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Libération
Kompromat stéphanois

Saint-Etienne: un deuxième élu accuse le clan Perdriau de chantage

Un élu d’opposition de gauche affirme sur France Info qu’en 2020, un proche du maire l’a informé qu’il avait été filmé à son insu, l’accusant d’influencer les électeurs dans son bureau de vote.
Le maire de Saint Etienne Gaël Perdriau, le 18 septembre 2022. (Olivier CHassignole/AFP)
publié le 23 septembre 2022 à 9h35

Y a-t-il un système Perdriau à Saint-Etienne ? Près d’un mois après les premières révélations de Mediapart faisant état d’un chantage à la vidéo compromettante mis en place par le maire LR de la cité stéphanoise et de son directeur de cabinet contre le premier adjoint, voilà qu’un autre élu se plaint d’avoir été victime des mêmes pressions. S’il n’est cette fois pas questions d’images intimes, l’équipe de l’édile aurait menacé d’utiliser une vidéo tournée à l’insu de l’élu de gauche Ali Rasfi pour mettre à mal sa carrière politique selon France Info, qui révèle l’information ce vendredi.

L’histoire remonte au 15 mars 2020, jour du premier tour des dernières élections municipales. Assesseur dans un bureau de vote du quartier populaire de Solaure, Ali Rafsi, par ailleurs candidat sur une liste de gauche, reçoit plusieurs SMS de Mohamed Ghoulam, chargé de mission dans le cabinet Perdriau. Il affirme à Rafsi qu’il a été filmé «en train d’influencer les électeurs» et le prévient qu’ils n’hésiteront pas «à faire usage de la vidéo». «Tu attrape les gens pour leur dire que Perdriau est un escro et que ce n’est pas vrai ce qu’il a fait pour les musulmans et qu’il ne faut pas voter pour lui [sic]», poursuit le proche du maire.

Des téléphone portables «partout qui filment tout»

Rafsi ne nie pas avoir échangé avec des électeurs mais rejette toute accusation de tentative d’influencer le vote. «Le quartier où j’étais assesseur, c’est le quartier de mon enfance, donc bien entendu j’ai rencontré de vieilles connaissances, dans un cadre amical, j’ai pris des nouvelles des uns et des autres, mais j’ai respecté le cadre qui m’astreint en tant qu’assesseur ! Je n’ai pas compris», explique-t-il à France Info. Ghoulam surenchérit face au candidat de gauche qui affirme avoir la «conscience tranquille» : «Avant d’agir de la sorte, dis-toi qu’il y a des téléphones portables de partout qui filment tout et tout le monde…»

Cette prise de parole dévoile une affaire dans l’affaire. A la fin du mois d’août, Mediapart a révélé que Gaël Perdriau et son directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, se sont livrés à un chantage à la vidéo intime auprès de l’élu centriste Gilles Artigues. Ce catholique pratiquant, proche de la Manif pour tous, a été filmé à son insu lors d’un massage érotique prodigué par un travailleur du sexe – et organisé par le clan Perdriau – dans une chambre d’hôtel parisienne, début 2015. L’objectif : le faire chanter et le priver de toute ambition politique. «Vos enfants ne se remettront pas» d’une diffusion de la vidéo, le menaçait par exemple Gauttieri en présence du maire d’après des enregistrements diffusés par Mediapart. Un maire, qui jusqu’alors jurait la main sur le cœur que cette histoire n’était qu’une machination.

Dans la foulée des révélations, Gaël Perdriau – qui flirtait avec la macronie et dont on ne comptait plus les critiques contre son parti – est exclu des Républicains. Des manifestations s’organisent à Saint-Etienne et dans les locaux de l’Hôtel de ville pour demander la démission de l’édile qui reste accroché à son siège. Pierre Gauttieri, qui se dit «bouleversé de honte» et qui n’avait pas l’intention de démissionner non plus, a été viré par le maire. Vendredi, à la mi-journée, l’adjoint au maire Samy Kéfi-Jérôme a, de son côté, annoncé qu’il quittait ses fonctions de conseiller municipal et conseiller métropolitain.

Jeudi, pour tenter de calmer l’incendie, Perdriau a finalement annoncé se mettre en retrait de ses fonctions à la tête de la métropole de Saint-Etienne (tout en les conservant). Une décision présentée comme étant «le fruit d’une réflexion collective» dans «le respect de la justice et de son rythme». Le parquet de Lyon a ouvert, à la mi-septembre, une information judiciaire pour «atteinte à l’intimité de la vie privée, chantage aggravé, soustraction de bien public par une personne chargée d’une fonction publique, abus de confiance et recel de ces infractions», après une plainte de Gilles Artigues.

Mis à jour à 14 heures 30 avec la mention de la démission de l’adjoint Samy Kéfi-Jérôme.