Comment un homme seul, fût-il président, peut-il, sans prévenir personne dans son pays ni en Europe (puisque nous sommes censés parler d’une seule voix afin de devenir la fameuse «Europe puissance») changer subitement de ligne diplomatique sur une question majeure comme la position de la France sur le conflit sino-taïwanais ? On répondra : «Domaine réservé.» Le domaine réservé est une certaine pratique de nos institutions qui veut que le président de la République ait le premier et le dernier mot sur les affaires de défense et de diplomatie.
La France, puissance moyenne, possède cet avantage sur la scène internationale par rapport à nombre de puissances comparables : elle propose au monde un interlocuteur unique, reconnu et dont on sait que lorsqu’il prend une position, celle-ci peut être appliquée sans avoir à être validée par un parlement ou des autorités régionales (les Länder en Allemagne par exemple). La France a un numéro de téléphone, celui du président français. Et comme la France, par la grâce de l’autorité du général de Gaulle à la Libération, siège au Conseil de sécurité de l’ONU, la pratique du domaine réservé (qui n’est inscrite nulle part dans la Constitution) est une pratique utile. Mais cette pratique, depuis 1958, ne signifie pas que le Président puisse changer de pied subitement et