Lutter contre l’immigration et l’habitat illégal, investir massivement pour relever le département le plus pauvre de France, recenser la population, sept mois après le passage de Chido, le Parlement a adopté définitivement ce jeudi 10 juillet par un vote au Sénat le projet de loi pour «refonder» Mayotte, département le plus pauvre de France confronté avant même le cyclone à d’immenses défis.
Le texte a été adopté sans difficulté. Fruit d’un compromis entre députés et sénateurs, il a déjà franchi mercredi le cap de l’Assemblée avec le soutien de la coalition gouvernementale et de l’extrême droite. Mais la gauche, n’a pas voté pour. En cause : «l’obsession» du projet de loi pour l’immigration et des mesures «inhumaines» directement inspirées du programme de Marine Le Pen, ont accusé plusieurs députés. Voici les principaux points du texte qui doit être adopté définitivement jeudi au Sénat.
Des investissements de 4 milliards sur six ans
Le texte du gouvernement n’est pas un simple projet de loi, il comprend aussi un volet programmatique, qui impose des objectifs à l’exécutif. Il prévoit notamment 4 milliards d’euros d’investissements publics sur six ans. Ces investissements publics sont associés à des priorités autour des sujets de l’eau, de l’éducation, de la santé, des infrastructures ou de la sécurité.
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Le projet acte la promesse de construire des «infrastructures essentielles» comme des hôpitaux ou encore un nouvel aéroport sur l’île de Grande-Terre. Il contient aussi des engagements plus généraux, comme la fin des rotations scolaires pour la rentrée 2027, alors qu’aujourd’hui, de nombreux élèves doivent partager leur salle de classe avec un autre groupe, faute de places disponibles.
Immigration, habitat illégal et sécurité
Le texte liste deux priorités : la lutte contre l’immigration et l’habitat illégal, «sans quoi, nous risquons de reconstruire Mayotte sur du sable», selon les mots du ministre des Outre-mer Manuel Valls. Plusieurs mesures facilitent la destruction des bidonvilles sur l’archipel, avec par exemple la possibilité de déroger à l’obligation d’une offre de relogement ou d’hébergement d’urgence.
Le projet de loi durcit surtout les conditions d’accès au séjour sur l’archipel, où la moitié de la population est étrangère, selon l’Insee. L’obtention d’un titre de séjour pour les parents d’enfant français devra désormais être conditionnée à une entrée régulière sur le territoire. Il lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, en alourdissant la peine contre cette infraction. Et il prévoit la centralisation de celles-ci à Mamoudzou, dans le but d’identifier les auteurs de reconnaissances multiples.
Interview
Le volet sécuritaire prévoit le retrait possible des titres de séjour aux parents d’enfants considérés comme menaçant l’ordre public. Ou encore la possibilité de placer dans une zone de rétention des mineurs accompagnant un majeur faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.
Le texte prévoit la suppression, à l’horizon 2030, des visas territorialisés à Mayotte, qui empêchent les détenteurs d’un titre de séjour mahorais de venir dans l’Hexagone. La suppression de ce titre de séjour spécifique est très attendue par certains habitants qui y voient une injustice et un manque de solidarité de la France métropolitaine face à l’afflux massif d’immigrés clandestins venus notamment des Comores voisines.
Volet socio-économique
Sur le volet social, le projet de loi prévoit de faire converger le niveau des prestations sociales comme le RSA ou le SMIC entre Mayotte et l’Hexagone à l’horizon 2031. Une première étape permettra d’atteindre 87,5 % du SMIC dès le premier janvier 2026. Du côté des entreprises, un allègement des charges et un maintien du CICE jusqu’au 1er janvier 2027 ont été actés, avec une mise en place d’un régime d’exonérations de charges spécifique aux entreprises d’outremer, à partir de cette date.
Analyse
Par ailleurs, le texte prévoit la création d’une «zone franche globale» avec des abattements jusqu’à 100 %, étendue à toutes les entreprises et tous les secteurs d’activité, pour stimuler l’économie mahoraise. En revanche, le texte a été amputé d’une mesure particulièrement irritante pour les Mahorais, un article simplifiant les procédures foncières et les expropriations en vue de construire des infrastructures essentielles.
Le recensement exhaustif de la population à Mayotte dès 2025, une disposition très attendue sur l’île, est aussi inscrit dans la loi. Depuis des années, les élus locaux affirment que la population est sous-estimée avec pour conséquence des collectivités moins bien dotées qu’elles ne devraient l’être et des services publics saturés.
Gouvernance locale renforcée
Mayotte deviendra une collectivité unique «département-région». Ce changement institutionnel, acté dans une loi organique parallèle, vise à donner plus de leviers aux élus mahorais, notamment pour gérer les fonds européens et piloter le développement de leur archipel.
Le projet instaure un scrutin de liste pour l’élection de 52 conseillers à l’assemblée de Mayotte, ainsi que des incitations pour attirer les fonctionnaires, comme une bonification d’ancienneté et une priorité de mutation au retour.