Et de deux. Une lanceuse d’alerte a déposé une nouvelle plainte à Paris pour qu’un juge d’instruction enquête sur des soupçons de détournement de fonds publics et de favoritisme concernant Edouard Philippe, ancien Premier ministre et maire Horizons du Havre, a annoncé ce lundi 23 juin l’avocat de la plaignante. Me Jérôme Karsenti a indiqué avoir déposé vendredi cette plainte avec constitution de partie civile, ce qui permet d’obtenir quasi systématiquement la saisie d’un juge d’instruction, pour harcèlement moral, favoritisme, détournement de fonds publics, prise illégale d’intérêt et concussion.
Sont également visées Stéphanie de Bazelaire, adjointe chargée de l’innovation et du numérique, ainsi que Claire-Sophie Tasias, directrice générale des services de la communauté urbaine du Havre Seine Métropole.
Au comptoir de chez Pol
Avec cette nouvelle plainte «pour les mêmes faits, et en choisissant semble-t-il d’en évoquer d’autres, la plaignante poursuit sa triste vendetta, qui n’a rien à voir avec le cri d’une lanceuse d’alerte mais tout à voir avec l’insatisfaction d’une haute fonctionnaire dont le contrat n’a pas été renouvelé», a réagi Edouard Philippe, qui «réfute toutes les accusations».
«J’ai l’impression que l’affaire n’avance pas»
Après une première plainte en septembre 2023, le Parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête et mené des perquisitions au printemps 2024. «Nous ne savons absolument pas dans quelle direction va s’orienter l’enquête», souligne Me Karsenti, redoutant «une tétanie» du PNF face à «un futur probable candidat à la présidentielle». «J’ai l’impression que l’affaire n’avance pas. Je continue à subir les conséquences de mon alerte alors que je n’ai fait que mon devoir», a raconté aux trois médias la plaignante, Judith - le prénom a été modifié -, qui a obtenu le statut de lanceuse d’alerte, contesté par Edouard Philippe. Les investigations sont «toujours en cours, avec l’exploitation des documents saisis en perquisition», a précisé une source judiciaire.
Pas là pour rigoler
Les soupçons portent sur une convention d’objectifs pluriannuelle pour l’animation de la Cité numérique du Havre signée en juillet 2020 entre Edouard Philippe, président de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, et Stéphanie de Bazelaire, en tant cette fois que présidente bénévole de l’association LH French Tech.
Grâce à cette convention, la communauté urbaine a chargé LH French Tech d’animer et d’exploiter la Cité numérique du Havre, lieu consacré aux métiers du numérique, de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Mais au lieu de lancer un appel d’offres pour attribuer ce marché public, la métropole a choisi un «appel à manifestation d’intérêt», «dans le cadre d’un service d’intérêt économique général, schéma juridique plus souple que l’attribution d’un marché public». L’association LH French Tech, seule à présenter un dossier, avait donc été retenue, pour une durée de quatre ans et une «compensation de service public» à hauteur de 2,154 millions d’euros.
Le document avait été cosigné, le 30 juillet 2020, par Edouard Philippe, en tant que président de la communauté urbaine, et Stéphanie de Bazelaire, adjointe au maire chargée de l’innovation et du numérique et conseillère communautaire de la métropole, comme présidente bénévole de LH French Tech. Une association déclarée en préfecture en avril 2020 et active depuis le 15 juillet 2020… jour où Edouard Philippe a été élu à la tête de la métropole.
Le conflit d’intérêts «semble absolument évident», considère Judith, directrice générale adjointe de la communauté urbaine entre septembre 2020 et avril 2023. Après ses alertes, celle-ci dit avoir été harcelée moralement et son contrat n’a pas été renouvelé. LH French Tech, elle, a été placée en liquidation judiciaire en 2023.