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Bouches cousues

Primaire à gauche : les partis silencieux après la proposition de François Ruffin

Si une grande partie de la gauche défend une ligne de rassemblement pour 2027, personne ne s’est officiellement prononcé sur la primaire esquissée par du député picard.
Le député insoumis François Ruffin, lundi 19 mai 2025, à Paris. (Ava du Parc/Libération)
publié le 21 mai 2025 à 17h33

Une proposition, mais peu de rebonds. Mardi 20 mai, le député de la Somme François Ruffin est sorti du bois en vue de 2027 dans Libération. Pour l’élection suprême, l’ancien journaliste met sur la table l’idée d’une «primaire geyser» ouverte à tous les partis de gauche, France insoumise comprise, pour parvenir à une candidature unique à la présidentielle. Le fondateur du magazine Fakir a les idées bien arrêtées sur les questions organisationnelles. Il plaide pour qu’elle ait lieu à l’automne 2026, que les candidats soient parrainés par 100 000 citoyens et 250 de maires… Une idée rapidement saluée par ses proches, comme les députés Alexis Corbière ou Sophie Taillé-Polian sur les réseaux sociaux. Mais qui n’a pas suscité la moindre réaction des autres partis de gauche. Y compris de ceux qui, comme Ruffin, réclament une candidature unique, ou au moins commune à plusieurs partis, pour la présidentielle.

Face à ce silence, Libération a fait le tour des popotes. A commencer par les socialistes plus que jamais concentrés dans leur congrès. Mardi soir, une proche d’Olivier Faure voyait d’un très bon œil l’initiative de François Ruffin estimant qu’elle se plaçait dans la lignée de l’appel de Lucie Castets à se réunir le 2 juillet pour entamer un travail commun. «Il faut que les signes comme cela se multiplient d’ici l’été», insiste notre socialiste. Toutefois, si les Fauristes valident ce nouvel appel à l’unité, ils ne sont pas forcément des grands défenseurs de la primaire. «Il n’y a pas de refus de principe mais peut-être d’autres voies de désignation sont possibles», explique le député Arthur Delaporte. Pour «éviter de fracturer», le soutien de Faure affirme qu’il «faut d’abord avancer sur le commun» à savoir une ébauche de programme commun et discuter «des modalités de désignation». En lice pour prendre la tête du PS, Nicolas Mayer-Rossignol est lui clairement «sceptique» vis-à-vis de la primaire rappelle son entourage. Pour lui, l’union gagnante pour 2027 passe d’abord par un rapprochement avec les partis de Bernard Cazeneuve et de Raphaël Glucksmann.

«Ça incite à surjouer les désaccords»

Dans la boutique de ce dernier, la primaire est loin d’être perçue comme le bon outil. «Par le passé ça a plus été un échec qu’autre chose, note Saïd Benmouffok. La grosse difficulté, c’est que ça incite à surjouer les désaccords ce qui affaiblit collectivement.» «Ça correspond mal à l’esprit de l’élection présidentielle qui vise à porter une candidature qui s’impose», enfonce-t-il. Et comme le hasard fait bien les choses, on note chez Place publique que la personnalité qui devance les autres candidats de gauche – hors Mélenchon qui devrait partir de son côté - est Raphaël Glucksmann. «Il est le plus à même de rassembler et le seul capable de concurrencer LFI dans les enquêtes d’opinion», souligne Benmouffok. Une évidence, à leurs yeux, qui justifierait à se passer d’une primaire.

D’ordinaire prompte à réagir aux appels à l’union, Marine Tondelier ne s’est, cette fois, pas positionnée vis-à-vis de la proposition de Ruffin. Mais la secrétaire nationale des Ecologistes s’est déjà exprimée sur les primaires lors de son discours d’investiture à Pantin le 26 avril. Sur scène, la Nordiste qui pousse aussi pour une candidature unique à gauche avait reconnu que ce «n’est qu’un [mode de désignation] parmi les autres» et «a priori» pas celui qui «a sa préférence». Ayant conscience que le primaire a de grandes chances de s’imposer faute d’autre outil évident, l’écolo posait l’idée d’une «primaire de territoires» aux contours plutôt flou, mais la plus ouverte possible. Un point commun avec le projet esquissé par Ruffin. Auprès de Libé, la présidente du groupe vert à l’Assemblée, Cyrielle Chatelain, applaudit, elle, des deux mains l’initiative de l’ex-insoumis. «Aujourd’hui, toutes les voix pour la primaire sont positives, notamment quand ce sont des candidats qui sont prêts à participer», souffle-t-elle.

«Trop de divergences entre nous»

En revanche, pas sûr que les communistes soient aussi enjoués à l’idée d’une primaire ouverte jusqu’à Raphaël Glucksmann. Car si Fabien Roussel n’a pas encore réagi, son dauphin Léon Deffontaines prononçait un grand «non» à l’évocation d’un tel projet il y a quelques semaines. «Pourquoi pas réfléchir à un processus de rassemblement de la gauche mais on n’est pas sur le même espace que Raphaël Glucksmann. Il y a trop de divergences entre nous sur des sujets primordiaux comme l’énergie ou l’international», développait-il.

De leur côté enfin, les insoumis n’ont même pas eu à se prononcer tant leur position sur la primaire est connue. Jean-Luc Mélenchon le martèle depuis des années : jamais il ne participera à un tel processus qui donne «la primeur à ceux qui clivent le moins et font exploser ceux qui y participent» comme il l’expliquait en 2023 à la Fête de l’Huma. D’autant que le tribun insoumis et les siens sont persuadés que leur stratégie visant à faire voter les quartiers populaires d’ordinaire éloignés des urnes pour se qualifier au second tour de l’élection suprême est la bonne. Et qu’une fois cette étape passée, le reste des électeurs feront barrage à l’extrême droite en se tournant vers lui. Un scénario qui, comme l’organisation d’une primaire, ne relève aujourd’hui que de l’hypothèse.