Le débat sur le «véhicule» de la suspension de la réforme des retraites se poursuit. Ce samedi, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont demandé au gouvernement d’inscrire la suspension de la réforme des retraites dans le budget de la Sécu avant son examen, pour «assurer [sa] crédibilité», alors que des oppositions craignent de voir la mesure évacuée in fine par des règles constitutionnelles.
Alternatives
Dans un message sur X, la patronne du groupe RN à l’Assemblée a demandé au Premier ministre Sébastien Lecornu «une lettre rectificative» sur son projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) «pour garantir la viabilité juridique d’une suspension de la réforme des retraites», avant l’examen en commission à l’Assemblée le 23 octobre. «Il apparaît qu’il existe un moyen d’obliger le gouvernement à tenir parole, a de son côté écrit Jean-Luc Mélenchon. C’est le procédé de la lettre rectificative.»
Le leader insoumis et la cheffe de file des députés RN relayent ainsi une hypothèse émise par le constitutionnaliste Benjamin Morel sur le même réseau social : la lettre rectificative «est soumise à la même procédure que le projet de loi (étude d’impact, avis du Conseil d’Etat, conseil des ministres). Mais, différence fondamentale, si le PLFSS originel était appliqué par ordonnance, il comprendrait alors la suspension de la réforme des retraites.»
Cinquante jours pour faire tenir les débats
Le PLFSS ainsi amendé, il y aurait de quoi rassurer la députée d’extrême droite, qui craint un passage en force du gouvernement par un recours aux ordonnances, sans les éventuelles modifications des parlementaires, selon son entourage. A ce stade, la suspension de la réforme doit passer par un amendement gouvernemental. S’il était adopté, il faudrait encore que le PLFSS dans son intégralité soit approuvé au Parlement, avant le 50e jour d’examen.
Budget 2026
Si ce délai expirait sans que le Parlement ne se soit prononcé, le gouvernement pourrait théoriquement faire passer le projet de loi par ordonnances, hypothèse sans précédent sous la Ve République, et qui risque de l’exposer à une motion de censure spontanée.
Plusieurs parlementaires d’oppositions, et des sources au sein de l’exécutif, estiment que dans cette hypothèse, c’est le projet de loi initial qui serait alors retranscrit dans les ordonnances, amputé donc d’un éventuel amendement de suspension de la réforme des retraites.
Contacté par l’AFP, Benjamin Morel note toutefois auprès de l’AFP qu’«on n’a pas de recul» sur l’utilisation de la lettre rectificative. «On ne sait même pas si un juge est compétent» quant à l’application des ordonnances. L’universitaire pose d’ailleurs une autre possibilité qui viendrait relativiser l’utilité de ce dispositif : même si le gouvernement retranscrit dans les ordonnances une version amendée du teste, celle retenue, dans le cas où les débats s’enlisent à l’Assemblée, pourrait être issue du Sénat. Or, la chambre haute, dominée par la droite, est majoritairement hostile à la suspension de la réforme des retraites.