Lors de son procès le 17 avril, Daniel Grenon, député non inscrit après son exclusion du Rassemblement national (RN), avait laborieusement tenté de plaider son innocence. L’élu de 76 ans, poursuivi pour «provocation publique à la discrimination» et «injure publique» en raison de «l’origine, de l’ethnie, la nation, la race ou la religion», a tout sauf convaincu : il a été condamné ce vendredi 2 mai à 3 000 euros d’amende, soit le double (1 500 euros, donc) de la somme requise à son encontre.
Le tribunal correctionnel a assorti la peine de dommages et intérêts de 1 500 euros pour chacune des trois parties civiles, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples de l’Yonne, la Ligue des droits de l’homme et la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.
Interview
Il a fait partie des nombreuses «brebis galeuses» du RN repérées à l’occasion des législatives 2024, après la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. Il avait estimé qu’un «Maghrébin binational n’a pas sa place dans les hauts lieux». Des propos tenus le 1er juillet, dans l’entre-deux-tours du scrutin anticipé, lorsque le député sortant de la première circonscription de l’Yonne, en campagne pour sa réélection, participait à un débat organisé par le journal local l’Yonne républicaine.
«On ne peut pas se permettre d’avoir des binationaux»
Dans le cadre de cette campagne électorale, le président du RN, Jordan Bardella, avait annoncé le 24 juin sa volonté d’exclure les Français binationaux de certains postes jugés «sensibles». Une idée qui avait suscité la polémique, notamment après que le député RN sortant Roger Chudeau avait estimé dans la foulée qu’un membre du gouvernement ne pouvait pas être binational car cela pose un «problème de double loyauté». Et de prendre l’exemple de l’ancienne ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, dont la nomination était une «erreur» selon lui.
Daniel Grenon avait été invité à réagir à ces sorties racistes, le journaliste de l’Yonne républicaine rappelant les dérapages réguliers de nombreux candidats du RN. Dans la retranscription de l’échange, encore en ligne sur le site du quotidien, on peut lire la réponse de l’ancien commerçant : «Des dérapages, il y en a partout. Si on veut revenir sur les binationaux, toutes ces choses-là sont discutables. Mon grand-père était arménien, il n’a jamais embêté qui que ce soit. Sur 30 ou 40 postes, on ne peut pas se permettre d’avoir des binationaux. Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place dans les hauts lieux.»
Réélu malgré tout
Le procureur de la République avait été saisi le 3 juillet, et Jordan Bardella, confronté à l’enregistrement audio des propos du député, avait condamné des «propos abjects». Le chef du RN promettant la tenue d’une «commission des conflits» au sein de son parti et que «ceux qui tiennent des propos qui ne sont pas conformes à mes convictions seront mis à la porte». Réélu malgré sa déclaration, Daniel Grenon avait directement rejoint le groupe des non-inscrits au sein de la nouvelle Assemblée nationale, avant d’être exclu du parti en octobre.
Lors de son procès, l’élu bourguignon, membre de la commission de la défense nationale et des forces armées au Palais-Bourbon, s’était enlisé dans de laborieuses explications. Affirmant ne pas être raciste car il a des «amis maghrébins», l’homme avait soutenu à la présidente que placer en «hauts lieux» une personne binationale, «ça peut devenir dangereux». Selon la décision du tribunal ce vendredi, l‘une des commissions les plus stratégiques de l’Assemblée nationale pourrait accueillir un député coupable, et pourtant pas binational.
Mise à jour le 2 mai à 16 h 31 avec la condamnation de Daniel Grenon.