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Libération
Energies fossiles

TotalEnergies sous le feu d’une commission de sénateurs pour évaluer d’«éventuelles contradictions» avec les Accord de Paris

Des sénateurs lancent ce jeudi 25 janvier une commission pour examiner les «éventuelles contradictions» entre les engagements de la France en matière de politique climatique et les activités du géant pétrolier.
Le siège de TotalEnergies, à la Défense, le 3 octobre. (Mohamad Salaheldin Abdelg Alsaye/Anadolu. AFP)
publié le 25 janvier 2024 à 16h06

TotalEnergies respecte-t-il la politique climatique et diplomatique de la France ? Une commission de sénateurs a commencé ce jeudi 25 janvier à se pencher sur ce sujet, à propos duquel le groupe pétrolier assure n’avoir «rien à cacher». A l’initiative du groupe écologiste au Sénat, cette commission, présidée par le LR Roger Karoutchi avec l’ancien candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot en rapporteur, porte sur «les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France».

En d’autres termes, pendant ses six mois de travaux, la commission s’attachera à examiner les «éventuelles contradictions» entre les engagements de la France, dont les Accords de Paris, et les activités du géant pétrolier. Le groupe écologiste au Sénat entend «enquêter sur la responsabilité» du groupe en matière notamment de «non-respect des engagements climatiques» de la France, du fait de ses activités dans le pétrole et le gaz, causes principales, avec le charbon, du réchauffement planétaire. Il compte aussi explorer la question des «investissements financiers» du groupe dans des pays qui sont le théâtre de conflits armés ou dans lesquels il est accusé par des ONG de violations de droits humains.

Quatrième major pétro-gazière mondiale, TotalEnergies consacre un tiers de ses investissements dans les énergies bas carbone et est régulièrement critiqué pour son maintien dans les activités de gaz et de pétrole, comme dans son méga projet pétrolier controversé en Ouganda et Tanzanie.

Ce jeudi, la commission est entrée dans le vif du sujet. «Si Total demain arrêtait de produire du pétrole, est-ce que réellement on prendrait moins notre voiture ? Non […] Pour accélérer la sortie du pétrole et du gaz […] c’est la demande qu’il faut réduire», a déclaré l’expert pétrolier Philippe Copinschi à l’ouverture des débats. «Il faut que le gouvernement développe des façons de soutenir les ménages […] mais pas en payant les factures d’énergies fossiles», a appuyé Corinne Le Quéré, climatologue, présidente du Haut Conseil pour le climat, au sujet par exemple du bouclier tarifaire.

Il faut aussi «traiter proprement la question du conflit d’intérêts», a indiqué de son côté Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat, en référence à la présence de lobbyistes du secteur pétrolier dans les négociations climatiques.

«On n’a rien à cacher», assure Pouyanné

«Le gouvernement ne sera pas crédible dans ses annonces de sortie des fossiles tant qu’il laissera faire Total et refusera de réguler son activité», avait déclaré Edina Ifticene, chargée de campagne de Greenpeace, lors d’un point presse avant la séance au côté d’ONG comme 350.org, Les Amis de la Terre, Notre Affaire à tous. En tout, les parlementaires entendront une quarantaine de personnalités, dont des experts du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, mandaté par l’ONU), des membres actuels et anciens du gouvernement et des dirigeants d’organisations et d’entreprises, avant d’auditionner le PDG Patrick Pouyanné, en point d’orgue.

«On n’a rien à cacher», assure le groupe dont le bouillant patron a déjà prêté serment quatre fois, en 2022 et 2023, devant une commission parlementaire (superprofits, souveraineté énergétique, affaires étrangères, biocarburants). L’entreprise compte rappeler qu’elle «soutient les objectifs de l’Accord de Paris» et représente «un atout pour la souveraineté énergétique» en France et en Europe, notamment avec ses importations de gaz.

«Nous nous attacherons à faire preuve de pédagogie» sur «notre stratégie dans la transition énergétique ou sur la façon dont nous menons nos opérations à l’étranger», souligne le groupe, qui dit aborder cette commission «de manière sereine et respectueuse». La publication du rapport est attendue pour mi-juin, à condition qu’il passe l’étape d’un vote majoritaire au sein de la commission, qui reflète les équilibres d’un Sénat acquis à la droite.

Très critique envers la multinationale, Yannick Jadot l’avait accusée en 2022 de «complicité de crimes de guerre» pour son maintien en Russie après l’invasion de l’Ukraine, des propos qui lui valent un procès pour diffamation après une plainte de TotalEnergies. Le sénateur devra finalement se «déporter» de toutes les questions relatives à la Russie, à la demande du comité de déontologie de la chambre haute.