De leurs deux premières rencontres officielles à Matignon avec Sébastien Lecornu, le 17 septembre puis le 3 octobre, les socialistes étaient sortis déçus, le visage fermé. Déconcertés par le flou du Premier ministre et l’absence de «rupture» concrète dans ses pistes budgétaires, les roses répétaient que sans changement dans la copie, ils n’auraient d’autre choix que de le censurer. A nouveau reçue ce mercredi 8 octobre en milieu de matinée, la délégation PS est sortie du 57 rue de Varenne méfiante. Eux qui attendaient des clarifications sur une possible suspension de la réforme des retraites, mise sur la table par certains macronistes, dont l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne qui avait porté le texte, ont expliqué devant les journalistes n’avoir reçu «aucune assurance» sur le sujet.
Avant de se décider ou non à conclure un accord avec les macronistes, les socialistes réclament de la clarté. «Sur la suspension de la réforme des retraites, nous ne désarmerons pas. Nous voulons être sûrs que nous ne sommes pas face à une mascarade qui conduirait à beaucoup de déceptions», a expliqué le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, devant Matignon, souhaitant qu’Emmanuel Macron envoie un signal. «La réalité de cette histoire peut être un leurre complet si des précisions n’étaient pas apportées par le président de la République dans les prochaines heures», a-t-il ajouté. «Est-ce qu’Elisabeth Borne avait un mandat ? Est-ce que c’est un coup de bluff ? On le saura ce soir», s’interroge un participant de la rencontre.
La suspension de la réforme, un «élément majeur»
Si les socialistes insistent tant sur cette question de la suspension, c’est qu’elle est un «élément majeur» de leur contre-projet budgétaire présenté à la fin de l’été à Blois, selon la source citée plus haut. Outre ce sujet, la délégation rose s’est rendue à Matignon pour marteler que la gauche était prête à gouverner. «Notre objectif, ce n’est pas Blois, tout Blois, rien que Blois, mais une vraie rupture avec la politique macroniste. Ce qui passe par la prise en compte de nos propositions de justice sociale, fiscale et écologique», rappelle le président du groupe PS au Sénat Patrick Kanner, présent lors de la rencontre.
Comme le PS, les écologistes se sont rendus à Matignon à la mi-journée pour exiger la nomination d’un Premier ministre de gauche. «Renommer une énième fois un Premier ministre issu de camp du président de la République serait une ultime provocation, a prévenu la secrétaire nationale du parti vert Marine Tondelier à l’issue de la réunion. Il ne tiendrait pas une minute.» L’élue municipale d’opposition à Hénin-Beaumont explique qu’un tel scénario pourrait fonctionner puisqu’un gouvernement de gauche et écologiste «aurait un soutien populaire».
Pression sur Emmanuel Macron
Surtout, Tondelier estime que les menaces de censure immédiate venues de la droite et d’une partie de la macronie ne sont que du «bluff». Dans la soirée, les Ecologistes ont répété leur demande dans un communiqué appelant «solennellement, une dernière fois, Emmanuel Macron à se conformer aux résultats des élections et à nommer à Matignon un premier ministre de gauche et écologiste». Et haussent le ton en prévenant au passage que «si, une nouvelle fois, le Président venait à refuser le résultat des urnes, il devra partir». Preuve que la pression sur le chef de l’Etat est de plus en plus grande. Dans la classe politique, la question de sa démission n’est désormais plus taboue.
A ses invités, le Premier ministre a rappelé que cette rencontre était celle «de la dernière chance» pour éviter une dissolution de l’Assemblée nationale. Dissolution à laquelle le PS n’est pas favorable, comme il l’a rappelé ce mercredi matin à Matignon. Juste avant de recevoir les socialistes ce matin, Sébastien Lecornu s’était montré confiant quant à sa capacité à aboutir à un accord. Dans une courte déclaration, le Premier ministre démissionnaire a salué la «convergence» politique pour «avoir un budget» avant fin 2025, qui «éloigne les perspectives d’une dissolution». Seulement, «ce n’était pas le Premier ministre devant nous, mais le négociateur missionné par Emmanuel Macron, insiste Patrick Kanner. Il est en fait comme un étudiant qui va rendre sa copie à l’examinateur en chef. A la fin, c’est le chef d’Etat qui va le noter».
Mise à jour à 16 heures 02 avec l’ajout des écologistes. Puis à 19 heures 35 avec davantage d’éléments.