C’est la grosse surprise du remaniement. Si le départ de Rima Abdul Malak était attendu – l’ex-ministre avait publiquement subi la désapprobation d’Emmanuel Macron dans l’affaire Depardieu, le président estimant qu’elle s’était «un peu trop avancée» – la nomination de Rachida Dati au ministère de la Culture a fait l’effet d’une bombe.
L’arrivée de Dati souligne le tournant droitier pris par le gouvernement depuis l’arrivée de Gabriel Attal à Matignon. Mais surtout, la sarkozyste historique, qui fait trôner un tableau géant du général de Gaulle dans l’entrée de son bureau Rue de Grenelle, avait toujours pris soin de régulièrement égratigner l’exécutif macroniste, multipliant les piques et les mots forts. Au point que faire un top de ses déclarations fut compliqué, tant ses sorties acides sont nombreuses, notamment contre l’actuel pensionnaire de l’Elysée.
1. «Macron envoie les pires symboles»
Dans une longue tribune publiée dans le Monde le 15 juillet 2020, Rachida Dati chargeait violemment le président de la République sur ses choix de ministres, moins de deux semaines après l’arrivée de Jean Castex à Matignon et un remaniement polémique. «Il envoie les pires symboles aux femmes victimes de violences en confiant systématiquement les postes clés de l’administration et de son gouvernement à des hommes issus de la même bourgeoisie d’Etat», dénonçait-elle.
Dati faisait alors référence aux nominations de Gérald Darmanin, Eric Dupond-Moretti et Olivier Dussopt, qui venaient de se voir respectivement confier l’Intérieur, la Justice et les Comptes publics… Le premier était alors sous le coup d’une enquête pour une accusation de viol, le second était visé par les associations féministes pour ses propos sur le harcèlement de rue, et le troisième faisait l’objet d’une enquête pour «corruption» et «prise illégale d’intérêts». La nouvelle ministre de la Culture devra travailler avec les deux premiers, innocentés depuis.
2. «L’alliance avec En Marche, c’est le baiser de la mort»
Comment va-t-elle pouvoir le faire oublier ? Dans une interview à Ouest-France le 28 août 2020, Rachida Dati n’y allait pas par quatre chemins, enfonçant les membres des Républicains ayant décidé de s’allier avec le gouvernement pour les élections municipales 2020. «Tous ceux qui ont fait des alliances opportunistes avec LREM ont perdu. L’alliance avec En Marche, c’est le baiser de la mort», cinglait-elle. Très fière de sa formule, Rachida Dati en faisait même un tweet. Des mots extrêmement violents, de la part de celle qui, aujourd’hui, quoi qu’elle pourra en dire, s’allie avec Emmanuel Macron au sein de l’exécutif.
Pour susciter l’adhésion, il faut revenir aux fondamentaux : la proximité, les actes, la clarté, la cohérence. Tous ceux qui ont fait des alliances opportunistes avec LREM ont perdu. L’alliance avec En Marche, c’est le baiser de la mort. @OuestFrance https://t.co/TDqXb5gXbB
— Rachida Dati ن (@datirachida) August 28, 2020
3. «En Marche, c’est des traîtres»
Le 21 juin 2021, invitée sur France Inter, Rachida Dati se lâche au micro de Léa Salamé. Prenant à revers le «dépassement» de Macron, elle défend l’idée que la droite et la gauche, «ça existe», et chronique a posteriori l’élection présidentielle de 2017. Visant les socialistes et les républicains ayant «filé chez Macron en deux secondes», elle étrille le parti du Président, évoquant un mouvement qui n’aurait ni doctrine, ni idéologie, ni convictions : «En Marche, c’est quoi ? C’est des traîtres de gauche, des traîtres de droite, c’est ça, ce parti», tacle-t-elle, fusillant l’«impossibilité d’implantation locale», d’un parti qui «se réduit à Emmanuel Macron».
4. «Non, pas de participation au gouvernement»
Le 21 juin 2022, deux jours après le second tour des élections législatives qui avait vu la macronie réduite à une majorité relative à l’Assemblée nationale, Rachida Dati est invitée sur BFMTV. Elle l’assure alors : «Non», si le président de la République l’appelait pour s’asseoir à la table du Conseil des ministres, elle n’accepterait pas. «Nous avons dit : “Pas de participation au gouvernement”», explique-t-elle, faisant référence à la décision collégiale prise au sein de son parti Les Républicains.
