Mieux vaut être seul que mal accompagné. Pour Macron, la peur de la solitude doit prendre le dessus. En dépit de sa promesse d’une «République exemplaire» lors de sa candidature en 2017, le Président compte dans son entourage un certain nombre d’hommes politiques traînant de jolies casseroles. On vous épargne le compte des personnalités déjà évincées (Damien Abad, Alain Griset, Nicolas Hulot…) et on vous mijote à la place une sélection des meilleurs (ou pires) représentants poursuivis. Et toujours en poste.
Alexis Kohler : l’Elysée menée en bateau ?
La nouvelle est tombée ce lundi : Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, est mis en examen depuis le 23 septembre pour «prise illégale d’intérêts» (une information révélée par France Info puis confirmée par l’AFP). Le fond de l’affaire est désormais bien documenté. Alexis Kohler a des liens, au moins familiaux, avec Mediterranean Shipping Company (la firme italo-suisse MSC, deuxième armateur mondial), sa mère étant une cousine de son principal dirigeant. Mais il est aussi censé être un serviteur de l’Etat français, comme haut fonctionnaire, membre de l’Agence des participations de l’Etat (APE) de 2010 à 2012, puis membre du cabinet de Pierre Moscovici à Bercy (2012-2014) et enfin d’Emmanuel Macron à partir d’août 2014 dans le même ministère. Après une brève parenthèse, au premier semestre 2017, comme directeur financier de MSC, il réintègre la macronie une fois son grand homme élu en 2017, puis réélu cette année à l’Elysée. Les faits pénalement reprochés à Alexis Kohler ne visent pas son actuel poste de secrétaire général de l’Elysée, mais ses anciennes fonctions à Bercy. Il aurait, en tant que représentant de l’Etat français, actionnaire du port du Havre et du chantier naval de Saint-Nazaire, favorisé les intérêts de MSC, principal client des deux institutions portuaires.
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Eric Dupond-Moretti : la rancune tenace, le mandat aussi
Encore ce mardi, le garde des Sceaux l’affirme en marge d’un de ses déplacements : sa démission n’est «pas à l’ordre du jour». Pourtant, Eric Dupond-Moretti poursuit sa traversée de la tempête. Rien que ce lundi, la Cour de justice de la République a ordonné son renvoi en procès pour «prise illégale d’intérêts». Ses avocats ont annoncé se pourvoir en cassation contre cette décision inédite pour un ministre en poste. Pour rappel, il est reproché à l’ex-ténor du barreau, devenu ministre en juillet 2020, d’avoir usé de ses prérogatives à des fins privées : en réglant ses comptes avec des magistrats qu’il avait dans le viseur alors qu’il portait la robe. Une fois place Vendôme, le garde des Sceaux fraîchement nommé avait en effet diligenté des enquêtes administratives à l’encontre d’un ex-juge d’instruction à Monaco, Edouard Levrault, mais aussi contre trois magistrats du Parquet national financier (PNF).
Gérald Darmanin : l’affaire sans fin
Indélogeable. Malgré les accusations de viol, sa casquette de ministre de l’Intérieur est restée bien en place. Et ce depuis deux mandats présidentiels. Gérald Darmanin est visé par une plainte déposée en 2017 par Sophie Patterson-Spatz pour des faits remontant à 2009. A cette époque, Gérald Darmanin travaille au service juridique de l’UMP. Cette femme, alors âgée de 37 ans, lui demande de l’aide pour faire réviser une condamnation de 2003 pour chantage et appels malveillants à l’égard d’un ex-compagnon. Selon la plaignante, Gérald Darmanin lui aurait alors fait miroiter son appui auprès du ministère de la Justice, via une lettre, en échange de faveurs sexuelles. La jeune femme les aurait acceptées. N’ayant aucune envie de cette relation sexuelle, elle aurait «paniqué», mais se serait sentie contrainte de «passer à la casserole», n’ayant «pas le choix». Darmanin, lui, a reconnu avoir eu des relations sexuelles avec Sophie Patterson-Spatz. Mais elles étaient «consenties», a toujours répété le ministre. En janvier 2021, Mediapart avait publié de nouveaux éléments troublants dans la défense du ministre. Dans une série de SMS, le protégé de Nicolas Sarkozy s’excusait alors pour la soirée de 2009, prétextant un état second dû à la mort de son père. La plainte a été classée sans suite à plusieurs reprises. En juillet, une juge d’instruction parisienne a ordonné un non-lieu en faveur du ministre de l’Intérieur. A la suite de cette décision, la plaignante a fait appel.
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François Bayrou : l’élève Modem
Voilà plus de quatre ans que l’affaire le poursuit. Et pourtant, le patron du Modem, un temps ministre de la Justice, occupe le poste de haut-commissaire au Plan depuis sa mise en examen fin 2019. Avec 14 autres personnes, parmi lesquelles l’ancien garde des Sceaux Michel Mercier ainsi que l’éphémère ministre des Armées en 2017 Sylvie Goulard, François Bayrou est poursuivi dans le vaste dossier dit «des assistants parlementaires européens». Les intéressés sont soupçonnés d’avoir accepté que des permanents du Modem soient rémunérés par de l’argent provenant du Parlement européen pour des tâches non pas liées à la vie politique européenne, mais plutôt au fonctionnement interne du parti. En janvier 2022, le Modem et son ancêtre, l’UDF, ont aussi été mis en examen pour «complicité et recel de détournement de fonds publics» dans cette enquête ouverte en 2017 et conduite par les magistrats du pôle financier du tribunal de Paris.
Sébastien Lecornu : sortie de route
Ministre des Outre-mer puis ministre des Armées, Sébastien Lecornu appartient à la caste de ces ministres en poste et en proie à des démêlés avec la justice. Une enquête préliminaire est ouverte depuis 2019 au PNF à son sujet pour «prise illégale d’intérêts» et «omission de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique» (HATVP). Les faits remontent aux années 2016-2017. A cette période, Sébastien Lecornu est administrateur de la Société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN). Dans sa déclaration à la HATVP, il affirme avoir perçu entre juillet 2016 et juin 2017 un total de 7 874 euros bruts à ce titre. Le problème : il est au même moment président du département de l’Eure. D’après des révélations de Libération, il aurait à cette période approuvé plusieurs délibérations de la collectivité ayant trait à la SAPN. Au moins quatre, selon nos estimations.