Ils sont infirmiers, directeurs d’hôpitaux, professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) ou veufs ou veuves de soignants, ne se connaissent pas et ont attaqué de concert une poignée de ministres. Pour «briser l’omerta» et mettre fin à une «épidémie de suicides à l’hôpital public», 19 personnes ont déposé une plainte jeudi 10 avril contre Catherine Vautrin (ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités), Yannick Neuder (Santé et Accès aux soins) et Elisabeth Borne (Education nationale, Enseignement supérieur et Recherche) devant la Cour de justice de la République (CJR), révèlent France Inter et le Monde ce lundi.
Cette instance est la seule qui est apte à juger des ministres pour des faits commis lors de l’exercice de leurs fonctions. Les faits reprochés aux ministres sont les suivants : «Harcèlement moral, homicides involontaires et violences volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et mise en danger de la personne.»
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«L’hôpital connaît une crise majeure depuis de nombreuses années qui semble s’être aggravée depuis environ 2012-2013, par l’application continue de politiques publiques néolibérales qui, malgré de nombreux signaux d’alerte particulièrement inquiétants, dont des suicides, n’ont pas été corrigées, bien au contraire», est-il écrit en préambule de la plainte que l’AFP a également pu consulter. La dégradation des conditions de travail s’est accélérée depuis la crise sanitaire du Covid-19 à partir du printemps 2020, note l’avocate des plaignants, Me Christelle Mazza, qui demande l’application de la jurisprudence France Télécom.
«Rythmes insoutenables» et conditions de travail «mortifères»
Deux anciens dirigeants du groupe (devenu Orange en 2013) ont été condamnés pour harcèlement moral institutionnel en septembre 2022 par la cour d’appel de Paris. «La jurisprudence France Télécom doit s’imposer aux ministres comme à n’importe quel chef d’entreprise au nom du principe d’égalité devant la loi, en particulier quand il y a de telles atteintes à l’intégrité de la personne, plaide l’avocate. N’importe quel chef d’entreprise qui mettrait en œuvre de telles politiques de restructuration massive et répétée comme dans l’hôpital public avec de telles conséquences sur les conditions de travail serait déjà condamné et l’entreprise fermée.»
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Cette plainte dénonce des «conditions de travail totalement illégales et mortifères», «des rythmes insoutenables» dans différents corps médicaux, spécialités et régions de France, et «l’impunité organisée à l’encontre des auteurs des faits». «Les alertes remontées soit par dossier individuellement soit de manière systémique sont totalement ignorées», est-il précisé.
L’entourage de Catherine Vautrin n’a pas souhaité faire «de commentaire à ce stade». Elisabeth Borne et Yannick Neuder n’ont pour l’heure pas pu être joints.