Ce n’est pas tous les jours qu’on verra la gauche s’accorder avec Emmanuel Macron. Au lendemain de sa publication par l’AFP, la missive adressée par l’ambassadeur américain en France Charles Kushner à Emmanuel Macron était au menu des matinales d’info, lundi 25 août. La lettre au vitriol, qui dénonce «l’absence d’action suffisante» du président «face à la flambée de l’antisémitisme en France», et vaut à son auteur une convocation au ministère des Affaires étrangères ce lundi, a suscité la réprobation de l’ensemble de l’échiquier politique, à quelques nuances près.
D’abord le gouvernement. Invité de TF1, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, a dénoncé des «propos totalement erronés et inacceptables», assurant au contraire que «la France n’a aucune leçon à recevoir en matière de lutte contre l’antisémitisme». «Nous allons effectivement convoquer l’ambassadeur américain en France d’abord pour qu’il s’explique sur le contenu de cette lettre, peut-être lui rappeler par la même occasion le droit international qui stipule qu’on ne fait pas d’ingérences dans les affaires intérieures de l’État dans lequel on est résident», a-t-il insisté.
«Inadmissible», juge Hollande
«Il n’y a pas d’ambiguïté sur le combat de l’Etat» sur ce sujet, a renchéri la ministre déléguée chargée de la Lutte contre les discriminations Aurore Bergé sur Europe 1. «Le combat de la France, le combat du gouvernement français, est sans ambiguïté face à l’antisémitisme. Il n’y a pas un propos, une attitude, il n’y a pas une action ambiguë de notre part, de la part du ministre de l’Intérieur, de la Justice ou même du président de la République sur la lutte contre l’antisémitisme», ajoute-t-elle. L’ex-LR convient toutefois que, si l’antisémitisme reflue par rapport à 2024, l’été 2025 où «nous avons atteint des seuils intolérables» en matière d’antisémitisme en France.
A gauche de l’échiquier politique, les propos de l’ambassadeur ont également été vivement critiqués. L’ancien président François Hollande parle d’«une lettre qui instrumentalise l’antisémitisme» sur France Inter et qui insinue que «chaque critique qui serait adressé au gouvernement de Nétanyahou serait en réalité une façon d’encourager l’antisémitisme ou même de donner un appui au Hamas. C’est inadmissible», estime-t-il.
Le RN d’accord sur le fond, moins sur la forme
Même son de cloche sur RTL avec l’ex-insoumise Clémentine Autain, qui pense que l’«on peut reprocher beaucoup de choses à Emmanuel Macron, mais pas d’être ambigu» sur l’antisémitisme. Pour l’élue de Sevran, la lettre n’a qu’un objectif : assimiler toute critique de la politique d’Israël à un acte antisémite. «Il faut faire attention que ce climat-là ne produise de l’antisémitisme», prévient-elle.
Très remontée aussi, la cheffe de file de la France insoumise à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, assure qu’avec ce courrier, «ce n’est pas qu’Emmanuel Macron qui est attaqué, mais c’est l’ensemble du peuple français». «Dans la lettre, il y a marqué que c’est l’action de la France visant à reconnaître l’Etat de Palestine qui met en danger la judéité en France. Personne ne peut accepter cela», a-t-elle déclaré sur BFMTV.
A l’extrême droite, la colère est plus nuancée. «Sur la forme, ce n’est pas à l’ambassadeur des Etats-Unis de donner des leçons, estime le député RN Julien Odoul. Sur le fond, j’ai le regret de dire qu’il a raison. Malheureusement, l’Etat français et le gouvernement d’Emmanuel Macron ne fait rien depuis huit ans qu’il est au pouvoir pour lutter contre la haine des juifs qui explose.»
Quelque 646 actes antisémites ont été enregistrés en France de janvier à juin 2025, soit 27,5 % de moins que sur la même période en 2024. Ces chiffres sont toutefois toujours nettement supérieurs à ceux enregistrés de janvier à juin 2023, soit avant le 7 Octobre, selon des données diffusées par le ministère de l’Intérieur, ce lundi. Avec 1 570 actes sur l’année 2024, Beauvau avait enregistré un reflux des actes antisémites en un an, alors que la hausse observée après les attaques du 7 Octobre avait emmené l’antisémitisme à un niveau «historique».