Place au budget de la sécu à de la très attendue suspension de la réforme des retraites. Ce lundi 27 octobre en début de matinée, l’Assemblée nationale se saisit en commission des Affaires sociales du projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
Le début de l’examen du projet de loi était initialement prévu jeudi dernier, mais il avait été repoussé après que le gouvernement a déposé une «lettre rectificative» intégrant directement au texte la suspension de la réforme des retraites, promise aux socialistes en échange de leur non-censure. Le projet suspend jusqu’à janvier 2028 la marche en avant vers les 64 ans, tout comme le relèvement du nombre de trimestres à cotiser pour partir à taux plein.
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Dès mardi dernier, plusieurs ministres (Santé, Comptes publics, Travail, Solidarités) avaient répondu devant les députés, en commission des Affaires sociales, à une série de questions et critiques sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Celui-ci prévoit des économies massives pour réduire le déficit à 17,5 milliards en 2026 (23 milliards en 2025). «C’est une copie de départ», «le débat est ouvert» et la version finale «sera bien différente», avaient-ils répété, cherchant à déminer le terrain tout en affirmant la nécessité de maîtriser les dépenses, et de «responsabiliser» tous les acteurs.
Dès ce lundi, les Républicains proposeront de supprimer la suspension de la réforme des retraites, tandis que les socialistes chercheront à y intégrer les carrières longues. Si la suspension passait l’épreuve du vote à l’Assemblée, le Sénat, contrôlé par la droite et les centristes, rétablira la réforme des retraites, a d’ores et déjà prévenu samedi son président, Gérard Larcher.
Grande cure d’austérité
Le coût de la suspension est estimé à 100 millions d’euros en 2026 et 1,4 milliard d’euros en 2027. Pour la financer, les options retenues – une mise à contribution des complémentaires santé et des retraités – sont critiquées. D’autant plus que le projet de budget de la sécu mis sur la table par le gouvernement Lecornu 2 est d’une exceptionnelle rigueur financière.
L’exécutif y limite la hausse des dépenses d’Assurance maladie à 1,6 %, alors qu’elles progressent naturellement chaque année d’environ 4 %, poussées notamment par le vieillissement de la population. Et il table sur sept milliards d’économies en santé, pour beaucoup douloureuses.
Plusieurs mesures ciblent les malades : nouvelle hausse des franchises (reste à charge des patients sur les consultations et médicaments), moindre remboursement chez le dentiste, limitation de la durée d’un premier arrêt maladie… Ce projet est «profondément injuste et inefficace», a jugé France Assos Santé, principale fédération d’associations de patients. A l’hôpital, c’est «la pire cure d’économies depuis les années 2010», selon les fédérations hospitalières.
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Autres propositions décriées : une taxation supplémentaire des complémentaires santé, des cotisations patronales sur les tickets-restaurant et œuvres du CSE, ou encore une surcotisation sur les dépassements d’honoraires des médecins. Le gel des pensions et de l’ensemble des prestations sociales (RSA, allocations familiales, APL…) en 2026, pour dégager 3,6 milliards d’euros d’économies, devrait aussi provoquer de vifs débats.
1 575 amendements déposés
Comme pour le projet de loi de finances, le Premier ministre Sébastien Lecornu s’est engagé à ne pas utiliser l’arme constitutionnelle du 49.3 pour faire adopter ce texte de près de 680 milliards d’euros de dépenses, soit plus que le projet de budget de l’Etat. Or, les désaccords entre forces politiques sont profonds, et le temps imparti limité.
Au total, 1 575 amendements ont été déposés sur le texte, selon un décompte de l’Assemblée vendredi soir. Les débats doivent a priori se terminer en commission vendredi prochain. Le texte doit ensuite arriver dans l’hémicycle le 4 novembre, avec un vote prévu le 12, avant sa transmission au Sénat.
Les discussions autour du budget de l’Etat ont, elles, débuté depuis une semaine à l’Assemblée. L’équation s’annonce particulièrement difficile pour le gouvernement Lecornu, face aux injonctions contradictoires des groupes politiques. Le patron des socialistes Olivier Faure a agité dimanche le spectre d’une nouvelle dissolution si le gouvernement ne cède pas dans les prochains jours sur une taxe sur les hauts patrimoines.