Le maire socialiste du Mans se retient rarement. Il dit toujours plus ou moins ce qu’il pense. Stéphane Le Foll est qualifié de «grognard» par ses copains, ses ennemis emploient des termes plus méchants. L’ancien ministre de l’Agriculture de François Hollande n’apprécie pas vraiment le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure. Il n’aime pas non plus l’idée d’une grande alliance de la gauche derrière les écologistes. Au lendemain des élections régionales et départementales, le maire du Mans a mis à la porte les Verts qui siégeaient dans sa majorité. Une décision qui fait grand bruit. Il assume. On fait le point avec lui. On lui a également demandé son avis sur une (probable) candidature d’Anne Hidalgo à la présidentielle.
Stéphane Le Foll, quel est le souci avec les écologistes de votre majorité ?
Le problème avec le groupe des écologistes au Mans, c’est que dans le cadre des élections départementales, un accord a été passé avec l’opposition municipale [autour de la députée PS Marietta Karamanli, en rupture avec Le Foll, ndlr]. Les Verts étaient donc dans la majorité municipale et en même temps avec l’opposition aux élections départementales. Je considère comme nécessaire de clarifier la situation. J’ai donc demandé aux Verts de quitter cette union avec l’opposition. Ceux qui l’ont fait restent dans notre majorité, les autres se voient retirer leurs délégations. J’applique dans ma ville, au Mans, la ligne de clarté que je défends au niveau national.
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Donc vous décidez de les sortir de votre majorité ?
C’est une situation politique locale mais c’est aussi un engagement de clarté qui vaut dans le débat public aujourd’hui. Car sans clarté, sans cadre politique, il y a un risque de perdre les électeurs.
L’avenir est-il impossible entre les socialistes et les écologistes ?
Non, l’avenir n’est pas impossible et il faut sortir de ce débat sur des gauches irréconciliables. Le débat porte sur ce qu’on veut défendre et porter. D’un côté, il y a ceux qui pensent que pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut choisir la sobriété comme voie et ceux, dont je fais partie, qui pensent qu’il existe une autre forme de croissance. Je l’ai définie comme la «croissance sûre» capable à la fois de financer la transition énergétique et notre modèle social. Car la sobriété s’applique déjà au quotidien aux classes populaires et moyennes qui sont dans l’insécurité économique. Il y a en France une nouvelle lutte des classes entre ces classes insécurisées aux fins de mois difficiles et des classes sécurisées qui bénéficient de la stabilité économique. L’avenir de la relation entre les socialistes et les écologistes dépendra des réponses apportées à la question sociale en lien avec la question économique. Il faut trancher ce débat pour être compris par les électeurs et permettre à la gauche de porter un projet d’alternance.
Vous êtes donc en phase avec Olivier Faure qui prétend que le PS est la force motrice de la gauche et que les écologistes ont atteint un plafond de verre, «un plafond vert» ?
Je note avec intérêt le changement de stratégie d’Olivier Faure qui, depuis trois ans, a privilégié l’alliance plutôt que l’affirmation des socialistes. Or, les résultats des sortants socialistes aux régionales ont prouvé la validité de la stratégie que je défendais contre Olivier Faure. Les socialistes sortants ont gagné, sur des projets et des valeurs bien que le Parti socialiste ait disparu, ce qui est de la responsabilité d’Olivier Faure. Il demande sa reconduction à la tête du parti sans vouloir tirer aucune conséquence de la stratégie qu’il a conduite pendant trois ans.
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Des élus locaux socialistes lancent un appel dans la presse quotidienne régionale pour la candidature d’Anne Hidalgo à la présidentielle. On ne retrouve pas votre nom. Un oubli ? Un choix de votre part ?
Ce n’est pas un oubli, c’est un choix. Je respecte celles et ceux qui ont signé mais je m’interroge sur le positionnement idéologique. Le choix d’Audrey Pulvar par Anne Hidalgo a été un échec électoral car il n’y avait aucune clarté sur les valeurs et sur le programme. La candidature d’Anne Hidalgo ne peut pas s’imposer uniquement par des signatures, il doit y avoir un débat. Les socialistes ne peuvent pas préparer cette présidentielle dans un unanimisme alors qu’il faut au contraire redéfinir profondément les conditions de la conquête et de l’exercice du pouvoir. Il faut tirer toutes les leçons des réussites et des échecs des uns et des autres après le rendez-vous des régionales et des départementales.
Quelle est la bonne stratégie pour 2022 ?
L’enjeu de la présidentielle de 2022, c’est d’affirmer une offre politique qui réponde aux classes populaires et moyennes insécurisées. La gauche et les socialistes doivent s’adresser à cet électorat qu’ils ont largement perdu. La gauche s’est éloignée de ceux qu’elle est censée représenter, c’est le constat que je fais. La gauche est divisée, mais c’est un faux problème car elle n’incarne pas de projet capable de rassembler une large partie des Françaises et des Français. Tel est le véritable problème. D’autant plus que les fervents défenseurs de la pseudo «alliance» et du rassemblement sont les plus durs quant aux exclusions radicales qu’ils prononcent contre ceux qui ont exercé des responsabilités.
Vous faites allusion au dernier quinquennat ?
Oui. Il n’y a qu’à rappeler les positions de La France insoumise sur tout ce qui est lié de près ou de loin à François Hollande. Je ne ferai pas la liste de ce procès continuel, chacun peut la faire seul. Le plus ennuyeux, c’est quand l’idée d’occulter le quinquennat Hollande vient des socialistes eux-mêmes qui considèrent, comme l’a dit Olivier Faure, que nous sommes à la fin du cycle d’Epinay. Il a fait le choix de vendre Solférino [un des sièges historiques du parti situé dans le VIIe arrondissement de Paris, ndlr], de passer par pertes et profits la construction politique de François Mitterrand et du socialisme français. Selon lui, le socialisme ne peut trouver d’issue historique que dans sa dilution dans une écologie politique qui, elle aussi pourtant, se cherche en France. C’est ce que va montrer la primaire des écologistes. On peut également, comme l’ont écrit les frondeurs, penser que nous serions coresponsables de l’échec de nos sociétés industrielles depuis quarante ans. Tout cela se tient, mais ne débouche sur rien, si ce n’est sur la droitisation toujours plus forte de la société française.
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Que faire alors ?
Il faut repenser le cadre d’action autour de la défense des valeurs de la République, sans hésitation sur les questions de laïcité et de sécurité. Il s’agit aussi de repenser l’internationalisme face à tous les souverainistes et surtout au nationalisme. Enfin, il faut combiner la question sociale avec la transition écologique par une croissance soutenue à travers l’investissement massif dans le changement de nos modèles de développement. L’innovation et la recherche seront le cœur de la réussite de la France de 2050 au sein de l’Europe qui doit être elle aussi à ce rendez-vous de l’histoire. A la sortie de la crise que nous venons de vivre, le défi qui nous attend est celui du sérieux, de la responsabilité et de l’ambition.
Quel sera votre rôle ?
Je prends pleinement ma part dans le débat national depuis longtemps et je publierai un essai sur le progrès. Dans une France marquée par le pessimisme et la défiance qui en fait une exception en Europe, il faut retrouver le chemin du progrès. C’est cette ambition que je veux défendre.