65 ans ne sera pas l’âge de la retraite pour la Constitution de la Ve République. Venu célébrer son anniversaire sous les dorures du Grand salon du Conseil constitutionnel, Emmanuel Macron préfère chanter ses louanges plutôt que de la brusquer. «Je ne crois pas que les temps soient venus de changer de République. Ce serait tout à la fois inutile et présomptueux. Nos institutions conservent encore toute leur force», prévient-il. Le chef de l’Etat n’a pas abandonné sa volonté de réformer le texte de 1958, mais il a revu ses ambitions à la baisse depuis ses tentatives infructueuses de 2018 et 2019.
Cette fois-ci, le Président concentre ses efforts sur deux sujets : le référendum et la décentralisation. «La question de l’extension du champ référendaire est aujourd’hui posée par de nombreuses formations politiques», observe-t-il après sa rencontre avec les chefs de partis à Saint-Denis le 30 août. Emmanuel Macron propose donc d’élargir le champ de l’article 11 de la Constitution. Il s’agit d’allonger la liste de sujets pouvant faire l’objet d’un référendum, aujourd’hui circonscrite à «l’organisation des pouvoirs publics», aux «réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation» et à la ratification de traités internationaux. Lesquels ? Le chef de l’Etat ne le dit pas. En creux, il adresse toutefois une fin de non-recevoir à ceux qui, à droite ou à l’extrême droite, voudraient remettre en cause le droit d’asile par référendum. «Disons-le avec clarté : étendre le champ du référendum ne peut permettre et ne saurait permettre se soustraire aux règles de l’Etat de droit», prévient Emmanuel Macron.
Le RIP doit être «plus simple»
Le Président se dit favorable à une réforme du référendum d’initiative partagée, créé en 2008 par Nicolas Sarkozy et jamais utilisé car les oppositions ne sont jamais parvenues à recueillir un cinquième des signatures de parlementaires et 10 % de celles des électeurs. «Sa mise en œuvre doit être plus simple, et les seuils permettant son usage, comme peut-être ses procédures, devraient être revus», reconnaît-il, tout en douchant aussitôt les espoirs des partis de gauche qui auraient souhaité organiser un référendum pour abroger la réforme des retraites. «Il faut établir des garanties solides pour éviter la concurrence entre les légitimités», recadre-t-il. «Vouloir faire un référendum sur le sujet qui vient d’être débattu par le Parlement, et d’être tranché par une loi, n’est pas de l’ordre du bon gouvernement car il ferait bégayer la République et consisterait en quelque sorte à créer un système permanent de balancier où ce que le Parlement aurait décidé une année, un référendum d’initiative partagée pourrait le défaire un an, deux ans ou trois ans plus tard», poursuit-il sous le regard vigilant de Laurent Fabius. En accueillant Emmanuel Macron, le président du Conseil constitutionnel avait mis en garde contre certaines innovations, semblant viser le «préférendum» évoqué cet été par le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. «Tout référendum doit porter non sur un slogan flou et passionnel mais sur un texte précis de loi», selon Fabius.
Au rayon décentralisation, «inachevée» selon Emmanuel Macron, «toute notre architecture territoriale est à repenser», poursuit-il sans entrer dans les détails. «Qui est responsable de quoi, quand et comment sont désignés lesdits responsables, quel impôt concourt à quel service public ? Une grande majorité de Français ne connaissent plus les réponses à ces questions simples», constate-t-il, en renvoyant le contenu de la réforme à des discussions avec «l’ensemble des forces politiques de bonne volonté». Il devrait à nouveau recevoir les chefs de partis à Saint-Denis à la fin du mois d’octobre.
Grand texte avec Corse et IVG pas exclu
Le calendrier de ces réformes institutionnelles reste flou. Seule la réforme urgente du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, «un sujet en soi», selon le chef de l’Etat, fera l’objet d’un projet de loi ad hoc. Quant aux dispositions sur le statut de la Corse ou la décentralisation ? «Pour l’instant c’est en discussion, répond-on à l’Elysée. Il faut d’abord travailler sur le fond avant de voir quel vecteur on emploie.» Un grand texte abordant d’un même mouvement le référendum, la Corse ou l’interruption volontaire de grossesse (IVG) n’est donc pas exclu à ce stade. Pourquoi cette nouvelle tentative de réforme serait-elle davantage couronnée de succès que les précédents de 2018 et 2019 ? «Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage», philosophe Eric Dupond-Moretti. La fable de La Fontaine citée par le ministre de la Justice dit aussi que «l’on a souvent besoin de plus petit que soi». Ce que le Président, adoptant une méthode plus modeste après six années d’insuccès en matière institutionnelle, semble avoir intégré.