Menu
Libération
Effet boomerang

Retour en France de l’influenceur algérien expulsé : la droite française dénonce un affront et veut durcir le ton

Malgré son expulsion vers l’Algérie décidé par la justice française, l’influenceur «Doualemn» a été refusé par son pays. Un signal «extrêmement inquiétant» pour le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Expulsé vers l'Algérie jeudi 9 janvier, l'influenceur algérien «Doualemn» n'a pas été accepté par son pays, qui l'a renvoyé en France.
publié le 10 janvier 2025 à 18h03

«On voit bien que l’Algérie cherche à humilier la France.» Le ministère de l’Intérieur n’a pas tardé à réagir après le retour express de l’influenceur algérien «Doualemn», expulsé vers son pays jeudi 9 janvier. Accusé d’avoir publié sur Tiktok des vidéos appelant à la torture visant «un opposant au régime actuel en Algérie» selon le procureur de la République de Montpellier, il n’a pas été accepté par l’Algérie qui l’a aussitôt renvoyé vers Paris, où il a été placé dans un centre de rétention administrative en Seine-et-Marne. «On a atteint avec l’Algérie un seuil extrêmement inquiétant», s’est inquiété Bruno Retailleau ce vendredi 10 décembre en marge d’un déplacement à Nantes sur la thématique des visas.

Ne pouvant obliger l’Algérie à accepter l’influenceur sur ton territoire, Bruno Retailleau compte tout de même mettre la pression sur le pays. Il souhaiterait ainsi utiliser le «levier commercial», en jouant notamment sur les «tarifs douaniers» et «l’aide au développement». Ces derniers jours, trois Algériens et une Franco-Algérienne ont été interpellés en France pour avoir posté en ligne des contenus appelant à des actes violents, souvent à l’encontre d’opposants au régime algérien. Selon plusieurs opposants algériens en France interrogés par l’AFP, ces messages particulièrement violents se sont intensifiés après que la France, ex-puissance coloniale, a changé de doctrine sur le Sahara occidental, en juillet.

Accords de 1968

Cette polémique a relancé à droite le débat sur les accords de 1968, liant la France et l’Algérie depuis la fin de la guerre d’indépendance, à l’instar de Valérie Pécresse, président du conseil régional d’Ile-de-France. «J’ai toute confiance en Bruno Retailleau pour répondre à cet affront, y compris en ouvrant le débat sur les accords de 68 !» a-t-elle écrit jeudi soir sur X. Cet accord qui régit «la circulation, le séjour et le travail des Algériens en France», précise le ministère de l’Intérieur, permet notamment de faciliter l’arrivée des Algériens sur le sol français et leur obtention d’un titre de séjour.

Dans une tribune au Figaro, ce vendredi soir, l’ex-Premier ministre Gabriel Attal a appelé à dénoncer l’accord pour «poser les limites et assumer le rapport de force avec l’Algérie». Selon lui, l’accord «est aujourd’hui devenu une filière d’immigration à part entière, permettant le regroupement familial et l’installation de personnes, sans même qu’elles aient à connaître notre langue ou montrer leur intégration. Il rend pratiquement impossible de retirer des titres de séjour aux ressortissants algériens, même pour des motifs d’ordre public.»

Mais l’appel à la révocation des accords de 68 est surtout venu de l’extrême droite, la gauche, elle, n’ayant pas réagi sur le sujet. En témoignent les propos de l’ex-président de LR Eric Ciotti sur X, qui s’est allié avec le Rassemblement national depuis les législatives de cet été : «La seule réponse, c’est la révocation immédiate des accords de 1968 et de ne plus accueillir un seul algérien en France.» Même position pour Jordan Bardella, le président du RN, qui égrène les mesures de rétorsions à appliquer selon lui : «gel des transferts de fonds privés, suspension de la délivrance des visas, fin de l’aide publique au développement». «Ça fait maintenant plusieurs années que l’Algérie ne respecte pas la France et que la France échoue à faire respecter ses intérêts sur la scène internationale», martèle-t-il au micro de BFM TV ce vendredi, appelant à un bras de fer avec l’Algérie.

Depuis plusieurs mois, l’extrême droite a fait de la question de l’aide publique au développement accordée à l’Algérie une de ses principales marottes. «En cinq ans, on a donné 842 millions d’euros à ce pays», a fustigé une nouvelle fois ce vendredi matin sur RTL l’eurodéputée Reconquête Sarah Knafo, exhortant le gouvernement à arrêter cette aide. En septembre, CheckNews revenait déjà sur ce chiffre, tiré d’un article de Challenges du 18 avril. Mais il évoque la somme de 842 millions de dollars, soit 753 millions d’euros. Versés à l’Algérie entre 2017 et 2022, en six ans donc, et non cinq, comme l’affirme l’élue Reconquête. Par ailleurs, selon le site du gouvernement, l’aide publique au développement pour Alger s’élève à 588 millions d’euros entre 2018 et 2022, ne plaçant pas le pays dans les dix premiers pays bénéficiaires de l’aide française.

Mis à jour à 20h05 avec la tribune de Gabriel Attal au Figaro.