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Reconduction

Retailleau, Dati, Lecornu… Les ministres qui rempilent dans le gouvernement Bayrou

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Du très droitier ministre de l’Intérieur à celui qui espérait Matignon mais reste aux Armées, de nombreux ministres sont parvenus à garder leur poste. Ou, à défaut, rester dans le gouvernement.
Bruno Retailleau, Rachida Dati et Sébastien Lecornu. (R. Bouchet. A. Jocard. S.Lecocq/AFP. REUTERS)
par Eliott Nail
publié le 23 décembre 2024 à 22h10

Dix jours après sa nomination à Matignon, le gouvernement de François Bayrou a été dévoilé par le secrétaire général de l’Elysée ce lundi 23 décembre. Plusieurs figures du gouvernement de Michel Barnier conservent leur maroquin ou héritent d’un nouveau portefeuille. Tour d’horizon de dix d’entre eux.

Bruno Retailleau reste à l’Intérieur

Il était le seul véritable poids lourd du gouvernement démissionnaire et avait rapidement fait savoir qu’il comptait rester à Beauvau. C’est chose faite pour Bruno Retailleau (LR). Depuis son arrivée il y a trois mois, le Vendéen a multiplié les sorties médiatiques pour afficher sa fermeté en matière de sécurité et de lutte contre l’immigration, au risque de choquer. «L’Etat de droit n’est pas intangible, pas sacré», avait-il déclaré fin septembre, étant accusé en retour par Marc Fesneau (MoDem) de saper les «fondements communs multiséculaires» du pays.

Sa stratégie agressive de communication a finalement permis à l’ancien président du groupe LR au Sénat de s’affirmer comme le nouveau poids lourd de son camp, jusqu’à faire de l’ombre à Laurent Wauquiez. Ce dimanche, il assurait déjà avoir obtenu l’accord de François Bayrou sur «une demi-douzaine de mesures» portant sur l’immigration, un dossier où sa fermeté ne concorde pourtant pas totalement avec les positions des centristes et d’une partie des macronistes. Mais plus avec celles du RN.

Catherine Vautrin ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles

La ministre démissionnaire, qui était en charge du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation depuis septembre, se maintient de nouveau au gouvernement. Mieux, elle récupère l’immense portefeuille – Travail, Santé, Solidarités – qu’elle avait obtenu sous le gouvernement Attal lors du premier semestre 2024. La ministre ajoute même la Famille à son portefeuille. Députée (UMP, puis LR) de 2007 à 2017, elle avait voté contre le «mariage pour tous» en 2013. Sous le second mandat de Jacques Chirac, la Rémoise avait déjà fait preuve de résilience dans le gouvernement. Elle avait alors été successivement secrétaire d’Etat à l’Intégration et à l’Egalité des chances, secrétaire d’Etat aux Personnes âgées et ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la parité.

Jean-Noël Barrot retrouve le Quai d’Orsay

Le député du Nord Gérald Darmanin voulait son poste. Mais le Tourquennois nommé à la Justice, Jean-Noël Barrot reste finalement ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Porte-parole puis secrétaire général du MoDem de 2018 à 2022, il est un poids lourd du parti du Premier ministre sur lequel il pourra s’appuyer. Economiste de formation, ancien enseignant au MIT et à HEC, Jean-Noël Barrot a déjà été ministre délégué chargé du Numérique de 2022 à 2024 (ce qui ne l’a pas empêché d’être récemment imprudent avec son téléphone personnel), puis ministre délégué chargé de l’Europe (sous le gouvernement Attal). Il est aussi député de la 2e circonscription des Yvelines depuis 2017.

Astrid Panosyan-Bouvet au Travail et à l’Emploi

En 2007, elle a voté François Bayrou face à Ségolène Royal, avait-elle confié à Libération il y a deux ans. Il n’est donc pas si étonnant de voir Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance), ministre du Travail et de l’Emploi sous le gouvernement Barnier, reconduite dans ses fonctions. Même si elle l’est cette fois sous la tutelle du ministère de Catherine Vautrin. Encartée au PS dans les années 2000, tendance rocardienne comme Emmanuel Macron (qu’elle rejoint en tant que conseillère à Bercy dès 2014), celle qui affirme être sociale-démocrate et libérale est pourtant cofondatrice d’En marche – forme originelle du parti présidentiel.

