Ils ont du mal à faire semblant. Avant même que la campagne n’ait encore officiellement démarré, certains candidats se font peu d’espoir sur leurs chances d’entrer à l’Elysée en avril. Nathalie Arthaud, représentante de Lutte ouvrière pour la troisième fois consécutive, était invitée lundi à l’université de Lille. Devant une centaine d’étudiants, l’enseignante de 51 ans a admis : «Je n’ai aucune chance d’être élue». Avant d’embarquer ses adversaires de gauche, qui n’en demandaient pas tant, dans son aventure défaitiste : «Mais Roussel, Hidalgo, Mélenchon, ils en ont, eux ?» Dans sa tête, la réponse est non.
La vraie marche à franchir, pour Nathalie Arthaud, serait d’abord d’être présente sur la ligne de départ. Il faut, pour cela, réunir les 500 précieux parrainages d’élus. Selon le dernier décompte réalisé par le Conseil constitutionnel le 3 février, la candidate trotskiste en détenait 138. Elle n’est pas inquiète : son parti a toujours réussi à récolter les signatures. Lutte ouvrière présente une candidate depuis 1974.
Les «gros» candidats sur le gril
Avec pour l’instant 54 parrainages, Philippe Poutou, ouvrier au chômage depuis la fermeture de l’usine Ford de Blanquefort mais conseiller municipal d’opposition à Bordeaux et candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), partage la position de Nathalie Arthaud. «Nous sommes un courant politique minoritaire qui n’a aucune chance de gagner, mais ça n’empêche qu’il y a un intérêt à ce qu’on soit là pour forcer les débats, dire des choses, même par rapport à la gauche», déclarait-il le week-end dernier lors d’une fête militante organisée à Limoges (Haute-Vienne). Et mettre des «gros» candidats sur le gril lors des débats télévisés, comme il l’a fait en 2017 avec Fillon et Le Pen ?
Sur la moralisation de la vie politique, Poutou dégomme Fillon et Le Pen #LeGrandDebat pic.twitter.com/OH4sNZ2SqB
— BuzzFeed France News (@BuzzFeedNewsFR) April 4, 2017
Manque de chance, les stratèges macronistes disent à Libé vouloir éviter l’image du président sortant sous la mitraille du candidat du NPA lors d’un débat télévisé. Ce que regrette Philippe Poutou, qui a visiblement «plein de choses à dire» en prime time à Emmanuel Macron.
C'est dommage ça @EmmanuelMacron, on a pourtant plein de choses à te dire. Visiblement il va falloir venir te chercher. pic.twitter.com/l5M5b7xg04
— Philippe Poutou (@PhilippePoutou) February 8, 2022
«Pas de première décision, Macron va être réélu»
Autre candidat, autre positionnement politique mais même état d’esprit. Jean Lassalle, qui avait déjà un bulletin à son nom en 2017 et dispose aujourd’hui de 124 signatures, ne s’imagine pas sur le perron de l’Elysée. Interrogé sur la première décision qu’il prendrait s’il était élu président, le député des Pyrénées-Atlantiques déclarait le 30 janvier : «Il n’y aura pas, dans l’état actuel des choses, de première décision puisque Macron va être réélu». Une déclaration qui avait surpris les téléspectateurs de France 2 réunis devant leur poste ce jour-là. Désarçonné, le journaliste Julien Benedetto avait enjoint le candidat à «jouer le jeu».
Les «petits» candidats ne sont-ils donc là que pour faire de la figuration ? Pour beaucoup, cela représente un coût important alors qu’ils n’ont pas l’appui d’un parti à la trésorerie conséquente. Ceux qui, au soir du premier tour, se situent sous la barre des 5 % ne voient leur campagne remboursée qu’à hauteur de 4,75 % du plafond des dépenses autorisées, soit un peu plus de 800 000 euros. Ce qui peut aussi concerner certains «gros» candidats.
Ce risque financier plus ou moins calculé est toutefois contrebalancé par l’exposition sans pareil offerte par la présidentielle. Pendant les deux semaines qui précèdent le premier tour - soit du 28 mars au 9 avril -, les chaînes de télévision seront tenues de respecter une stricte égalité de temps de parole. De quoi assurer à chaque candidat, même aux plus marginaux, une exposition médiatique sans équivalent.