Menu
Libération
Dedans dehors

Remaniement : François Bayrou durcit ses critiques contre une politique qui fait «progresser le Front national»

Le gouvernement Attaldossier
Après avoir annoncé, mercredi, qu’il ne rejoindrait pas le nouveau gouvernement, le président du Modem a donné ses raisons dans un cinglant réquisitoire contre la politique de Macron et Attal. Notamment sur l’Education nationale et la crise entre les Français et «les pouvoirs».
François Bayrou, sur BFMTV et RMC, le 6 février 2024. (Alain Apaydin/Abaca)
publié le 8 février 2024 à 10h14

Dans l’attente de la suite du remaniement, qui pourrait intervenir ce jeudi 8 février, François Bayrou continue de donner les raisons de son refus de rejoindre le gouvernement de Gabriel Attal en l’absence «d’accord profond sur la politique à suivre». Et l’allié historique d’Emmanuel Macron est encore monté d’un cran ce jeudi matin sur France Info. Dans un cinglant réquisitoire contre le macronisme et le duo Macron-Attal, il a tour à tour dénoncé «l’ignorance par les responsables du sommet de ce que vit la base» des Français ; l’impossibilité de réformer le pays «dans un climat uniquement gestionnaire» ; «la rupture constante, continuelle, progressive et de plus en plus grave entre la base et les pouvoirs» ; un exécutif qui «fait comme si la crise n’existait pas». Et s’est alarmé : «Le résultat de la crise et de cette incompréhension croissante entre les milieux de pouvoirs et la base, c’est la progression des extrêmes et singulièrement du Front national. […] Je pense que [l’exécutif] partage une partie [de cette analyse] mais les actes devraient suivre la parole.»

«Point de non-retour»

Après avoir confirmé que l’exécutif lui a proposé le poste de ministre de l’Education nationale, François Bayrou s’est également montré très sévère à propos de la politique éducative, sans pour autant vouloir cibler nommément Gabriel Attal. «Je suis persuadé qu’on peut redresser l’Education nationale en peu d’années mais que cela demande un choix politique de le faire avec les enseignants, estime Bayrou. Gabriel Attal a fixé des orientations et cela méritait une clarification. L’Education nationale ne peut pas se redresser dans un climat uniquement gestionnaire.» Et l’allié historique de fustiger «une musique de fond» qui serait que «les enseignants ne travaillent pas assez». Il confirme également la proposition du ministère des Armées qui lui a été faite mais aussi que la rumeur de Nicole Belloubet à la tête de l’Education nationale est sérieuse. Et d’oser : «Je ne fais pas carrière.»

Le président du Modem a également affirmé qu’un autre portefeuille l’aurait intéressé, celui de l’aménagement du territoire ou de la réforme de l’Etat. Il regrette en effet une «rupture en France constante, continuelle et progressive entre la base et les pouvoirs» et cite les crises des gilets jaunes ou des agriculteurs ainsi que le secteur de la santé. Or à ses yeux, la composition actuelle du gouvernement avec «onze ministres parisiens ou franciliens et pas un seul du sud de la Loire». «Tout ça crée un déséquilibre», résume-t-il. Un «déséquilibre» que le remaniement ne suffira pas à rétablir car les ministres de plein exercice ont déjà été nommés. «C’était une question d’identification dans le pays de ce qui mérite le plus dans le pays de soin ou d’engagement.» Or il y a urgence selon lui car «nous sommes à un point de grave inquiétude pour ne pas dire à un point de non-retour».

«Cela va finir où ce truc ?»

Sur un plan plus politique, s’il assure ne regretter aucunement d’avoir cru en Macron depuis 2017, Bayrou rappelle la promesse macronienne originelle de «gouverner autrement». Résultat à ses yeux ? «On gouverne comme avant.» Et quand les journalistes lui demandent combien de ministre Modem attend-il au gouvernement : «Je ne suis pas là comme au marché aux bestiaux», élude-t-il. Mais après trente minutes à tourner autour du pot, François Bayrou a par ailleurs fini par lâcher ce jeudi matin : «Oui, nous sommes membres à part entière de la majorité qui veut reconstruire le pays.» Pas simplement donc de «la majorité». «L’enjeu de 2027, c’est qu’on arrive à réconcilier la France qui se bat en bas avec la France qui décide en haut», précise-t-il avant de faire comprendre qu’il pourrait se présenter à la prochaine présidentielle. «Ouvrez les yeux sur ce que nous sommes en train de vivre, s’emporte l’allié de Macron. Cela va finir où ce truc ? La politique française telle qu’elle est conduite depuis de longues années ? Je ne laisserai pas les choses dériver sans rien dire.» Et de conclure, dans une énième mise en garde : «Le pays a besoin de plus de compréhension politique de ce qui se passe à la base et moins de gestion technocratique.»

Les réactions de son camp ne sont pas faites attendre. Le député Jean-Louis Bourlanges, une des principales figures du Modem, a accusé ce jeudi François Bayrou d’«affaiblir dangereusement» la majorité, tout en «nous discréditant» en refusant avec fracas et «sans aucune concertation» de participer au gouvernement de Gabriel Attal. «Si nous n’étions pas vraiment satisfaits de la place qui nous était proposée, il eût été envisageable de pratiquer le soutien sans participation», a critiqué dans un communiqué publié sur X (anciennement Twitter) le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, regrettant que le Modem se trouve dans la position «inverse : la participation sans le soutien». Première intervention qui illustre la crise que ce remaniement fait traverser à la majorité présidentielle.