafa, ou encore de l’environnement. Le 19 janvier, il prononcera le discours inaugural de cette présidence tournante à Strasbourg, qui sera suivi d’une séance de questions-réponses avec les parlementaires. «Il va se retrouver face à Jadot et Bardella, c’est super. Il adore cet exercice. S’il le pouvait, il irait à l’Assemblée nationale toutes les semaines pour les questions au gouvernement», en salive un ministre de premier plan.

Réformateur frustré

Par ailleurs, les grands axes du projet commencent peu à peu à se dessiner. Côté social, inscrire la question de la fin de vie fait la quasi-unanimité dans l’entourage du Président. Côté économie, le recul de départ de l’âge légal à la retraite a été mis au menu par Macron lui-même. Pour le ton de sa campagne, le chef de l’Etat a en tête que ce second mandat sera son dernier s’il l’emporte, la Constitution l’empêche d’en faire plus.

Le réformateur frustré qu’il est pourrait donc être tenté par «quelques choix radicaux très fort», dixit une tête pensante de ce mandat : «Il est peu enclin à faire le roi fainéant. Le plan France 2030 et le fait qu’il a stoppé le quoiqu’il en coûte vont dans le sens d’une campagne avec prise de risques.» Reste une question essentielle : Quand se déclarer ? La feuille de route léguée par Pilhan conseille une déclaration de campagne très tardive. En 2002 et 2012, en se déclarant le 11 février, et le 15 février, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy avaient suivi ce plan. Les stratèges de Macron sont, pour l’instant, sur cette ligne. Mais elle ne fait pas l’unanimité. Certains conseillent au chef de l’Etat de se déclarer le plus tôt possible, comme ce ministre de premier plan pour qui alterner les rôles de Président et de candidat risque d’être un handicap : «La scénographie en ce moment n’est simple à trouver.» Il va pourtant falloir patienter encore un peu.

(1) Dans le Sorcier de l’Elysée de François Bazin (Plon, 2009).