Une chambre des secrets ? Une commission mixte paritaire a été convoquée par le gouvernement, après le rejet, le 11 décembre à l’Assemblée nationale, du projet de loi immigration. D’ordinaire peu médiatisée, la «CMP» se retrouve dans la lumière depuis les élections législatives de juin 2022. Majorité relative oblige, elle est devenue un moment fort de la vie parlementaire. Le principe ? Sept députés et sept sénateurs se réunissent à huis clos pour tenter de trouver un compromis, en cas de blocage entre les deux chambres du Parlement. Morceau courant de la procédure législative, cet organe est scruté de tous bords lors de l’examen de réformes sensibles, comme celle des retraites au printemps ou, donc, le texte sur l’immigration, qui sera discuté le 18 décembre en CMP. Mode d’emploi.
Une CMP, c’est quoi ?
Lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un texte législatif au cours de la navette parlementaire, c’est-à-dire au fil des allers-retours du texte entre les deux chambres, le gouvernement peut convoquer une CMP. Selon l’article 45 de la Constitution, celle-ci est alors «chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion».
Comment est-elle composée ?
La Constitution de 1958 est peu diserte sur la composition de cette instance. Les règlements de l’Assemblée et du Sénat indiquent que sept députés et sept sénateurs y siègent. Il est d’usage que les présidents des commissions saisies «au fond» des textes examinés, ainsi que les rapporteurs, soient désignés. Les places reflètent également les équilibres politiques du Parlement. Soit, pour cette législature, la répartition suivante : pour le Sénat, trois élus Les Républicains, deux socialistes, un centriste et un sénateur Renaissance ; pour l’Assemblée, trois députés Renaissance, un Modem, un député La France insoumise, un autre Rassemblement national et un membre de LR.
Quel est son but ?
Le maître mot d’une CMP est le compromis. Les parlementaires cherchent, avant tout, à dégager une version du texte pouvant convenir à la fois aux députés et aux sénateurs. Article par article, les points bloquants sont donc abordés. Certains peuvent être abandonnés, d’autres peuvent faire l’objet d’une réécriture.
Le gouvernement y a-t-il accès ?
Officiellement, non. Mais il joue un rôle important. En amont, il est le seul à pouvoir déclencher cette commission. En aval, il dispose – et lui seulement – du droit d’amendement sur le texte issu de la commission. Lors de la CMP, le gouvernement peut également tirer des ficelles, via des appels ou des messages, en direct ou lors des interruptions. Un rôle non négligeable donc, qui assimile davantage ce conclave «à un ménage à trois qu’à un couple», comme l’écrit Sébastien Bernard, professeur de droit public à l’université de Grenoble, dans un article de la Revue française de droit constitutionnel. «Même ce sanctuaire parlementaire permettant aux députés et sénateurs de régler, entre eux, leurs divergences, n’échappe donc pas à l’emprise gouvernementale sur la procédure législative depuis 1958», note l’universitaire.
Que se passe-t-il si les parlementaires trouvent un compromis ?
On parle alors d’une CMP «conclusive». Si un accord est trouvé, le texte de compromis est soumis au vote de l’Assemblée et du Sénat. Si une majorité se dégage, la loi est adoptée avant d’être promulguée.
Et s’ils échouent ?
En cas de CMP «non conclusive», la navette parlementaire entre les deux chambres reprend son cours. Le dernier mot revient alors à l’Assemblée nationale. A moins que le gouvernement ne retire son projet de loi.