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Réactions

«Réactionnaire», «mesurettes», «trahison»… Les oppositions pas convaincues par le discours de Gabriel Attal

«Bénéfice du doute» pour la droite, «politique pour les riches» selon la gauche : la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre, ce mardi 30 janvier, n’a pas encore fait bouger les lignes à l’Assemblée.
Lors de la déclaration de politique générale de Gabriel Attal à l'Assemblée nationale, à Paris le 30 janvier 2024. (Albert Facelly/Libération)
par Nicolas Massol, Sacha Nelken et Mina Peltier
publié le 30 janvier 2024 à 18h31

Sur son siège, le député socialiste Arthur Delaporte trépigne. Depuis une heure, le nouveau Premier ministre prononce, à la tribune de l’Assemblée nationale, sa déclaration de politique générale. Une prise de parole très attendue censée fixer le cap du gouvernement. Le locataire de Matignon parle de «désmicardiser la France», de la «débureaucratiser», annonce la suppression de «l’allocation spécifique de solidarité»… L’élu du Calvados n’aime pas ce qu’il entend. «J’attendais un discours réac et creux, on a eu un discours poujadiste, populiste et plein de régressions sociales», écrit-il à Libé. Une fois la prise de parole terminée, il renchérit devant les caméras, nombreuses dans la salle des Quatre-Colonnes ce mardi 30 janvier : «Pour quelqu’un qui est né en 1989, c’est un discours d’un autre temps.»

Comme le socialiste, la gauche tout entière dénonce une prise de parole «réactionnaire». «Il a passé Margaret Thatcher et Michel Sardou au Thermomix», raille le député insoumis Hadrien Clouet. «Le fond du discours, c’est : La France ne travaille pas assez, mettons-la au travail. Chose qu’on a déjà entendue en 1940, poursuit-il. Il veut mener avec une politique pour les riches qui fera 200 gagnants et 67 millions de perdants.» Le communiste Fabien Roussel fait lui aussi le parallèle avec l’ancienne Première ministre britannique conservatrice : «C’était Gabriel Thatcher», lance-t-il estimant que la «politique macroniste n’a jamais été aussi libérale».

«Continuité de la politique de casse sociale»

«C’est la continuité de la politique de casse sociale déjà engagée», abonde la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain. Le volet logement a particulièrement attiré son attention. «C’est une catastrophe, estime-t-elle. Il nous annonce la création de 30 000 logements alors que la Fondation Abbé-Pierre affirme qu’il en faudrait entre 300 000 et 400 000.» Pendant ce temps-là, une poignée de députés Renaissance se présente devant le mur de micros et de caméras pour dire à quel point ils sont «fiers» de l’allocution de Gabriel Attal. «Le cap est donné, sourient-ils. Notre Premier ministre a entendu les agriculteurs et leur apporte des réponses.» Quelques instants plus tôt, le chef du gouvernement a annoncé que ceux qui n’ont pas encore reçu le solde des aides de la politique européenne de soutien à l’agriculture de 2023 seront crédités «d’ici le 15 mars».

Au Rassemblement national, en revanche, le côté «réactionnaire» de la prise de parole d’Attal dénoncé par la gauche n’émeut personne. Le député des Bouches-du-Rhône Franck Allisio reconnaît même que rien de ce qu’a dit le locataire de Matignon ne fait «sursauter». Chez les élus d’extrême droite, on préfère, à l’instar du vice-président RN de l’Assemblée nationale Sébastien Chenu, moquer un «petit empilement de mesurettes qui n’est pas au niveau de ce qu’on peut attendre d’un Premier ministre». «Il ne manquait que le prix du stationnement et du ticket de métro pour être complet», raille le député du Nord. «C’était le catalogue 3 Suisses, le vide total, […] des mesures sans incidence concrète pour la vie des gens», ajoute le numéro 2 du groupe RN, Jean-Philippe Tanguy.

«Une forme de trahison»

Vieux routier de l’Assemblée nationale, le député Les Républicains Philippe Gosselin, élu au Palais-Bourbon depuis 2007, en a vu des déclarations de politique générale. Celui de Gabriel Attal ne l’a pas particulièrement emballé. «Je ne suis pas sûr qu’on ait envie de tendre la main, explique l’élu de droite. On lui laisse le bénéfice du doute mais nous avons été un peu échaudés par la loi immigration. Il y a eu un contrat moral avec Elisabeth Borne, le président Macron a tordu le bras à certaines de ses troupes… Tout ça pour ça ?»

D’autant, que la prise de parole de Gabriel Attal n’a pas de quoi calmer le président des Républicains, Eric Ciotti, déjà échaudé par la censure partielle de la loi immigration par le Conseil constitutionnel. Le député des Alpes-Maritimes dénonce «une forme de trahison» sur la question de l’aide médicale d’Etat, que l’ex-Première ministre s’était engagée à réformer. Son successeur a annoncé ce mardi qu’il passerait, pour ce faire, par la voie d’un règlement et non d’une loi, à la grande indignation du président LR. Le parti de droite ne devrait cependant pas voter la motion de censure déposée par la gauche, qui devrait être examinée dans les prochains jours.