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Sarkozy incarcéré : cinq choses à savoir sur la prison de la Santé

L’ancien président va être écroué mardi, après avoir été condamné dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007. Il dormira dans le dernier centre pénitentiaire de Paris. Voici ce qu’il faut connaître sur ce lieu.

A la prison de la Santé, dans le XIVe arrondissement de Paris, en 2019. (Albert Facelly/Libération)
ParArthur Louis
Journaliste - Actu
AFP
Publié le 20/10/2025 à 12h11

Rénovation, surpopulation, personnages historiques et célébrités, évasions et poésie : passage en revue de ce qu’il faut savoir sur la Santé, dernière prison parisienne, où l’ancien chef de l’Etat Nicolas Sarkozy doit être écroué mardi 21 octobre.

Des cellules surpeuplées

Alors que la France a battu un nouveau record avec 84 311 détenus pour 62 614 places opérationnelles au 1er septembre, la Santé n’est pas épargnée par le phénomène. Car celui qui souhaitait en 2015 «qu’il n’y ait [plus] de mesures d’aménagement de peine pour les peines supérieures à six mois» constatera que ces aménagements pourraient permettre de désengorger la prison parisienne. Selon les derniers chiffres officiels, le taux d’occupation s’y établit à 191 %, soit le double des 757 places prévues. A la réouverture après rénovation en 2019, la plupart des cellules, de 9 m² environ, étaient prévues pour accueillir un détenu. Afin de répondre à l’afflux, elles sont progressivement «doublées», équipées de lits superposés.

Malgré cette surpopulation, fléau du système carcéral français, les conditions sont incomparables avec l’avant-rénovation, décrites en 2000 dans un livre choc de la médecin-chef Véronique Vasseur qui dénonçait un centre pénitentiaire «vétuste, crasseux et quasi moyenâgeux». Elle racontait également «la vermine qui court dans les matelas» de cette prison ouverte en 1867.

Le mal nommé «quartier VIP»

Heureusement pour l’ancien patron de la droite, il ne trouvera à la Santé ni codétenu ni vermine. Pour les protéger, certains détenus sont regroupés dans le quartier dit des «personnes vulnérables» ou «QB4» («Quartier bas 4»), une vingtaine de cellules de part et d’autre d’une coursive, au-dessus des deux étages réservés aux arrivants. Célébrités ou politiques, comme Jean-Luc Lahaye, Samy Naceri, Patrick Balkany ou encore l’ancien ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, y ont été incarcérés.

Peuvent aussi y être installés des trafiquants de drogue menacés, des douaniers ou des policiers, des personnes impliquées dans des affaires antiterroristes (comme le Vénézuélien Carlos) ou des crimes très médiatisés. Cellules et régime de détention sont identiques. Nul traitement préférentiel malgré ce surnom de «quartier VIP», utilisé ironiquement par les gardiens avant de devenir un film. Mais Nicolas Sarkozy ne devrait pas y être incarcéré : garantir sa sécurité et la confidentialité devrait nécessiter de l’installer au quartier de l’isolement.

Avant Sarkozy, d’autres grands noms passés par la Santé

Si la Santé avait un livre d’or, la signature l’ancien chef de l’Etat ne serait pas la première écriture prestigieuse. Construite à la fin du Second Empire, la prison a accueilli des prisonniers de droit commun de légende, à l’instar de Jacques Mesrine, François Besse, Bruno Sulak, l’«Arsène Lupin des années 80», ou Albert Spaggiari, le cerveau du «casse du siècle» survenu à la Société générale de Nice en 1976.

Sans doute Nicolas Sarkozy préférera-t-il cette comparaison : Alfred Dreyfus y a passé une douzaine de jours avant d’être envoyé au bagne de Guyane. L’ex-président marchera donc bien dans les pas de celui dont il a déjà osé rappeler que l’injuste condamnation pour trahison, avait commencé par un faux document, en référence à une note controversée publiée par Mediapart… que le tribunal correctionnel de Paris n’a en réalité pas retenu. Des victimes du nazisme et de la Collaboration sont elles aussi passées par la Santé, comme Georges Mandel, héros de Nicolas Sarkozy qui a écrit une biographie sur le résistant et homme politique assassiné en 1944.

Pendant la guerre d’Algérie, plusieurs chefs du FLN y sont enfermés, Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf. Dans le camp de l’Algérie française, le général putschiste Maurice Challe et Jean Bastien-Thiry, l’homme qui a tenté d’assassiner Charles de Gaulle, y sont écroués. Maurice Papon, le préfet de police de la répression sanglante de la manifestation du 17 octobre 1961, rejoint cette longue liste quelques décennies plus tard après sa condamnation pour son rôle dans la déportation de Juifs.

En 1972, Robert Badinter assiste à l’exécution de son client Roger Bontems, le dernier avec son complice Claude Buffet à être guillotiné à la Santé. L’image de l’homme «coupé en deux» le traumatise et pèse lourd dans son combat pour l’abolition de la peine de mort.

Source d’inspiration pour un chef-d’œuvre

Un article publié par la Tribune dimanche deux jours avant l’incarcération de Nicolas Sarkozy, rappelait que le roi des séances de dédicaces à rallonge, qui ont notamment fait le bonheur des retraités de la Côte d’Azur, compte écrire un livre lors de sa détention. En s’inspirant bien sûr d’Alfred Dreyfus, mais aussi du Comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas.

Pour la forme, l’ancien maire de Neuilly pourra s’appuyer sur les écrits d’un détenu de renom. Soupçonné du vol de la Joconde au Louvre, Guillaume Apollinaire a passé quelques jours en 1911 dans la prison du XIVe arrondissement. Il en sort avec A la Santé, inclus dans Alcools, qui dit un quotidien carcéral intemporel. Parmi ces vers inspirés par l’expérience derrière les barreaux : «Avant d’entrer dans ma cellule, il a fallu me mettre nu» ; «Que lentement passent les heures, comme passe un enterrement» ; «J’écoute les bruits de la ville, Et prisonnier sans horizon, Je ne vois qu’un ciel hostile, Et les murs nus de ma prison.»

Aucune évasion depuis quarante ans

Compte tenu de son âge, 70 ans, Nicolas Sarkozy pourrait quitter la Santé avant la fin des cinq ans d’emprisonnement prononcés par le tribunal correctionnel de Paris grâce à un aménagement de peine. Il n’aura donc pas besoin de tenter de s’évader comme l’ont fait certains anciens détenus. En 1927, grâce à un faux ordre de libération, la figure de l’Action française Léon Daudet s’était fait la belle treize jours après son incarcération au côté de son codétenu lui aussi membre de l’organisation d’extrême droite Joseph Delest. Par un concours de circonstances, le communiste Pierre Semard avait lui aussi réussi à sortir de la prison à cette occasion.

En 1978, l’ennemi public numéro 1 Jacques Mesrine et son complice François Besse, habillés en surveillants, s’étaient pour leur part échappés bien plus violemment après avoir maîtrisé 14 personnes. Huit ans plus tard, Michel Vaujour s’était envolé en 1986 dans l’hélicoptère piloté par son épouse. Une opération qui ne peut plus se reproduire puisqu’un filet a depuis été installé.