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Libération
Soir d'élections

Sénatoriales : la droite renforcée, la gauche stabilisée

Elections sénatoriales 2023dossier
Le renouvellement de la moitié des sièges du Palais du Luxembourg, dimanche 24 septembre, n’a pas bouleversé les équilibres politiques. Si l’alliance PS-EE-LV-PCF a raflé huit sièges à Paris, du côté des LR, Bruno Retailleau a salué une «majorité sénatoriale confortée» par son camp. Pour la macronie, peu ancrée localement, les résultats restent décevants.
Yannick Jadot, sortant de l'isoloir pour les élections sénatoriales, a été élu sénateur de Paris ce dimanche. (Geoffroy Van Der Hasselt /AFP)
publié le 24 septembre 2023 à 21h25
(mis à jour le 25 septembre 2023 à 6h50)

«T’as pas le Nord ?» Tension palpable, dimanche soir au Sénat, à l’annonce des résultats des élections sénatoriales. Dans l’immense salle des Conférences aux dorures Second Empire, les remontées des départements tombent au compte-goutte. A l’heure où Emmanuel Macron est interviewé sur TF1 et France 2, la tendance générale est, sans surprise, à la stabilité. Déjà majoritaire, la droite alliée aux centristes reste dominante. Provisoires, les résultats seront définitifs le 3 octobre, date limite jusqu’à laquelle les sénateurs doivent s’affilier à un groupe.

Le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, salue une «majorité sénatoriale confortée». Le sénateur de la Vendée vise «143 ou 144 sénateurs», contre 145 avant le scrutin. Dans les Yvelines, le président LR sortant du Palais du Luxembourg, Gérard Larcher, a été réélu mais a manqué de deux marches le grand chelem – le macroniste Martin Lévrier ayant été réélu et l’écologiste Ghislaine Senée emportant un siège. Garant de cet équilibre préservé, Larcher s’est réjoui d’un «renouvellement sénatorial confort[ant] la majorité sénatoriale de la droite et du centre et témoign[ant] de son ancrage territorial». Le partenaire de la droite, le groupe Union centriste (UC) d’Hervé Marseille, compte lui grappiller 3 ou 4 sièges – il en compte aujourd’hui 57. «Les centristes gagnent des voix un peu partout», se félicite le sénateur des Hauts-de-Seine.

Queue-de-pie

Conseillers pendus au téléphone, collaborateurs inquiets, journalistes excités… Chacun a guetté le moindre signal dans l’attente de résultats définitifs. Au fil de la soirée, les feuilles blanches mentionnant le nom des vainqueurs dans chaque département sont affichées sur des panneaux par des huissiers à queue-de-pie. «Le fameux train de sénateur», rigole un fonctionnaire de la Chambre haute, amusé de cette pratique un brin surannée. Dans les couloirs, les présidents de groupes agrègent les résultats. Si les équilibres ne seront modifiés qu’à la marge, dans la galaxie centriste sénatoriale, la poutre pourrait travailler, pour reprendre l’expression chère à Edouard Philippe.

Son parti s’est durablement implanté, gagnant des sièges dans la Seine-et-Marne, l’Orne ou la Marne. «Horizons est le seul parti de la majorité présidentielle à percer dans les territoires et ici au Sénat», s’est félicité le maire de Reims, Arnaud Robinet. Le groupe des Indépendants n’est ainsi «pas loin des vingt sénateurs», contre 14 actuellement, selon leur président Claude Malhuret. «C’est une victoire de la stratégie de construction du parti d’Edouard Philippe, progressive, qui s’appuie sur les territoires», pose-t-il devant les journalistes. Chez Horizons, l’opportunité de créer un groupe autonome estampillé de la marque Philippe se pose. «Le groupe des Indépendants est constitué de sénateurs de sensibilités différentes, écarte, pour l’heure, le sénateur de l’Allier. Pour le moment, ça fonctionne très bien comme ça, je pense qu’il n’y a pas de raison que ça ne continue pas comme ça.»

Le camp présidentiel a, lui, une nouvelle fois pâti de son manque d’ancrage local. La macronie comptait 24 membres au Palais du Luxembourg. La moitié remettait leur siège en jeu. Le groupe perdrait, pour ce scrutin, trois sièges. Là encore, des inconnues existent quant au choix que feront les nouveaux entrants pour leur affiliation. Reste que les revers enregistrés par le parti présidentiel sont symboliques. A Paris, la macronie sort des radars après la défaite de Julien Bargeton. Seule membre du gouvernement engagée dans ce scrutin, la secrétaire d’Etat chargée de la Citoyenneté, Sonia Backès, a également été battue en Nouvelle-Calédonie. Invité sur le plateau de Public Sénat dans la soirée, François Patriat, le chef des sénateurs macronistes, a minimisé le revers, évoquant «une belle résistance dans le contexte que nous connaissons». Selon l’ancien socialiste, «à l’issue de ce scrutin, la majorité présidentielle aura plus de voix au Sénat qu’elle en avait avant. On se retrouvera dans différents groupes». C’est sans compter sur la volonté d’émancipation d’Edouard Philippe qui, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, se renforcera dans les mois à venir et à mesure qu’approche 2027.

Postes clés

A gauche, la stabilité prévaut également. Les groupes socialiste, écologiste et communiste conservent leurs forces vives. Le groupe socialiste vise 64 élus – soit son nombre actuel de sièges – et peut-être quelques autres en fonction des résultats des Antilles et du choix d’affiliation des candidats dissidents. Plusieurs sortants ont par ailleurs été réélus, comme Rachid Temal (Val-d’Oise), Frédérique Espagnac (Pyrénées-Atlantiques) ou Laurence Rossignol (Val-de-Marne). Les écologistes, eux, sont à 15 (contre 14 actuellement), «sans compter d’éventuelles recrues» ces prochains jours, glisse un conseiller du groupe. A 29 ans, l’écologiste Mathilde Ollivier, élue dans la circonscription des Français de l’étranger, devient la plus jeune sénatrice de l’hémicycle.

A Paris, la gauche unie a réalisé une belle performance, raflant huit sièges, dont celui de Yannick Jadot. L’ancien candidat à la présidentielle a salué devant la presse un «score historique». «L’union a été gagnante à Paris», a-t-il ajouté. Ecartés de l’accord en raison de divergences stratégiques et de leur faible implantation locale, les insoumis ont de leur côté ruminé contre cette «vieille gauche» qui a «refusé tout accord d’union» et «empêché l’élection d’un seul sénateur ou une seule sénatrice insoumise». «Le choix de la division fait par les socialistes, écologistes et communistes et l’éparpillement des listes coûtent aux composantes de la Nupes une demi-douzaine de sièges et aident à la progression de l’extrême droite au Sénat», grince le parti mélenchoniste dans un communiqué.

Le Rassemblement national, justement, envoie trois élus au Sénat : Christopher Szczurek (Pas-de-Calais), Joshua Hochart (Nord) et Aymeric Durox (Seine-et-Marne). Soit un meilleur score qu’en 2014, année où l’extrême droite avait fait son entrée au palais du Luxembourg avec l’élection de David Rachline (Var) et Stéphane Ravier (Bouches-du-Rhône). «L’anomalie démocratique que constituait l’absence du Rassemblement National au Sénat est réparée», s’est congratulé le parti de Jordan Bardella dans un communiqué. Après le scrutin de dimanche, va s’ouvrir au Sénat, dans les jours qui viennent, la bataille pour les postes clés : les vice-présidences, les commissions et la questure. Un collaborateur observant les élus présents dimanche soir dans la salle des Conférences se bidonne : «Ils sont déjà en campagne !»

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