Ancienne dirigeante d’entreprises du CAC 40, elle est députée de la 4e circonscription de Paris (qui comprend une partie des XVIe et XVIIe arrondissements) depuis 2022. Son court exercice des fonctions ministérielles a été marqué par une reprise du dialogue avec les partenaires sociaux et plusieurs accords conclus.

Annie Genevard à l’Agriculture

A l’hôtel de Villeroy, rue de Varenne, c’est le choix de la stabilité qui prédomine. Annie Genevard, députée de la 5e circonscription du Doubs depuis 2012 et cadre des Républicains (LR), garde son poste. Un maintien annoncé alors que le mois de décembre a été ponctué par de nouvelles manifestations d’agriculteurs en colère, qui ont notamment dégradé plusieurs permanences de députés. Proche des positions de la FNSEA, sur la critique des régulations européennes ou de l’interdiction des pesticides, Annie Genevard est aussi une pourfendeuse régulière des militants écologistes (ainsi que des droits LGBT et de l’IVG, mais c’est une autre histoire).

Rachida Dati reste à la Culture

Les gouvernements passent, Rachida Dati reste en place. Prise de guerre du camp macroniste lors de la formation du gouvernement Attal en janvier, l’ancien garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy et ancienne députée européenne LR survit à son deuxième remaniement d’affilée, et se maintient au ministère de la Culture. Assez de temps pour réaliser la fusion entre France Télévision et Radio France ? C’est l’un des gros dossiers de la rue de Valois.

La ministre, elle, ambitionne toujours de devenir maire de Paris en 2026, alors que son ennemie jurée, Anne Hidalgo, a annoncé ne pas se représenter. Sera-t-elle gênée par ses affaires ? Mi-novembre, le Parquet national financier (PNF) a requis contre la ministre un procès pour «corruption passive» et «trafic d’influence passif» dans l’affaire Dati-Ghosn. Elle a aussi été mise en cause récemment par Mediapart, qui dénonce ses insultes et menaces contre les rédactions qui enquêtent sur elle (pourtant, la presse fait partie des prérogatives du ministère de la Culture). Une nouvelle casserole.

Sébastien Lecornu reconduit aux Armées

Il ne connaissait pas Emmanuel Macron en 2017. Il détient aujourd’hui le record de longévité de sa présidence. Sébastien Lecornu est reconduit au ministère des Armées et des Anciens combattants, un poste qu’il occupe depuis le début du second quinquennat Macron. Apprécié du Président, élu sous LR plus jeune président du conseil départemental de l’Eure en 2015, il avait été successivement secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire (2017-2018), ministre chargé des Collectivités territoriales (2018-2020), puis ministre des Outre-mer (2020-2022).

Réputé pour sa discrétion, il a participé à des rencontres avec Marine Le Pen par l’intermédiaire de son ami Thierry Solère, comme l’a révélé Libération en juillet. Après la censure du gouvernement Barnier début décembre, son nom était toujours sur la table comme potentiel Premier ministre, jusqu’aux ultimes heures précédant la nomination de Bayrou à Matignon.

Agnès Pannier-Runacher à la Transition écologique

Elle aussi fait de la résistance. La ministre démissionnaire de la Transition écologique, de l’Energie et du Climat est reconduite à son poste. Son portefeuille est modifié : elle conserve la Transition écologique et la Biodiversité, mais perd l’Energie, ravie par Marc Ferracci, et qui est donc transférée à Bercy. Soutien d’Emmanuel Macron depuis 2016, «APR» a été successivement secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances (2018-2020), ministre déléguée chargée l’Industrie de 2020 à 2022, puis ministre de la Transition énergétique.

Marc Ferracci à l’Industrie

Lui voit son portefeuille s’alourdir. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’Industrie sous Michel Barnier, sous la tutelle de Bercy, conserve ses dossiers et récupère celui de l’Energie. Proche du chef de l’Etat, il devra jongler entre les plans sociaux annoncés ces dernières semaines dans l’industrie, alors que les indicateurs économiques du secteur sont dans le rouge. Il avait été élu député de la sixième circonscription des Français de l’étranger sous l’étiquette Ensemble.

Laurent Saint-Martin relégué au Commerce extérieur

Un peu de repos pour Laurent Saint-Martin. En première ligne des débats budgétaires sous Michel Barnier en tant que ministre chargé du Budget et des Comptes publics, le macroniste se maintient dans le gouvernement mais change de poste. Il devient ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger. Un poste bien moins frénétique actuellement que celui du budget. Moins prestigieux aussi.