Jordan Bardella affirmait en juillet dernier qu’il n’y avait que «quatre ou cinq brebis galeuses» dans son parti. Pourtant, au moins quinze députés du Rassemblement national font ou ont fait partie d’un groupe Facebook raciste entre 2017 à 2024, selon une enquête du média les Jours publiée mercredi 18 décembre. Sa description, explicitement islamophobe et menaçante, annonce la couleur : «Groupe réservé aux amoureux de la France qui en ont assez de l’islam et de sa haine envers nous. Groupe soudé, si une personne du groupe est ennuyée par qui que ce soit il y aura des représailles de la part de tout le groupe», peut-on lire en arrivant sur la page. «Je saisis ce soir la procureure de la République de Paris au titre de l’article 40 pour appel au meurtre, provocation à la haine raciale et injures à caractère raciste», a réagi mercredi dans la soirée le député de La France insoumise Thomas Portes sur X.
Je saisis ce soir la Procureure de la République de Paris au titre de l’article 40 pour appel au meurtre, provocation à la haine raciale et injures à caractère raciste.
— Thomas Portes (@Portes_Thomas) December 18, 2024
L’extrême-droite et son idéologie raciste doivent être mise hors d’état de nuire. https://t.co/Qz4pl9dZTU
Créé en 2015, le groupe Facebook privé «* Rassemblement National * (direction 2027 ! )» rassemblait 6 500 membres, dont «une grosse centaine sont actifs, militants revendiqués ou farouches sympathisants du parti d’extrême droite» selon le média, qui précise qu’aucun lien officiel n’a été établi avec le RN. Depuis sa création, il était l’objet de plusieurs messages ouvertement racistes et menaçants. «Retourne dans ton cocotier, bamboula.» ou encore «Vous appelez ça un être humain ? Même mon chien se comporte mieux. Ils sont vraiment nuisibles, ces Noirs» peut-on lire dessus, rapportent les Jours. L’entrée dans ce groupe est volontaire. Une demande doit être faite puis un questionnaire, aussi explicite que la description du groupe, doit être rempli : «Êtes-vous Français ???», «Votez-vous en France ???» et «Pourquoi souhaitez vous intégrer ce groupe ???».
Quinze députés et sept fédérations locales membres
Sans y publier de messages condamnables par la loi, certains députés utilisaient ce groupe pour relayer leur actualité, des pétitions ou des messages de soutien au parti, quand d’autres en étaient simplement membres. On compte parmi eux, Jordan Guitton (député de l’Aube), Pascal Markowsky (Charente-Maritime), Arnaud Sanvert (Saône-et-Loire), Guillaume Florquin (Nord), Romain Baubry (Bouches-du-Rhône), Caroline Colombier (Charente), Julien Rancoule (Aude), l’ancien libraire négationniste Frédéric Boccaletti (Var), l’ex-présentateur de LCI Philippe Ballard (Oise), Alexandre Loubet (Moselle), Alexandre Sabatou (Oise), Christian Girard (Alpes-de-Haute-Provence), Claire Marais-Beuil (Oise), Aurélien Dutremble (Saône-et-Loire) et Matthias Renault (Somme).
Après avoir été contactés par les Jours, neufs d’entre eux ont quitté le groupe. Un seizième député, Eric Salmon (Haute-Saône), a quitté le groupe après avoir pris connaissance du commentaire sur les Noirs «vraiment nuisibles» début novembre. Les pages Facebook officielles de sept fédérations locales du parti d’extrême droite sont également membres du groupe. Dans un communiqué publié sur X à l’adresse de Libé, l’élu de la Somme Matthias Renault conteste avoir eu des interactions dans ce groupe «au titre assez neutre», passant sous silence la description explicitement islamophobe et menaçante. D’après nos informations, il en était toujours membre au moment de la publication de cet article.
Pour se défendre, plusieurs députés, comme Alexandre Sabatou et Philippe Ballard, font porter la responsabilité aux gestionnaires de leurs réseaux sociaux, chargés de «partager occasionnellement des contenus». Contactés par les Jours, les deux élus ont quitté le groupe après avoir condamné les propos racistes qui s’y trouvaient. Ils avaient pourtant obtenu les badges Facebook de «contributeur en vogue» et de «meilleur contributeur». Alexandre Sabatou était l’un des plus actifs avec plus de 30 publications de juin 2023 à octobre 2024. Alexandre Loubet, le conseiller spécial du président du parti Jordan Bardella, fait mieux avec près de 80 posts en 2023. Son collaborateur parlementaire Angelo Heilig avait déjà été épinglé par les Jours pour des tweets sexistes, racistes, complotistes depuis 2018 sur les réseaux sociaux. Il est toujours employé par l’élu de Moselle.
Difficiles de ne pas se rendre compte du caractère raciste du groupe puisque sous les publications mêmes des députés, plusieurs commentaires donnaient des indices : «Rétablissement de la peine de mort, on ne va pas payer l’hôtel à vie pour ce cafard», commentait un utilisateur sous une publication d’Alexandre Loubet relayant un fait divers. Les messages haineux et menaçants visent également la gauche ou les journalistes : «Voici plusieurs solutions pour les membres de la LFI et ses élus de m… e, nous les jugerons sans pitié» ou «Les écolos sont comme les journalistes, la plus grande fosse à merdes» peut-on lire sur le groupe. Le Rassemblement national ne s’est pas exprimé sur le sujet.
Mis à jour à 15h10 avec les précisions sur la présence du député RN Matthias Renault dans ce groupe.