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Transparence

Prévention des conflits d’intérêt : dans le nouveau gouvernement Attal, les même poids lourds à protéger

Le gouvernement Attaldossier
Les ministres de la Justice, de l’Intérieur et de l’Economie se sont (re) déportés de certains dossiers pour éviter toutes affaires de conflit d’intérêts pour ce nouveau gouvernement Attal resserré.
Gabriel Attal et le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire à l'Elysée, le16 janvier 2024. (Christian Hartmann/REUTERS)
par Mina Peltier
publié le 18 janvier 2024 à 8h17

Gabriel Attal n’a pas chômé. Malgré la kyrielle de choses à faire depuis sa nomination à Matignon, le jeune Premier ministre a rapidement inscrit Gérald Darmanin, Eric Dupond-Moretti et Bruno Le Maire au «registre de prévention des conflits d’intérêts». Les règles en France veulent, selon un décret datant de 1959, que les ministres transmettent les dossiers qui peuvent concerner certains de leurs proches ou leurs anciens jobs au Premier ministre. C’est alors à lui de plancher «à la place du ministre intéressé» si un cas se présente.

Dès le 11 janvier 2024, deux petits jours après l’investiture de Gabriel Attal, est ainsi paru au Journal officiel un décret actant le retrait du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, de tous dossiers concernant son ancien cabinet d’avocats, Vey & Associés. D’autres précisions soulignent que les magistrats, anciens confrères avocats ou clients avec qui le ministre a été «impliqué», qu’il a «connu» avant ou pendant sa nomination ou qui l’ont «mis en cause» sont également écartés de ses compétences. L’ancien ténor du barreau est ainsi protégé de prochaines accusations de conflits d’intérêts ou de potentiels scandales d’interférences.

Raisons personnelles

Bruno Le Maire puis Gérald Darmanin seront, eux aussi, amenés à se déporter dans certains cas. L’indéboulonnable ministre de l’Economie et des Finances doit s’écarter, depuis août 2023, «des actes de toute nature relatifs au groupe [Aéroports de Paris]». Embêtant : le patron de Bercy ne peut donc avoir son mot à dire pour des plateformes aussi stratégiques que Charles de Gaulle ou Orly. Même si le projet de privatisation est enterré depuis la pandémie de Covid-19. La raison de cette obligation pour Le Maire ? Le mariage entre sa sœur, Sibylle Le Maire, et Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP depuis 2012.

De son côté, l’ancien maire de Tourcoing ne peut traiter, selon le décret de déport le concernant, «des actes de toute nature relatifs à la Fondation Archery, établissement reconnu d’utilité publique» et ce depuis mars 2021. Créée cette année-là, la fondation, peut-on lire sur son site, «accompagne les jeunes talents des quartiers populaires depuis le collège jusqu’à leur entrée dans la vie active». «Des élèves que rien n’arrête à l’école. Des leaders.» Rien que ça. Le lien entre Gérald Darmanin et la Fondation n’est pas très clair. D’autant plus que rien ne l’empêche a priori de s’intéresser à l’agence de communication Havas, détenue par le groupe Bolloré et dont la directrice de conseil n’est autre que son épouse, Rose-Marie Devillers.

Et les prochains ?

D’autres déports devraient suivre ces prochaines semaines, au fur et à mesure de la composition définitive du gouvernement Attal. A l’image de ceux concernant Agnès Pannier-Runacher. L’ancienne ministre de la Transition écologique ne pouvait traiter de sujets relevant de Défense conseil international, chez qui siège son époux, Nicolas Bays. Même chose pour le deuxième géant pétrolier français, le groupe Perenco, fondé par son père Jean-Michel Runacher dont ont hérité ses deux petits-fils comme l’avait révélé Disclose. L’ex-ministre, pressentie pour s’occuper de la Santé aux côtés de la nouvelle superministre Catherine Vautrin, devait aussi transmettre, à l’époque, à Elisabeth Borne les dossiers concernant le groupe EP2C. Sous cet acronyme barbare se cache une agence de conseil spécialisée en exploitations pétrolières, gazières et pétrochimiques.