Un lundi matin en fanfare. Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a annoncé ce lundi 16 septembre sa démission de la Commission européenne «avec effet immédiat», affirmant que la présidente Ursula von der Leyen avait demandé à Emmanuel Macron qu’il ne soit plus le candidat de la France. Thierry Breton a fait cette annonce tonitruante dans une lettre à la présidente de la Commission publiée sur le réseau social X (ex-Twitter). Plus tard dans la matinée, la présidente a indiqué accepter la démission de l’ancien ministre, le «remerci[ant] pour son travail». En fin de journée, la patronne de X, réseau social avec lequel Breton a ferraillé ces dernières années, a applaudi «une belle journée pour la liberté d’expression».
Officiellement candidat du président français pour un second mandat, le désormais ex-commissaire a expliqué qu’Ursula von der Leyen, en train de former l’équipe de l’exécutif européen pour la nouvelle mandature 2024-2029, avait «demandé à la France de retirer [s]on nom». «C’est un autre candidat qui va vous être proposé», a-t-il ajouté. Dans la foulée, la présidence française annonçait qu’elle proposait le nom de Stéphane Séjourné, ex-député européen et ministre démissionnaire des Affaires étrangères. Une proposition décriée tant par la gauche, Manon Aubry dénonçant un «coup de force», que l’extrême droite, qui a ironisé sur «la République des copains».
Thierry Breton dénonce une décision prise à son égard «pour des raisons personnelles», ainsi qu’un «échange politique» contre «un portefeuille censément plus influent pour la France dans le futur collège». «Au cours des cinq dernières années, je me suis efforcé sans relâche de défendre et de faire progresser le bien commun européen, au-delà des intérêts nationaux et partisans. Ce fut un honneur», souligne l’ancien PDG d’Atos. A la fin de son communiqué, Thierry Breton lance également une dernière pique à la présidente de la Commission européenne affirmant que les «derniers développements» témoignent d’une «gouvernance discutable» à la Commission. Quelques minutes avant de publier ce message, l’ancien ministre de l’Economie avait posté la photo d’un tableau blanc accompagné du message suivant : «Mon portrait officiel pour le prochain mandat de la Commission européenne.»
🚨Breaking news:
— Thierry Breton (@ThierryBreton) September 16, 2024
My official portrait for the next European Commission term ⤵️ pic.twitter.com/BolWcdYiPU
Une relation mise à mal par le «Piepergate»
Les relations entre la dirigeante allemande et l’homme politique français s’étaient tendues depuis que ce dernier avait pris la tête au printemps d’une fronde au sein de l’exécutif bruxellois pour contester le style de direction de la présidente, jugé peu collectif. Le commissaire avait publiquement mis en cause l’éthique d’Ursula von der Leyen lors du «Piepergate» après la nomination fin janvier d’un émissaire chargé des petites et moyennes entreprises, un poste hautement rémunéré au sein de la Commission – plus de 20 000 euros par mois pour un contrat de quatre ans renouvelable deux ans.
Le poste avait été attribué à l’eurodéputé conservateur allemand du Parti populaire européen Markus Pieper, quelques semaines avant un congrès à Bucarest début mars, au cours duquel le PPE avait apporté son soutien à un second mandat de la présidente de la Commission européenne. La polémique avait abouti à un vote de défiance du Parlement européen contre Ursula von der Leyen, en pleine campagne pour les élections européennes de juin. Markus Pieper avait finalement dû annoncer son retrait.
Un casse-tête à résoudre pour la Commission
La composition de l’exécutif européen relève de l’exercice d’équilibriste, révélateur du poids des Etats membres, des forces politiques ainsi que des orientations de l’exécutif européen. Avant le retrait de Thierry Breton, la situation était déjà incertaine en raison d’un blocage du côté de la Slovénie, où l’approbation par le Parlement national de la nouvelle candidate Marta Kos se fait attendre.
Le départ de l’ancien ministre chiraquien, qui s’était imposé comme une figure de la Commission en s’attaquant aux abus de pouvoir des géants du numérique, complique encore l’équation. Il intervient après une polémique que les dirigeants européens tentent tant bien que mal de dégonfler sur le manque de femmes dans la future équipe de l’exécutif bruxellois. Après l’annonce, l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint a aussitôt pointé «l’occasion pour Emmanuel Macron de désigner une femme pour œuvrer à la parité au sein de la Commission».
Le timing de la démission de Thierry Breton risque d’alimenter les rumeurs, alors qu’au même moment Michel Barnier, ancien vice-président de la Commission européenne, est en train de former son gouvernement.
Mise à jour : à 10h46 avec davantage d’éléments sur les raisons de la démission de Thierry Breton, à 12h37 avec la réaction de la Commission et de la présidence française et à 18h31 avec la réaction ravie de la patronne de X.