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Gestion de crise

Salon de l’agriculture : Macron va participer à un débat samedi

Salon de l'Agriculture 2025dossier
Le chef d’Etat mènera une grande discussion à l’ouverture du Salon de l’agriculture, avec les producteurs, syndicats agricoles, distributeurs, patrons de l’agroalimentaire, associations et ONG. L’Elysée a finalement renoncé à convier Les Soulèvements de la terre.
Emmanuel Macron au Salon de l'agriculture, le 25 février 2023. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 22 février 2024 à 17h24
(mis à jour le 22 février 2024 à 21h15)

C’est son remède miracle pour faire tomber la fièvre. Lui, micro en main, se frottant au courroux et répondant une à une aux interpellations, jusqu’à épuisement de ses interlocuteurs. Samedi, à l’occasion de sa visite rituelle du Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron doit se prêter à un débat, qu’il souhaite «le plus ouvert possible» selon son entourage, «sur l’avenir de notre agriculture». Face à la colère du monde paysan, qui gronde depuis plus d’un mois, le Président veut monter sur le «ring». Au sens propre. «Ce ne sont pas des rings de combat, mais l’un des rings de présentation», dans le hall 1 de la Porte de Versailles, où les exposants présentent traditionnellement leurs animaux, prend soin de préciser l’Elysée qui ne reprend pas le terme de «grand débat», AOC testée par Emmanuel Macron lors de la crise des gilets jaunes en 2019.

Habile dans cet exercice, d’échange sans filtre autant que de communication, le Président veut prouver qu’il ne se défile pas face aux agriculteurs qui, en amont du salon, ont repris leurs actions de mobilisation pour maintenir la pression. A l’appel de la Coordination rurale, un cortège de tracteurs devrait défiler vendredi matin depuis la porte de Saint-Cloud. «Le Président a toujours été à l’écoute et l’organisation de ce débat démontre qu’il ira au contact et qu’il est prêt à prendre le temps qu’il faudra pour échanger sur l’ensemble des problématiques de l’agriculture», fait miroiter l’Elysée. L’idée de cet échange, «franc, direct» promeut la présidence, est née il y a trois semaines, soumise au chef de l’Etat par plusieurs de ses interlocuteurs. «A réfléchir», a textoté Emmanuel Macron à l’ancien député (LREM) de la Creuse, Jean-Baptiste Moreau, mais «ça lui a plu tout de suite. C’est là qu’il est bon, dans la confrontation, face à des participants qui lui rentrent un peu dans le chou», s’enthousiasme l’ex-éleveur qui continue de discuter régulièrement avec lui.

Brasser large

Après avoir coupé le ruban du 60e Salon de l’agriculture et rencontré les éleveurs d’Oreillette, vache égérie de l’édition 2024, le Président doit entamer sa visite par une déambulation dans les allées, jusqu’à ce temps de débat, introduit par le président du salon, Jean-Luc Poulain, et prévu pour durer au moins deux heures – mais Macron aura très vraisemblablement à cœur d’exploser le chronomètre. Les invitations ont été adressées ce jeudi à «plusieurs centaines de personnes». Agriculteurs de l’ensemble des régions, présidents de chambres d’agriculture, responsables des syndicats agricoles, distributeurs, patrons de l’agroalimentaire, représentants des filières et des associations et ONG environnementales : l’Elysée a brassé large.

Ont notamment été contactés le patron du groupe Bigard, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, Arnaud Gaillot, à la tête des Jeunes agriculteurs, Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, Pierre Thomas, président du Modef (exploitants familiaux) et Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Mais aussi, côté grande distribution, Dominique Schelcher, patron de Système U, Michel Biero, président de Lidl France et Michel-Edouard Leclerc – «on espère qu’il sera présent», glisse l’Elysée. Et, pour clore ce casting alléchant, le Réseau action Climat et l’association Générations futures. Après avoir annoncé que Les Soulèvements de la terre – que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait voulu dissoudre avant que le Conseil d’Etat n’annule la procédure –, avait été convié, l’Elysée a rétropédalé et renoncé à cette invitation «pour garantir la sérénité des débats».

Façon, probablement, d’amadouer la FNSEA, qui, avait menacé de ne pas prendre part aux échanges en cas de présence des Soulèvements de la Terre. «L’invitation par le PR [président de la République] au #SIA d’un groupuscule dont la dissolution a été demandée par son propre gouvernement est une provocation inacceptable pour les agriculteurs. J’avais accepté de participer à un débat. Dans ces conditions, je refuse de prendre part à ce qui ne sera qu’une mascarade», avait fulminé Arnaud Rousseau sur X jeudi soir.

De la souveraineté alimentaire au revenu des producteurs

Le débat doit porter sur «l’ensemble des questions qui se posent sur l’avenir de l’agriculture en France et en Europe», de la souveraineté alimentaire au revenu des producteurs, en passant par le défi du changement climatique et de la protection de l’environnement, les politiques européennes, les traités de libre-échange. «Le Président, prévoit son entourage, aura l’occasion de refixer un cap pour l’agriculture à horizon 2030.» Et fait le pari que cette soupape permettra de désamorcer une partie de la grogne agricole. «Il y a des choses qui bougent, des marqueurs qui commencent à tendre dans le bon sens [mais] il faut des actes», réclamait le président des Jeunes agriculteurs, Arnaud Gaillot, mercredi, après la conférence de presse du Premier ministre Gabriel Attal, qui tentait de donner de nouveaux gages aux agriculteurs.

«Il y a une telle défiance vis-à-vis du politique aujourd’hui que les gens disent : «tant que je ne le vois pas dans ma ferme, je n’y crois pas»», a renchéri Arnaud Rousseau (FNSEA). «Le Président a envie d’y aller, il veut expliquer qu’il s’inscrit dans la même démarche depuis 2017, sur le revenu, la cohérence avec la politique européenne et la durabilité de l’agriculture, assure l’ex-ministre de l’Agriculture et député Renaissance, Stéphane Travert. Il adore le salon, le contact, et aussi l’adversité, il a ce côté «je me remonte les manches et je me confronte à tous les points de vue, à la colère».» Il fallait bien un «ring».

Mis à jour à 21h15 avec le possible refus de la FNSEA de participer.

Mis à jour à 23h25 avec le rétropédalage de l’Elysée qui n’a finalement pas invité Les Soulèvements de la Terre.