Comment réagir à la mort de Jean-Marie Le Pen, multicondamné pour des propos racistes et antisémites mais qui a malgré tout marqué l’histoire de la Ve République ? La question taraude la classe politique depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois. L’annonce du décès du leader d’extrême droite ce mardi 7 janvier a en tout cas précipité ceux qui cherchaient encore le juste milieu, surtout des deux côtés de l’échiquier politique.
Le Premier ministre François Bayrou a notamment publié sur le réseau social X un message décrié. «Au-delà des polémiques qui étaient son arme préférée et des affrontements nécessaires sur le fond, JM Le Pen aura été une figure de la vie politique française. On savait, en le combattant, quel combattant il était», a écrit le locataire de Matignon. Une réaction très molle qui a fait réagir la gauche, contre des frasques et des condamnations de Jean-Marie Le Pen reléguées au rang de simples «polémiques». «Effectivement, on savait quel combattant il était. Un tortionnaire de la guerre d’Algérie, un antisémite, adorateur de Pétain, armé d’un poignard de la Waffen-SS. Vous rendez hommage au père pour mieux collaborer avec sa fille», a répondu la députée LFI Alma Dufour, en accompagnant sa publication d’une photo de l’arme utilisée par le Breton lors de la guerre d’Algérie.
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Peu après, l’Elysée s’est fendu d’un communiqué pour expliquer que Jean-Marie Le Pen était une «figure historique de l’extrême droite», dont le «rôle dans la vie publique de notre pays pendant près de soixante-dix ans […] relève désormais du jugement de l’Histoire.» «Le président de la République exprime ses condoléances à sa famille et ses proches», a ajouté la présidence après un long rappel d’éléments biographiques sur son parcours politique, sans mentionner son «palmarès» judiciaire.
Mais en dehors des messages des deux têtes de l’exécutif, c’est l’encéphalogramme plat dans la macronie. Aucun élu du parti présidentiel ne s’est risqué à une quelconque déclaration. Il n’y a guère plus de réaction à droite. Seul le très droitier ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a publié un post sur ses réseaux sociaux. «Aujourd’hui, une page de l’histoire politique française se tourne, écrit le locataire de Beauvau. Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir de Jean Marie Le Pen, il aura incontestablement marqué son époque». L’ancien patron des sénateurs LR dit «[adresser] toutes [ses] condoléances à Marine Le Pen et à ses proches.»
«Le combat continue»
A gauche, Jean-Luc Mélenchon a été le premier a réagir, estimant que «le respect de la dignité des morts et du chagrin de leurs proches n’efface pas le droit de juger leurs actes». «Ceux de Jean-Marie Le Pen restent insupportables», écrit le tribun insoumis, affirmant que si «le combat contre l’homme est fini. Celui contre la haine, le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme qu’il a répandus, continue.» Comme le triple candidat à la présidentielle, l’intégralité des responsables des partis de gauche n’ont pas manqué de rappeler les pires saillies de Le Pen. «Les amis de Vichy et la torture en Algérie. Le FN fondé avec des Waffen SS, les ’’Durafour crématoires’’ et les ‘‘points de détail de l’histoire’’. Un fasciste d’un autre temps s’en est allé. Mais laisse derrière lui des héritiers, très actuels», grince le député François Ruffin.
Rare socialiste à réagir, le député du Calvados Arthur Delaporte considère que la mort du finaliste de la présidentielle de 2002 «ne doit pas exonérer le Rassemblement national du poids de son héritage : xénophobie, antisémitisme, rejet de l’autre». La tête d’affiche du NPA Philippe Poutou n’a, lui, pas pris de gants pour dire le fond de sa pensée. «C’est dingue, les vœux ça marche ! L’année 2025 ne commence pas trop mal avec cette bonne nouvelle de la mort de Le Pen», a écrit sur X le double candidat à la présidentielle, dressant un portrait sans complaisance de Le Pen : «Un raciste, un colonialiste, un facho, un tortionnaire, un assassin, un homophobe, etc.» Ajoutant : «Mais ça ne change rien au combat antifasciste unitaire à mener d’urgence.»
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L’extrême droite, sans surprise, a salué la mémoire du fondateur du Front national. Jean-Marie Le Pen «a toujours servi la France, défendu son identité et sa souveraineté», dans «l’armée française en Indochine et en Algérie» ou en tant que «tribun du peuple», a loué le président du Rassemblement national (ex-FN) Jordan Bardella. Son vice-président Sébastien Chenu a déploré la «disparition d’un immense patriote, visionnaire et d’une incarnation du courage» qui «a porté l’espoir de millions de Français». Le parti a salué son fondateur qui «restera celui qui, dans les tempêtes, tint entre ses mains la petite flamme vacillante de la nation française et qui, par une volonté et une ténacité sans limite, fit du mouvement national une famille politique autonome, puissante et libre». A noter que sa fille, Marine, avec qui il était brouillé de longue date, n’a pas encore pris la parole. Elle se trouve dans un avion au retour d’un déplacement à Mayotte. La patronne du RN a été avertie de la mort de son père par les journalistes présents avec elle, et non par sa famille.
Pour sa part, Éric Zemmour (Reconquête) retient qu’il «fut parmi les premiers à alerter la France des menaces existentielles qui la guettaient». «Au-delà des polémiques, il aura marqué son temps par la force et la constance de ses convictions nationales», a renchéri Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France). Éric Ciotti, qui s’est allié au RN lors des dernières législatives, a salué un «homme politique au parcours jalonné de zones d’ombre, mais aussi de courage, d’intuitions puissantes et de patriotisme sincère». Seul à prendre ses distances, le maire de Béziers Robert Ménard estime que Jean-Marie Le Pen «tenait des propos inacceptables, insupportables».