«Antisémite, tu finiras comme le Hamas.» Selon les informations de Libération, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour des appels téléphoniques malveillants et des menaces de mort à l’encontre de Jean-Luc Mélenchon. L’insoumis, sous le feu des critiques pour sa réaction après l’attaque du Hamas en Israël, a déposé plainte samedi 14 octobre après la diffusion de son numéro de téléphone sur un site d’extrême droite. Selon les éléments consultés par Libération, le candidat à la présidentielle a reçu des dizaines d’appels et des messages de menace. «Les juifs français s’occuperont de toi», «un accident de la route ça peut vite arriver à n’importe qui», «je viendrais personnellement m’occuper de ton petit cul de salope islamogauchiste», peut-on lire notamment.
Le site en question affirme avoir récemment rouvert après une première période d’activité de 2015 à 2018. Cette plateforme au contenu raciste et ordurier était, à l’époque, surveillée par les services de renseignements, car elle multipliait les appels au meurtre contre diverses figures publiques – comme elle le fait à nouveau aujourd’hui. Libération a choisi de ne pas communiquer son nom, après avoir constaté que les coordonnées postales et téléphoniques de Jean-Luc Mélenchon y sont toujours accessibles, manifestement extraites du fichier d’une administration publique.
«Des commentateurs appellent à faire un tour dans le quartier»
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre, la réaction des insoumis a été critiquée de toutes parts, allant jusqu’à faire vaciller la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. Les socialistes, notamment, lui reprochent d’avoir mis trop de temps à condamner clairement et de refuser de qualifier l’organisation de «terroriste». Une subtilité juridique, justifie Mélenchon, qui affirme, à tort, que cette qualification la soustrairait au droit international. Pour ses plus virulents critiques, cette position, ajoutée à des déclarations passées jugées polémiques, démontrerait l’antisémitisme de l’insoumis, une accusation dont il se défend vivement.
Ce n’est pas la première fois que Jean-Luc Mélenchon est la cible de menaces. En septembre, il avait par exemple été interpellé dans la rue près de chez lui par le syndicaliste policier d’extrême droite Bruno Attal. Cet ex-candidat Reconquête aux législatives avait ensuite diffusé une vidéo de l’échange, supprimée depuis, dans laquelle il reprochait à Mélenchon ses propos sur les violences policières. Calme tout au long de la séquence, l’insoumis avait ensuite envoyé un message à ses proches expliquant : «Il me collait son téléphone au ras du visage pour filmer. C’était une posture malaisante, très intrusive et donc agressive. J’ai pensé qu’il cherchait une réaction violente et cela m’a mis en alerte. J’aurai pu arracher son téléphone de ses mains. Ou bien lui porter un de ces coups qu’on m’a appris pour ce type de cas […] J’ai pensé qu’il fallait rentrer tranquille.»
Dans le même message, consulté par Libé, l’insoumis alertait sur le fait que la vidéo donnait lieu «à interprétation de mon adresse supposée». «Des commentateurs appellent à faire un tour dans le quartier. Après le jugement de deux complots pour me tuer, après la vidéo “Papacito” dont le procureur de Paris a décidé que c’était “de la parodie”, après des plaintes sans suite y compris quand l’agresseur signe ses menaces de mort contre moi, je connais les limites de ce que je peux espérer en matière de protection dans la France macroniste.»
Le candidat à la présidentielle faisait ainsi référence aux menaces de mort dont il a fait l’objet de la part d’un groupuscule d’extrême droite pendant la campagne des législatives de 2017 ou encore à la vidéo du youtubeur d’extrême droite Papacito diffusée en 2021, dans laquelle, arme à la main, il tirait sur un mannequin à l’effigie de Jean-Luc Mélenchon.
«Raid téléphonique avec des appels absolument constants»
Au-delà du leader de gauche, plusieurs insoumis ont été visés par des menaces ces dernières années. «Au moins une quinzaine de parlementaires sont directement menacés de mort, a affirmé la présidente de groupe Mathilde Panot mardi, en pleine crise sur la position de LFI sur le Hamas. Nous avons trois des nôtres qui sont sous raid téléphonique avec des appels absolument constants. Nous attendons que les autorités publiques prennent la mesure de ce qui est en train de se passer», a-t-elle dit en conférence de presse. En juin, déjà, la cheffe de groupe insoumise disait à Libé : «J’ai peur d’avoir un député assassiné.» Elle accusait alors le gouvernement de leur «mettre une cible dans le dos» par leurs attaques politiques.
Ces menaces nourrissent, en retour, la rhétorique insoumise de la citadelle assiégée : mettre en cause le mouvement, pour quelque raison que ce soit, reviendrait à participer à sa diabolisation et à passer à l’ennemi. En pleine polémique sur le conflit israélo-palestinien, l’Express a ainsi été accusé de «désigner» la députée Danièle Obono «comme une cible pour tous les violents revendiquant leur action de passer à l’acte». Le tort de l’hebdomadaire : avoir écrit qu’Obono était à l’origine du communiqué polémique de LFI sur les attaques du Hamas, qui n’employait pas le terme «terrorisme». En interne aussi, puisque le mouvement est ciblé, on considère qu’on doit serrer les rangs, rendant ainsi déloyale toute critique.