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Régionales en Bretagne : Thierry Burlot, plus «rassembleur» encore que Le Drian ?

L’ancien maire de Pléguien (Côtes d’Armor) se lance contre le sortant Loïg Chesnais-Girard, avec le soutien de la majorité présidentielle. Et prône le «rassemblement», au-delà des partis. Un air de déjà vu, qui suscite l’incompréhension chez beaucoup, et l’agacement chez d’autres.
Thierry Burlot en 2016. (Andbz/ABACA)
publié le 5 mars 2021 à 7h02

Certains sont plus royalistes que le roi. Thierry Burlot rêve-t-il, lui, d’être plus rassembleur que Jean-Yves Le Drian pour les prochaines élections régionales en Bretagne ? «Je veux créer les conditions d’un grand rassemblement autour de quelques idées fortes», avance l’actuel vice-président en charge de l’environnement au Conseil régional. «Pour prétendre dépasser Le Drian, il faut les épaules, prévient un élu régional qui, comme d’autres, s’interroge sur cette candidature. Le costume est un peu grand pour lui.»

Thierry Burlot, élu conseiller régional en 2004, est un fidèle de Loïg Chesnais-Girard, le patron socialiste de la Région. Ensemble, ils ont mené les politiques régionales en matière de qualité de l’eau, de gestion des déchets, d’énergie… Un bilan que partage Burlot, qui prône aujourd’hui «une nouvelle orientation.» «On peut aller plus loin, notamment sur la question des transitions», disait-il début février à Ouest-France.

«Je n’ai rien demandé»

Plus loin, mais vers quoi ? Et avec qui ? Dans l’arène politique bretonne, la candidature Burlot suscite au mieux la surprise, au pire les railleries. «Je suis élu depuis 2004. J’avais la naïveté de penser que ça allait pouvoir se prolonger avec Thierry Burlot», regrette le conseiller régional Gérard Lahellec. Et de philosopher : «C’est ainsi, paraît-il, dans la vie des hommes : certains estiment que leur heure est venue.» Marc Le Fur, député Les Républicains des Côtes-d’Armor, est plus sévère : «Ce sont des logiques politiciennes, des ambitions personnelles», dénonce le conseiller régional. Burlot réfute totalement : «Je n’ai rien demandé à personne. On est venu me chercher.»

L’idée de «rassemblement» prônée par Burlot est loin d’être neuve. La Bretagne, terre de la démocratie chrétienne et d’une social-démocratie modérée a toujours joué la carte du dialogue entre forces politiques. C’est même la marque de fabrique du «duc de Bretagne», Jean-Yves Le Drian, qui plane encore sur la région. En 1983, il accueillait dans sa ville de Lorient les «Transcourants», rassemblant ceux qui, au Parti socialiste, ne voulaient être enfermés dans aucune case. Le Drian reprendra la Bretagne à la droite en 2004 grâce à cette méthode. «Et le rassemblement était déjà un mot d’ordre», se souvient Lahellec. C’est cette année-là qu’il rencontre Burlot, et fait élire l’ancien maire de Pléguien, dans les Côtes-d’Armor, au Conseil régional.

Casse-tête des marcheurs

S’il refuse les étiquettes, Burlot a reçu le soutien de la majorité et des centristes pour le scrutin de juin prochain. Il a d’ailleurs fait appel à Olivier Dulucq, ancien conseiller ruralité au cabinet de Richard Ferrand à l’Assemblée nationale, pour diriger sa campagne. Est-il pour autant le bon profil pour la macronie ? Ou la preuve que le casting pour les régionales tourne encore au casse-tête ? Les anciens ténors socialistes bretons, Richard Ferrand et Jean-Yves Le Drian bataillent en coulisses pour attirer Chesnais-Girard dans leurs rangs. «Le Drian a cherché de toutes ses forces à l’aider, souffle un élu Rennais. Il devrait d’ailleurs continuer à tenter de le raisonner dans les prochains jours.» L’actuel président de la région a exprimé son refus, en janvier. «Je ne serai pas le candidat de la majorité présidentielle», a-t-il juré au Figaro.

De quoi alimenter un temps les rumeurs sur un éventuel retour du «Menhir», le surnom de Le Drian en Bretagne. En janvier dernier, sur France 3, l’ancien maire de Lorient était interrogé sur son candidat favori. «Ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui», écartait alors le ministre des Affaire étrangères, ajoutant toutefois : «Il faut un projet. Pour l’instant je ne les ai pas vus A un proche, il a récemment confié : «Il faut un peu de temps pour que cela décante.» «Il est sans doute malheureux de cette situation», abonde l’élu rennais cité plus haut.

«C’est une trahison»

Voir la région rebasculer à droite sonnerait comme un coup dur pour Le Drian, tant la région fut une terre promise pour le macronisme en 2017. Emmanuel Macron y a réalisé son plus gros score à la présidentielle. Un carton plein, renouvelé aux législatives. Reste que le ralliement de l’ancien maire de Lorient à Macron a laissé des traces dans la gauche bretonne. «C’est une trahison», dit le maire de Carhaix, Christian Troadec. Une trahison qui raconte aujourd’hui les rancœurs de la gauche bretonne.

Burlot, lui, fait fi des étiquettes. «Je ne suis pas le candidat d’En marche», répète-t-il. Ce qui ne l’a pas empêché d’être reçu six jours plus tard à l’Elysée. Un tête-à-tête avec le chef de l’Etat, officiellement pour dresser un bilan de sa première année à la tête de l’Office français de la biodiversité, l’OFB. Mais surtout, en creux, pour parler des régionales en Bretagne. «Je lui ai demandé s’il souhaitait une discussion franche ou diplomatique», a rapporté l’intéressé. «Ça a plus au président», dit aujourd’hui un proche du ministre des Affaires étrangères.

«Homme des solutions»

A entendre ceux ayant travaillé à ses côtés, Burlot n’a pas vraiment un profil clivant. Né à Brest, ancien technicien territorial au Conseil départemental des Côtes-d’Armor, le spécialiste de l’eau est un «gros bosseur», reconnaît Gérard Lahellec. «Il a fait honneur à la majorité régionale. Et elle le lui a rendu.» Certains voient pourtant dans sa candidature une sorte de vengeance personnelle. En 2015, Le Drian avait choisi Chesnais-Girard pour lui succéder. «Le PS ne m’a jamais rien donné», confiera un jour Burlot à un proche.

«C’est difficile de lui trouver des ennemis», reconnaît Pierre Karleskind, député européen et chef de file de LREM pour le scrutin. «On peut facilement discuter avec lui», abonde Christian Troadec. «Il a une vraie capacité à mettre les gens autour d’une table pour rendre des sujets complexes abordables à tous», dit encore Dulucq. Un profil «technique», repéré par Emmanuelle Wargon. Alors secrétaire d’Etat à l’Ecologie, l’ex-lobbyiste de chez Danone poussera sa candidature à la tête de l’Office français de la biodiversité. Des compétences sur les sujets environnements unanimement reconnus, qui lui ont valu sa réélection à la présidence du Comité de bassin Loire-Bretagne, début février. «C’est l’homme des solutions plutôt que des postures, dit Karleskind, fier de son slogan. Il n’est pas dans l’invective, ni dans la caricature […] Sur les questions environnementales, on peut dire : “Il faut tout changer, tout bouleverser.” Mais la réalité en Bretagne est plus complexe.» Burlot confirme : «On ne fera pas la transition sans les Bretons. Et ce qui fait la Bretagne, c’est son environnement.»