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Libération
A front renversé

Déficit : taxer les superprofits ou les milliardaires, l’idée monte en macronie

Sous la menace du dérapage du déficit public, la présidente de l’Assemblée nationale a plaidé ce vendredi 22 mars pour taxer les «profits qui résultent d’une situation exceptionnelle» afin d’«augmenter les recettes de l’Etat».
Yaël Braun-Pivet à l'Assemblée nationale, le 4 mars 2024. (Stephanie Lecocq/REUTERS)
publié le 22 mars 2024 à 12h50

La pression commence à monter sur l’exécutif. A quelques jours de l’officialisation du dérapage du déficit public mardi prochain par le gouvernement – attendu autour de 5,6 % du PIB –, voilà la macronie contrainte de faire preuve de créativité pour éviter d’en arriver à une hausse des impôts. Depuis Bruxelles, Emmanuel Macron a confirmé ce vendredi 22 mars que ses ministres auront à «compléter» l’effort budgétaire face à la «dégradation des finances publiques», malgré l’annonce il y a quelques semaines d’un premier tour de vis de 10 milliards d’euros. Et d’affirmer que le gouvernement annoncera sa «stratégie» la «semaine prochaine». «Je ne vais pas préempter les solutions techniques», s’est-il limité à dire.

Le gouvernement sera-t-il contraint d’aller à l’encontre de sa sacro-sainte ligne pro-business et contre toute augmentation d’impôt ? Ce vendredi, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a jeté un premier pavé dans la mare en se disant prête à «entamer la réflexion» sur une contribution «exceptionnelle» sur les «superprofits» ou «superdividendes» des grandes entreprises, ou sur leurs programmes de rachats d’actions, qui ont atteint des records en 2023. Une mesure jusqu’alors rejetée chez Renaissance.

«Il ne s’agit pas de dévier de notre ligne économique»

«Nous sommes un des pays qui a le plus fort taux de prélèvements obligatoires», explique l’élue des Yvelines au micro de France Bleu Sud Lorraine. «Cela étant dit, moi je suis partisane de regarder lorsqu’il y a des superdividendes, des superprofits, des rachats d’actions massifs par les entreprises, à une réflexion pour savoir s’il n’y a pas là, de façon exceptionnelle, une capacité que nous pourrions avoir à augmenter les recettes de l’Etat. Dépenses exceptionnelles, recettes exceptionnelles», développe Yaël Braun-Pivet. Elle a enfoncé le clou, dans le Figaro, en estimant qu’il fallait «nous interroger sur nos recettes, y compris sur la possibilité de taxer les superprofits dans les grandes entreprises ou les rachats d’action».

Elle n’est pas la seule dans la majorité à réclamer une telle mesure. Le chef de file des députés Modem, Jean-Paul Mattei, demande également une hausse de la taxation des revenus du patrimoine en relevant la «flat-tax». Et la députée Stella Dupont, de l’aile gauche de Renaissance, demande de «réformer» le taux d’imposition global des «milliardaires», «synonyme d’injustice pour nombre de Français», a-t-elle lancé à Bruno Le Maire durant une audition à l’Assemblée début mars.

Mais ce vendredi, sur BFM TV, le ministre de l’Economie et des Finances a réaffirmé son refus de toute hausse d’impôts, sauf pour les grands groupes d’énergie, qui devront verser comme en 2024 une contribution supplémentaire. «Il y aura dans ce budget une récupération des rentes qui ont pu être faites par les énergéticiens parce que les prix ont flambé, […] pas plus que ça». «Il ne s’agit pas de dévier de notre ligne de politique économique qui a donné des résultats, qui sont de très bons résultats», a-t-il ajouté. Le Maire s’est aussi dit opposé à l’augmentation des impôts pour les citoyens, en lançant : «Les impôts n’augmenteront pas.»

«Nous préférons augmenter la pression sur les fraudeurs»

Son argumentation reste inchangée : comme il l’a répété début mars lors d’une audition à l’Assemblée, pour lui «la taxation minimale des individus n’a de sens qu’à l’échelle européenne et internationale», sinon «vous aboutirez au départ des personnes les plus fortunées de France, ce qui ne me paraît pas souhaitable. La France a le taux marginal d’impôt sur le revenu le plus élevé de l’OCDE, à 58 % si on combine l’impôt sur le revenu (45 %), la CSG (9,2 %) et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui est de 4 %, et qui dure depuis plus de 10 ans». Le Premier ministre, Gabriel Attal, a lui aussi écarté toute hausse d’impôt en présentant cette semaine les résultats de son plan antifraudes. «Nous préférons augmenter la pression sur les fraudeurs plutôt qu’augmenter les impôts sur les Français.»

Mais depuis, les résultats des entreprises ont grimpé, tout comme leur cours de Bourse, en particulier ceux des groupes d’énergies, qui ont largement profité du bouclier tarifaire. Une contribution exceptionnelle a été mise en place en 2024 mais la Cour des comptes l’a jugée insuffisante et a récemment appelé à capter davantage leurs profits, rejoignant le camp des partisans d’une taxation supplémentaire. Face au trou budgétaire, le gouvernement a déjà décrété 10 milliards d’euros de coupes budgétaires en 2024 et prévoit 20 milliards d’économies supplémentaires en 2025. Alors que Bruno le Maire a assuré que le gouvernement ne cédera ni à l’«austérité» ni au «laisser-aller», Emmanuel Macron a laissé entendre que les nouvelles économies pèseraient davantage sur les dépenses sociales ou les collectivités plutôt que sur le budget de l’Etat.