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Remaniement: sans expérience dans le domaine, Christophe Béchu chargé de la transition verte

Le numéro 2 d’Horizons, le parti de centre-droit fondé par Edouard Philippe, prend les rênes de la Transition écologique. Tout comme Amélie de Montchalin, qu’il remplace, l’homme n’a jamais travaillé sur le dossier écolo.
Arrivée de Christophe Béchu à l'Elysée, le 4 juillet (Albert Facelly/Libération)
publié le 4 juillet 2022 à 10h48
(mis à jour le 4 juillet 2022 à 14h12)

Avec Christophe Béchu, 48 ans, c’est une nouvelle figure de droite qui prend du galon au gouvernement. Mais pour la fibre écologiste, on repassera. Le nouveau ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, qui était ministre délégué en charge des Collectivités territoriales depuis mai, remplace la sortante Amélie de Montchalin, battue aux législatives dans l’Essonne. «Il a un atout pour ce poste, le fait de bien connaître les territoires. C’est un profil différent de celui d’Amélie de Montchalin, qui, elle, est issue de la technostructure», souligne Matthieu Orphelin, ex-député du Maine et Loire et ex-tête de liste du bloc de gauche aux régionales, qui connaît «très bien» le nouveau ministre et actuel maire d’Angers, où il est né. «Une chose est déjà certaine : jamais croisé @ChristopheBechu sur la moindre lutte écologiste», a tancé la députée Nupes Sandrine Rousseau.

Issu des Républicains, même s’il a quitté le parti dès 2017, Christophe Béchu a déclaré tôt son soutien à Emmanuel Macron. Ce diplômé de Sciences-Po Paris collectionneur de mandats (il a été eurodéputé, président du conseil général du Maine-et-Loire, sénateur, conseiller régional et maire) se réclame d’une droite modérée. Il s’est pourtant opposé au mariage homosexuel en signant notamment une tribune avec Bruno Retailleau (LR) dans le magazine d’extrême droite Valeurs actuelles. Et a censuré à Angers des affiches de prévention du VIH montrant des couples gays, «compte tenu du caractère choquant des messages», se justifiait-il en 2016.

«Il était très très à droite»

Politiquement et personnellement proche d’Edouard Philippe, il devient en 2021 le secrétaire général d’Horizons, le parti lancé par ce dernier. Sa promotion renforce le poids du courant philippiste au sein de l’exécutif. Et affaiblit, a priori, celui de l’écologie. «Il était très très à droite, il militait dans le micro-parti d’Alain Madelin [Démocratie libérale, ndlr]. A l’époque, il se fichait absolument de l’écologie, se souvient une personne qui a étudié avec lui, à Paris. Mais il a pu changer depuis.»

A-t-il pris conscience de l’urgence écologique depuis ses années d’étudiant ? Visiblement, non. Localement, certains, comme les Jeunes insoumis.es Angers, le surnomment «la bétonnière du 49» : abattage massif d’arbres pour la construction de lignes de tramway, polémique récente au sujet de la non-végétalisation d’un parking…

Sur les grands dossiers nationaux, Béchu n’a pas brillé par sa compréhension des enjeux environnementaux. Au contraire. D’après Clément Sénéchal, de Greenpeace France, le nouveau ministre «s’était notamment illustré par son opposition à l’interdiction des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles quand il était sénateur». Pourtant, Orphelin l’assure : Béchu «est sensible aux thèmes de l’écologie et de la biodiversité, du logement et des transports», ces deux derniers ministères lui étant par ailleurs rattachés.

Quoi qu’il en soit, l’homme est aussi un fervent défenseur du nucléaire, alors qu’Emmanuel Macron a fait de l’atome le fer de lance de sa politique énergétique pour ce second quinquennat.

Sixième ministre en charge de l’écologie en cinq ans

Dans tous les cas, Christophe Béchu – dont le ministère est passé de la 5e à la 10e place dans l’ordre protocolaire – et sa collègue de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, devront agir, d’urgence. Le tout sous la houlette d’Elisabeth Borne, Première ministre chargée de la Planification écologique et énergétique, et d’Antoine Pellion, le secrétaire général à la Planification écologique, lui aussi très pronucléaire. Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a encore appelé la semaine dernière à «un sursaut de l’action climatique en France», soulignant que la réponse au réchauffement climatique «progresse mais reste insuffisante». «Je crois que Christophe Béchu a conscience des enjeux, martèle Matthieu Orphelin. Il faudra désormais que ça se traduise dans les faits et que ça aille vite car on a accumulé les retards. Il va devoir gagner des arbitrages. Jusqu’à présent, aucune mesure forte et emblématique n’a été annoncée sur l’écologie.»

«On jugera sur les actes», avance Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, déplorant que Christophe Béchu soit «le sixième ministre en charge de l’écologie en cinq ans».

Difficile, semble-t-il, de trouver la personne adéquate pour ce poste : pour Daniel Boy, spécialiste de l’écologie politique, «ceux qui ont l’expertise sur cette thématique ne veulent pas se mettre dans une galère, à la façon de Nicolas Hulot, car ils savent que le périmètre d’action d’un ministre de l’Ecologie est restreint. Reste à voir avec l’action du Premier ministre. Quelle que soit la personne à l’écologie qu’on nomme, tout dépend de la place qu’on lui laissera : soit on avance, soit c’est du sparadrap».

Mis à jour à 14h10 avec davantage d’éléments de portrait.