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Résumé

Réforme des retraites, 49.3, déficit : ce qu’il faut retenir de la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu

Le Premier ministre a développé devant les députés, ce mardi 14 octobre, les grandes lignes qui devraient guider son action à Matignon.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale française, le 14 octobre 2025. (Albert Facelly/Libération)
Publié le 14/10/2025 à 15h47, mis à jour le 14/10/2025 à 16h08

Deux jours après avoir dévoilé la composition de son deuxième gouvernement, Sébastien Lecornu a prononcé ce mardi 14 octobre sa déclaration de politique générale devant les députés réunis dans l’hémicycle. Alors que LFI, le RN, le PCF et Les Ecologistes ont prévu de voter une motion de censure jeudi, le sort du Premier ministre est entre les mains des socialistes qui attendaient ce discours pour se décider. Retraites, le sujet qui devrait faire basculer le choix des roses dans un sens ou un autre, décentralisation, fiscalité : le chef du gouvernement a abordé tous les grands axes de la feuille de route qu’il devrait appliquer lors de son passage à Matignon. Libé vous résume les principales informations à retenir de cette déclaration.

Retraites : la réforme de 2023 suspendue jusqu’en janvier 2028

«Je proposerai au Parlement dès cet automne que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle, a annoncé le Premier ministre. Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028», a-t-il précisé, répondant à la principale demande que lui adressait le PS, sous peine de le censurer. Le chef du gouvernement suspend non seulement le recul à 64 ans de l’âge de départ, mais aussi l’allongement de la durée de cotisation. Sébastien Lecornu propose également d’organiser dans les prochaines semaines une conférence sur les retraites et le travail en accord avec les partenaires sociaux.

Mais le Normand a prévenu que la suspension de la réforme des retraites coûtera «400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027» et devra être «compensée par des économies». «Cette suspension bénéficiera à terme à 3,5 millions de Français. Elle devra donc être compensée par des économies. Elle ne pourra pas se faire au prix d’un déficit accru», a ajouté le Premier ministre devant l’Assemblée nationale.

La suspension de la réforme des retraites était au centre de l’attention ce mardi car la position du gouvernement sur le sujet était l’élément déterminant pour les socialistes. Le chef du gouvernement semble avoir entendu le PS qui demandait «la suspension immédiate et complète» de la réforme de 2023, avec un blocage de l’âge légal à 62 ans et 9 mois mais aussi de l’allongement de la durée de cotisation. Sans suspension du texte adopté au moyen de l’article 49.3 en 2023, les roses avaient assuré qu’ils censureraient le gouvernement Lecornu II.

Recours au 49.3 : le non-recours confirmé

Sébastien Lecornu a confirmé dès les premières minutes de son discours qu’il ne recourrait pas à l’article 49.3 pour faire passer les textes, et notamment le budget. C’est cet outil qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans passer par un vote des députés. «C’est la garantie que le débat vivra, ira jusqu’au bout, jusqu’au vote. Le parlement aura le dernier mot», a-t-il scandé. Le Normand l’avait déjà érigé en contrepartie à la non-censure avant sa démission, il l’a répété : «En renonçant au 49.3, il n’y a plus de prétexte pour une censure préalable. Vous le demandiez, c’est fait.»

Baisse des dépenses de l’Etat : l’objectif de 4,7 % de déficit

Le Premier ministre lâche du lest dans la réduction du déficit. Alors que le projet de loi de finances pour l’an prochain prévoit de faire passer le déficit public de 5,4 % du produit intérieur brut cette année à 4,7 % l’an prochain, Sébastien Lecornu a indiqué dans sa déclaration de politique générale qu’à la fin de la discussion budgétaire, «il devra être à moins de 5 % du PIB.» Il a ajouté : «Je ne serai pas le Premier ministre d’un dérapage des comptes publics.»

Fiscalité : les grandes fortunes bientôt mises à contribution

Le chef du gouvernement a reconnu «des anomalies» dans la fiscalité des très grandes fortunes, souhaitant «une contribution exceptionnelle» des Français les plus riches dans le prochain budget. «Nous demanderons à créer une contribution exceptionnelle des grandes fortunes que nous proposons d’affecter au financement des investissements du futur qui touchent à notre souveraineté, pour les infrastructures, la transition écologique ou la défense», a-t-il affirmé.

La politique fiscale était le deuxième sujet susceptible d’orienter les socialistes vers la censure ou un sursis accordé au gouvernement. Si le PS n’attendait plus nécessairement de ce dernier qu’il applique la taxe Zucman (l’économiste s’est chargé de détricoter les mesures présentes dans le projet de budget) jugée «dangereuse» par le locataire de Matignon, les troupes d’Olivier Faure réclamaient toujours une mesure de justice fiscale visant à taxer les très hauts patrimoines. Début octobre, Sébastien Lecornu leur avait proposé une taxe sur le patrimoine excluant les biens professionnels et visant les holdings familiales.

L’accord de Bougival dans la Constitution

Pour le Premier ministre, la fin des accords de Nouméa a laissé «un vide institutionnel qu’il faut combler pour permettre la paix sur le Caillou». Pour y remédier, l’ancien ministre des Outre-Mer estime que l’accord de Bougival permet une réconciliation et qu’il «doit être transcrit dans la Constitution». «Le gouvernement proposera d’adopter ce texte avant la fin de l’année, afin que les Calédoniens puissent être consultés au printemps 2026. C’est une urgence», a assuré Sébastien Lecornu.

Toujours sur les territoires ultramarins le chef du gouvernement a annoncé une série de textes censés répondre aux problématiques de ces régions, «ce serait une erreur de croire que la Nouvelle-Calédonie est un cas à part. La question des outre-mer se pose aussi avec la même urgence», a-t-il assuré. Et Sébastien Lecornu d’annoncer : «Un projet de loi, concernant la «vie chère», est prêt. Il ne faut pas attendre. Un projet de loi constitutionnelle concernant la Corse, fruit de deux années de discussion, lui aussi est prêt. […] Là aussi, l’Assemblée nationale et le Sénat débattront et trancheront».

Un nouvel acte de décentralisation à venir

Premier ministre a promis un nouvel «acte de décentralisation» en déposant en décembre un projet de loi «pour renforcer le pouvoir local». Devant l’Assemblée nationale, l’ancien maire d’Evreux a lancé : «Il ne faut pas décentraliser des compétences, il faut décentraliser des responsabilités avec des moyens budgétaires et fiscaux et des libertés, y compris normatives». Sébastien Lecornu a estimé que ce projet «permettra de réformer l’Etat de manière globale et d’améliorer le fonctionnement de tous nos services publics». Et le chef du gouvernement d’ajouter : «Quel doit être le niveau de décision locale ? Qui est responsable de quoi ? Je proposerai un principe simple, celui de l’identification d’un seul responsable par politique publique. Il s’agira soit d’un ministre, soit d’un préfet, soit d’un élu.»