François Bayrou avait déjà été sous le feu des critiques, lundi 16 décembre, pour s’être rendu à Pau afin d’assister au conseil municipal de la ville dont il est maire plutôt que de rester à Paris pour assister physiquement à la réunion interministérielle de crise consacrée à Mayotte. C’est maintenant à Emmanuel Macron de susciter la polémique pour son attitude vis-à-vis du département français. Le chef de l’Etat y est en visite depuis jeudi et jusqu’à ce vendredi, une petite semaine après le passage de Chido. Sur place, Emmanuel Macron a fait face à la défiance des habitants en colère. Pris à partie et hué jeudi soir par une foule de personnes criant «Macron démission !» au terme de sa première journée dans l’archipel français dévasté, le président de la République s’est emporté.
En bras de chemise, tenue dont il a fait sa marque de fabrique dans ce genre de situations, il a répondu en lançant : «N’opposez pas les gens ! Si vous opposez les gens on est foutu, parce que vous êtes contents d’être en France. Parce que si c’était pas la France vous seriez 10 000 fois plus dans la merde !» S’époumonant dans un micro, Emmanuel Macron a poursuivi en plaidant qu’«il n’y [avait] pas un endroit de l’océan Indien où on aide autant les gens». Plus tôt dans la journée, lors d’une altercation avec un Mahorais mécontent, le Président lui avait lancé que, pendant que d’autres personnes étaient là pour aider, «vous, vous venez là pour engueuler tout le monde et vous n’aidez pas». Des propos qui n’ont rien fait pour calmer les huées. Stupéfaites, des habitantes lui ont répondu : «Il ne faut pas s’énerver contre nous, on n’a rien fait, on a mal, on a tout perdu.»
«Un abandon institutionnel»
En France métropolitaine, les mots du chef de l’Etat ne passent pas non plus. «Emmanuel Macron est allé [à Mayotte] dans […] une attitude arrogante et donneuse de leçons. […] Moi je l’ai vu en chemise dire : «Vous êtes fiers d’être français ?» […] C’est pas le sujet en fait», a réagi la députée écologiste Sandrine Rousseau sur France 2. «On a la plus grande catastrophe humaine depuis la Seconde Guerre mondiale et on est en train de faire un show de Macron. Ce n’est pas à la hauteur», a-t-elle déploré.
Pour le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Eric Coquerel, cet échange «se passe de commentaires». «Message à celles et ceux qui estiment qu’il ne doit surtout pas partir : qui imagine cela encore possible trente mois ?» s’est interrogé sur X le député LFI. Côté RN, le député Sébastien Chenu a estimé, sur RTL, que ces mots n’étaient pas de nature à «réconforter nos compatriotes mahorais qui, à travers ce genre d’expression, ont toujours le sentiment d’être traités à part».
Nassurdine Haidari, président du Conseil représentatif des associations noires, et Chahidati Soilihi, élue à Marseille, ont aussi réagi à cette séquence dans une tribune publiée par Libération. Ils ont dénoncé l’arrogance du président de la République lors d’une scène «digne du temps des colonies». Les mots du chef de l’Etat sont «d’une indécence crasse et d’une indignité inouïe, [qui] ont résonné comme une gifle dans l’esprit des habitants», ont affirmé les cosignataires. Pour les deux auteurs, qui parlent d’une «insulte» à des gens traités comme des «sous-citoyens», «ces propos présidentiels ne sont pas seulement des mots ; ils incarnent un mépris profond, un abandon institutionnel».