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Libération
Reportage

Rassemblement d’extrême droite à Lyon : «Putain de merde, c’est les fachos !»

Une centaine de membres de groupuscules d’extrême droite ont défilé dans le Vieux-Lyon, lundi soir, en scandant des slogans racistes. La préfecture a annoncé l’arrestation de huit personnes.
Manifestation de groupuscules d’extrême droite dans les rues de Lyon, lundi 27 novembre au soir. (Capture X @ArnaultRaphael)
publié le 28 novembre 2023 à 10h33

Ce lundi soir, Zaynab, 19 ans, rejoint des copines pour boire un verre en plein centre de Lyon. Elle n’est pas encore tout à fait sortie du métro qu’elle entend des cris à l’extérieur. Ou plutôt des chants et des slogans racistes comme «Islam hors d’Europe». «La première chose à laquelle j’ai pensé ça a été : putain de merde, c’est les fachos !»

Lundi soir, une centaine de militants d’extrême droite radicale ont traversé le centre-ville de Lyon entre Rhône et Saône. Plus tôt, un rassemblement «pour Thomas», ce garçon tué lors d’une fête de village à Crépol le 19 novembre, avait été interdit par la préfecture. Il était organisé à l’appel des Remparts – groupuscule lyonnais bâti sur les cendres de feu Génération identitaire, dissous en mars 2021 – et relayé par des membres de Reconquête, la formation d’Eric Zemmour et Marion Maréchal.

Cagoules et fumigènes rouges

Sur les lieux du rassemblement prévu, ce lundi 27 novembre, à 19 heures, place du Maréchal-Lyautey dans le 6e arrondissement, plusieurs jeunes tournent autour du point de rendez-vous. «T’es là pour la manif ?» La question nous surprend dans notre dos. Elle a été posée d’un seul souffle. On se retourne. Face à nous, un visage jeune. De courtes boucles brunes et une moustache pas entièrement fournie. Pas convaincu par notre réponse, le jeune homme se retourne et s’éloigne, comme s’il ne nous avait rien demandé.

Une douzaine de camions de CRS sont là pour faire respecter l’interdiction. Un des policiers se permet une boutade à un collègue à propos d’un groupe de jeunes plus loin, qui tâtent le terrain : «Dites-leur qu’il fait meilleur dans les bars !» Ce n’est pas vraiment le projet. A 20 heures, alors que les CRS se décident à «rembarquer», c’est de l’autre côté du Rhône que ceux qu’ils attendaient se sont rassemblés. Dans les minutes qui suivent, des vidéos montrent sur les réseaux sociaux un groupe d’individus, la plupart cagoulés, défiler dans les rues de la Presqu’île lyonnaise derrière une banderole «L’immigration tue», fumigènes rouges à la main.

«J’ai les cheveux bouclés, c’est le premier truc qu’ils remarquent»

C’est à peu près à ce moment que Zaynab manque de les croiser à la sortie de son métro. Elle retrouve ses copines à la terrasse couverte d’un bar un peu plus loin, avenue de la République. Quelques instants plus tard, les membres de ces groupuscules identitaires passent devant le bar. «Les trois filles qui étaient assises à la table d’à côté ont eu tellement peur qu’elles se sont réfugiées à l’intérieur, raconte son amie, Nathea, 19 ans. Même si t’es derrière une vitre, à tout moment il y en a un qui peut la péter et t’agresser. J’ai les cheveux bouclés, c’est le premier truc qu’ils remarquent. S’il y en a un qui veut te faire du mal, il peut. C’est ça le plus effrayant.»

Quelques instants après, la bande de nervis atteint la place des Terreaux, devant l’hôtel de ville. «Ils sont arrivés là et ils ont chanté la Marseillaise. Puis il y a un des leaders qui leur a dit : “Allez les gones , il faut se disperser maintenant ! Rentrez chez vous !”», raconte un restaurateur.

Zaynab est née à Lyon. Nathea y vit depuis cinq ans. Elles connaissent très bien les violences de l’extrême droite ici. Zaynab avait manqué de peu de se prendre un violent coup de poing dans la tête lors de l’attaque il y a deux ans, rue Mercière, après un match de l’Euro opposant la France et la Suisse. «J’étais juste là pour voir le match de foot. Ils sont sortis en cinq minutes chrono et ont attaqué tout le monde», dit-elle. La colère prend le pas dans sa voix : «On a une ville magnifique. Ça donne une mauvaise image. Ces personnes-là, elles entachent la ville.» Lundi soir, huit personnes seulement ont été interpellées, a annoncé la préfecture.