C’était donc bien lui le «divers gauche» que les équipes de Michel Barnier nous annonçaient depuis plusieurs jours pour intégrer le gouvernement. A défaut d’avoir réussi à décrocher un socialiste, un écologiste – et même un radical de gauche ! – encore en activité, le Premier ministre a donc réussi à convaincre Didier Migaud de replonger, à 72 ans, dans un bain politique que l’ancien député PS de l’Isère avait quitté il y a quatorze ans après sa nomination comme premier président de la Cour des comptes, en 2010, par Nicolas Sarkozy suite au décès soudain de son prédécesseur, Philippe Séguin.
Le prix à payer pour s’offrir celui qui avait migré en 2020 à la présidence de la Haute Autorité pour la transparence pour la vie publique (HATVP) est élevé : garde des Sceaux, numéro 2 du gouvernement, deux rangs devant le ministre de l’Intérieur, le LR Bruno Retailleau avec qui le duel risque de se révéler aussi musclé qu’à l’époque socialiste entre Manuel Valls et Christiane Taubira. Enfin peut-être… Car on sait ce que pense le sénateur de Vendée sur les peines planchers (il est pour). Beaucoup moins ce que pense l’ancien socialiste puisqu’il est soumis à un devoir de réserve depuis plus d’une décennie.
Résister aux surenchères des parlementaires LR
Le respecté Didier Migaud succède ainsi au tapageur Eric Dupond-Moretti. Beaucoup moins connu du grand public que son prédécesseur avocat, ce diplômé de l’IEP de Lyon et juriste de profession, avait seulement 36 ans lorsqu’il a été élu pour la première fois député de la 4e circonscription d’Isère. Elu maire de Seyssins, commune située dans l’aire urbaine de Grenoble, il devient président de la Communauté d’agglomération Grenoble-Alpes Métropole et le restera pendant près de quinze ans. En 2010, lorsque Sarkozy le nomme à la Cour des comptes, inaugurant alors l’idée d’offrir ce contre-pouvoir à l’opposition, il abandonne ses mandats et quitte par la même occasion le Parti socialiste.
Parmi les premiers dossiers sur le bureau de Didier Migaud au ministère : la crise de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la réforme de la justice des mineurs – actuellement mise sur pause –, ou encore la mise en place d’un vaste plan face aux mafias de la drogue et à la criminalité organisée. Il lui faudra aussi résister aux surenchères des parlementaires LR, poussés, notamment à l’Assemblée nationale, par leur nouveau patron, Laurent Wauquiez, qui devrait se lancer dans une course au plus «ferme» avec Eric Ciotti et Marine Le Pen à l’extrême droite.
Une nomination qui marque la fin du règne de Dupond-Moretti
Avant lui, Eric Dupond-Moretti avait été nommé à ce poste en juillet 2020 sous le gouvernement de Jean Castex. Un coup de tonnerre, et certainement la plus grande surprise du premier quinquennat Macron. Le plus médiatique des ministres avait ensuite été reconduit dans tous les gouvernements successifs : en mai 2022 sous le gouvernement d’Elisabeth Borne, puis sous celui de Gabriel Attal en janvier 2024.
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L’avocat pénaliste est à la fois respecté et craint par ses confrères, connu pour son acharnement dans les salles d’audience et ses coups de gueule dans les médias. Baptisé «l’ogre des prétoires» ou «Acquittator» – surnom qu’il abhorre –, Dupond-Moretti n’a eu de cesse de sillonner la France des cours d’assises depuis ses débuts d’avocat en 1984. Parmi ses plus célèbres dossiers : Bernard Tapie, Jérôme Cahuzac, Abdelkader Merah, Patrick Balkany…
Sa nomination avait notamment fait vivement réagir car l’avocat est soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat dans deux dossiers. Il avait à ce titre été jugé par la Cour de justice de la République du 6 au 17 novembre 2023, pour «prises illégales d’intérêts». Dossier dans lequel il avait finalement été relaxé fin novembre, la CJR considérant dans ses motivations que «l’élément matériel» de la prise illégale d’intérêts était bien constitué, mais pas l’élément intentionnel.
Mis à jour à 22h30 avec plus d’analyse.