Celle qui a toujours juré fidélité à sa formation politique est alors catégorique : elle ne répondra pas à la main tendue par François Bayrou et Edouard Philippe pour former une majorité parlementaire : «Maintenant ils pleurent, ils font appel à nous, on est leur bouée de sauvetage. Pendant cinq ans ils nous ont ignorés, méprisé tous les corps intermédiaires, tous les élus locaux, tous les Français… Voilà le résultat !»
5. Borne ? «Le choix de l’immobilisme»
Dans la même interview du 21 juin 2022, elle fustigeait la décision d’Emmanuel Macron de refuser la démission d’Elisabeth Borne. «Si elle reste, Macron fait le choix de l’immobilisme, on ne change rien, tout va bien. On enjambe, regrettait-elle. Pour lui, elle n’est pas là ! Elle ne participe même pas aux consultations, ça en dit long», poursuivait-elle, ciblant «une femme Première ministre… mais sous tutelle». Un an et demi plus tard, quelques jours après le départ de Borne, voici Dati aux côtés d’un autre Premier ministre, doté des mêmes armes institutionnelles, et qui devrait poursuivre la même politique que sa prédécesseure.
6. «Madame Buzyn, des Français sont morts !»
Le mercredi 17 juin 2020, un mois après la fin du premier confinement et à dix jours du second tour des élections municipales à Paris, le plateau de France Info est le théâtre d’un débat plus que houleux entre la maire de Paris Anne Hidalgo, candidate de la majorité Agnès Buzyn, et Rachida Dati. La discussion se transforme en pugilat au moment où Dati attaque vertement Buzyn, ex-ministre de la Santé, sur sa gestion de la pandémie de Covid : «Les valeurs de Madame Buzyn, c’est de mentir aux Français. Des Français sont morts ! Des Français sont décédés. Elle a menti aux Français sur des sujets graves. Effectivement, je n’ai pas les mêmes valeurs.» En somme, pour Dati, le gouvernement aurait été en partie responsable des morts de la première vague. Rarement filmée dans une telle colère, Agnès Buzyn riposte, indignée : «Je ne vous permets pas ! Madame Dati, c’est absolument honteux, c’est de la diffamation !»
⚡🇲🇫CITATION - "Les valeurs de Madame #Buzyn, c'est de mentir aux Français. Il y a eu des morts..." Rachida #Dati provoquant la colère de l'ex-ministre de la Santé qui réplique : "Je ne vous permets pas !!!" (📹Franceinfo - grand débat des municipales ) pic.twitter.com/d1UxEC8VmZ
— Brèves de presse (@Brevesdepresse) June 17, 2020
7. Macron : «Comment doit-on qualifier son silence et son inaction ?»
Le 2 octobre 2020, le discours d’Emmanuel Macron sur la lutte contre les séparatismes provoque l’ire de Rachida Dati. L’ancienne garde des Sceaux reproche au président de la République «de toujours culpabiliser la France et les Français», en réponse à la phrase «nous avons construit notre propre séparatisme, nos quartiers». Pour Dati, «les responsables sont les politiques, qui, à l’échelle nationale ou locale, se sont délestés de leurs missions de service public, ont créé des ghettos et ont enfermé dans un statut d’“assistés” les habitants de ces quartiers.» En réplique à Macron, pour qui le gouvernement n’a «jamais fait preuve d’angélisme ni de naïveté», elle tacle : «Alors comment doit-on qualifier son silence et son inaction depuis qu’il en est responsable ?», avant de se dire prête à affronter le Président à la présidentielle, affirmant que «LREM disparaît à chaque élection !»
8. «On est tous passés par des 6 %, ça va peut-être vous arriver un jour !»
En 4 janvier 2019, sur le plateau de l’Emission politique sur France 2, Rachida Dati se trouve aux côtés de Marlène Schiappa, alors secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Face à Benoît Hamon, celle dont la carrière politique a depuis été dynamitée par l’affaire du fonds Marianne ironisait sur le score au premier tour de l’élection présidentielle 2017 de l’ancien candidat socialiste. Après qu’Hamon a pointé ce qu’il estimait être un manque «d’élégance», Rachida Dati interpelle la ministre macroniste : «Vous dites tout à l’heure “vous avez fait 6 %” en montrant du doigt Benoît Hamon. Mais on est tous passés par des 6 %, ça va peut-être vous arriver un jour ! Donc, il faut être humble là-dessus. Et très modeste.»