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Retraites : le RN bloque les amendements de la gauche pour revenir sur la réforme de 2023

Au deuxième jour de l’examen du projet de loi de financement de la Sécu, les députés du Nouveau Front populaire ont présenté une série d’amendements pour financer les retraites sans passer par un allongement de l’âge légal. Retoqués avec les voix du RN.
Thomas Ménagé, lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée Nationale, le 29 octobre 2024. (Isa Harsin/SIPA)
publié le 29 octobre 2024 à 20h44

La gauche le présentait comme le premier véritable vote sur la tant contestée réforme des retraites. Ils avaient même trouvé une combine pour remettre sur la table leur cheval de bataille : le glisser dans un amendement lors de l’examen du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, qui a débuté lundi, et juste avant la niche du Rassemblement national, jeudi, où l’extrême droite compte… abroger cette même réforme. Après tout, le PLFSS 2023 avait été le véhicule choisi à l’époque par l’exécutif pour faire passer le report de l’âge de la retraite à 64 ans à coup de 49.3. La séance de ce mardi 29 octobre s’est ainsi ouverte sur une série d’amendements en annexe de l’article 3, présentés par les députés du Nouveau Front populaire (NFP) : 182 voix pour, 232 contre… dont celles des troupes de Marine Le Pen.

L’issue du vote n’est, cependant, pas une surprise - les amendements avaient déjà été rejetés en commission la semaine dernière. Mais elle est une nouvelle occasion saisie par les élus de gauche pour pointer l’hypocrisie de leurs homologues du Rassemblement national, qui répète pourtant régulièrement son opposition à la réforme impopulaire. «Le RN n’a pas voté l’abrogation de la réforme des retraites. Hier comme aujourd’hui, c’est une arnaque sociale.», s’est insurgé le président des députés socialistes, Boris Vallaud. «Abroger la retraite à 64 ans ? Le RN vient de voter contre. […] Marine Le Pen vient sauver la Macronie contre la démocratie.», a également dénoncé sur X François Ruffin.

Conférence de financement

Dans le détail, les représentants du NFP proposaient d’ajouter une sur-cotisation dirigée vers la branche vieillesse de la Sécu, pour les salaires les plus hauts (l’un proposait pour les salaires dépassant de deux fois le plafond de la Sécurité sociale, soit environ 4900 euros net par mois ; un autre pour ceux dépassant de quatre fois ce plafond, donc de plus de 8700 euros mensuels). «Le gouvernement prétend que l’abrogation de la dernière réforme des retraites ne peut avoir lieu faute de ressources pour la branche vieillesse, cet amendement propose d’y répondre», a exposé Yannick Monnet sur les bancs communistes. En parallèle, une «conférence de financement» des retraites aurait été mise en place pour que les partenaires sociaux, représentants des salariés et du patronat, puissent s’entendre sur les financements de la retraite. Ou, pour le résumer plus simplement, l’objectif était de «créer une recette qui permette de passer l’année pour que cette année il y ait une conférence de financement permettant d’aller à l’abrogation», dixit Sandrine Rousseau.

Propositions qui n’étaient pas du goût du gouvernement et ses alliés - le rapporteur Républicain Yannick Neuder et les ministres du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, et du Budget, Laurent Saint-Martin, ont répété leurs avis défavorables. «Vous recommandez des cotisations en plus» et donc «du pouvoir d’achat en moins», a pointé la première. «L’augmentation des cotisations ou des impôts est une impasse totale», a balayé le député Ensemble pour la République (EPR), Eric Woerth. La seule solution aujourd’hui, c’est une solution par le travail.»

Les positions du Rassemblement national étaient scrutées de près. Si le camp de Marine Le Pen s’oppose toujours à cette réforme impopulaire, pas question pour lui de soutenir la gauche. «Cet amendement ne vise qu’à augmenter les cotisations, a balayé Thomas Ménagé, député du Loiret. Vous mentez délibérément, les yeux dans les yeux, face aux Français, en expliquant qu’on pourrait abroger la réforme des retraites par cet amendement.» Le député fait ici référence au fameux article 40 de la Constitution, qui interdit à une proposition toute «aggravation d’une charge publique». Sauf que toute la stratégie de la gauche était de ne pas proposer d’amendement de suppression - qui serait effectivement caduc avec l’article 40 - mais d’apporter un autre financement du système de retraite que le report de l’âge légal.

Le sujet de l’abrogation de la réforme des retraites n’en a pas moins agité l’hémicycle et offert son lot d’invectives et de protestations. Et il devrait à nouveau animer la suite des débats : d’autres amendements, à l’article 14 cette fois, ont été déposés par la gauche. Et à l’article 23, qui prévoit de décaler du 1er janvier au 1er juillet l’indexation des retraites sur la base de l’inflation, le gouvernement pourrait bien, comme en commission, encaisser une défaite. Gauche et RN se retrouvant sur cette opposition. Le timing était aussi intéressant pour le NFP : il lui a permis de rappeler son cheval de bataille avant la niche parlementaire du Rassemblement national de ce jeudi. Le groupe présentera sa propre proposition de loi d’abrogation de la réforme, qui crée quelques nœuds au cerveau de certains élus NFP sur la marche à suivre. A moins que le texte ne soit retiré avant même de commencer à être étudié.