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Revirement

Un an après la mort de Thomas à Crépol, deux manifestations finalement autorisées à Romans-sur-Isère

La justice administrative a finalement donné son feu vert à deux manifestations dans la ville drômoise ce samedi 30 novembre, l’une à l’initiative d’un groupuscule d’extrême droite, l’autre à l’appel d’associations locales.
Lors d'une marche blanche en hommage à Thomas Perotto, le 22 novembre 2023 à Romans-sur-Isère. (Olivier Chassignole/AFP)
par Maïté Darnault, correspondante à Lyon
publié le 29 novembre 2024 à 18h01

Deux victoires devant la justice administrative, pour deux manifestations qui se tiendront chacune d’un côté de la ville. Ce samedi 30 novembre, à Romans-sur-Isère, un rassemblement d’un nouveau groupuscule d’extrême droite, Justice pour les nôtres, se tiendra à 15 heures place Ernest-Gailly, dans le centre-ville ancien, tandis qu’un «cortège pacifique» démarrera à 14 heures de la place Hector-Berlioz, dans le quartier populaire de la Monnaie, à l’appel d’une vingtaine d’associations locales et d’organisations de gauche. La tenue des deux événements avait été interdite en début de semaine par la préfecture de la Drôme, avant que le tribunal administratif de Grenoble ne tranche ce 29 novembre en faveur des référés liberté déposés par chaque camp afin de faire annuler les arrêtés des services de l’Etat.

Ces derniers craignent des «troubles importants» à l’ordre public et «des affrontements idéologiques à Romans-sur-Isère, Bourg-de-Péage, Crépol et Valence le 30 novembre», dans la lignée de la descente de militants radicaux d’extrême droite du 25 novembre 2023, dont certains étaient parvenus à atteindre la Monnaie, en périphérie de la cité ouvrière de 33 000 habitants. Pour faire bonne figure, le préfet a également vilipendé la contre-manifestation annoncée le 20 novembre, présumant qu’elle serait le fait d’«organisations d’ultragauche […] violentes», promptes à «inciter les jeunes de quartier» à «en découdre avec la police et les manifestants d’ultra-droite».

Militant néofasciste

C’est pourtant bien Justice pour les nôtres qui a dégainé en premier à la mi-octobre, en prétextant honorer «la mémoire de nos victimes» et «protéger notre peuple de l’immigration» pour inonder Romans-sur-Isère de tracts, à l’approche de la commémoration du premier anniversaire de la mort de Thomas Perotto tué à Crépol (Drôme) et après le meurtre en Ardèche d’un autre jeune Romanais, Nicolas Dumas. Derrière ce collectif, on retrouve (uniquement ?) un certain Raphaël Ayma, de son vrai nom Rafaël Ferron Lagier, 22 ans, originaire du bourg de Pourrières, à l’est d’Aix-en-Provence, dans le Var. Ce militant néofasciste se présente comme le «porte-parole» de Tenesoun («le maintien», en provençal), un mouvement radical aixois héritier du Bastion social, dissous en 2019 car «raciste et antisémite», avait déclaré le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner.

Auditeur au racialiste «institut» Iliade, un organe de formation identitaire, conférencier débutant dans la mouvance radicale, Raphaël Ayma a sympathisé l’année dernière avec un cercle néonazi et négationniste espagnol et n’hésite pas à arborer l’insigne de CasaPound, mouvement héritier du fascisme italien. Une sorte de CV de l’europhilie du pire qui ne l’a pas gêné pour se rapprocher de la branche jeunesse du Rassemblement national, finissant même par se faire embaucher en tant qu’assistant parlementaire du député RN du Var Philippe Schreck, le référent de la commission des lois au sein du parti. Lequel l’a immédiatement licencié suite aux révélations de Libération sur ses fréquentations gênantes pour l’état-major lepéniste dans sa quête laborieuse de respectabilité.

Autoentrepreneur en «relations publiques»

«Suite à l’attaque médiatique et mensongère à mon égard, je suis licencié. Faites-moi confiance pour continuer mon engagement, pour les nôtres et pour ce pays. Seul [sic] compte la sincérité», avait alors pesté l’ancien stagiaire (du RN) à l’Assemblée nationale sur les réseaux sociaux, où il multiplie les saillies en faveur de «l’autochtonat des populations européennes» et contre «le grand remplacement et le grand effacement». Passé par une formation en sciences politiques, il est opportunément devenu autoentrepreneur en «conseil en relations publiques et communication» à quelques jours des élections européennes de juin.

Sur le site des intégristes identitaires d’Academia Christiana, sa biographie indique que ce «fils d’ouvrier et de torero», «franco-espagnol», expert autoproclamé du «phénomène écologiste au sein de la jeunesse» est un «ancien militant du parti communiste puis gilet jaune». Désormais, il fait la navette depuis le Var pour doper sa surface médiatique à la faveur du drame de Crépol.