C’est encore à Guidel, dans le Morbihan, que le Modem a organisé ce week-end son université de rentrée. Au programme : témoignages et tables rondes sur la santé, l’insécurité ou encore la sobriété. Mais aussi les discours des leaders du parti de l’ancienne majorité présidentielle, ainsi que Bernard Cazeneuve en «guest star». Et pendant trois jours, 950 élus et militants ont tenté d’afficher leur unité, sans dissiper les désaccords internes sur le soutien au nouveau gouvernement Barnier.
Fait assez inhabituel pour cet événement annuel du Modem : à l’exception des trois ministres issus du parti, aucun membre du gouvernement, certes fraîchement constitué, n’a fait le déplacement. «Nous n’accepterons plus d’être les vassaux de qui que ce soit», a averti Marc Fesneau, président du groupe Modem à l’Assemblée nationale et ministre de l’Agriculture sortant, jurant de «dire non» comme le parti ne l’a «pas fait d’une certaine façon depuis longtemps». Une manière aussi de répondre aux critiques internes sur le soutien au gouvernement Barnier et sa ligne très droitière.
Distances
Comment prêcher l’union nationale, reprocher aux socialistes de ne pas participer au gouvernement, et ne pas vouloir y aller soi-même parce qu’il pencherait trop à droite ? C’est ce qu’avait plaidé en substance Bayrou à ceux qui souhaitaient garder leurs distances avec le nouveau locataire de Matignon. Mais sur les 36 députés du groupe Modem à l’Assemblée nationale, seuls 21 ont fait le déplacement à Guidel. «J’étais pour la participation au gouvernement, mais je maintiens que ça ne durera pas et je refuse qu’on fasse semblant que ça tienne», assène Richard Ramos, qui n’est pas venu dans le Morbihan. «Si la moitié du groupe n’est pas là parce qu’ils ont un problème personnel, c’est la cour des miracles, ou le hasard, ou l’alignement des planètes négativement», ironise un autre député absent, pour la première fois depuis de nombreuses années. «Je continue à croire que nous aurions pu garder de la distance» et «on considère que l’équilibre dans le gouvernement n’y est pas», rappelle de son côté le député Erwan Balanant. Concédant un «épisode compliqué», Fesneau a reconnu qu’il y avait «moins de députés que les autres années», mais dit vouloir désormais mettre l’accent sur le «fond». «On était dans la stabilité d’une majorité qui n’est plus. C’est normal et sain que ça produise du doute chez des députés et des militants», conclut-il.
Si des députés du Modem n’ont pas souhaité venir, quand ceux de la macronie ont préféré se déplacer à Tourcoing, dans le Nord, pour le grand raout organisé par Gérald Darmanin, l’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, lui, était bien présent à l’université de rentrée du parti de François Bayrou et a participé aux discours de clôture. «On a besoin de ceux qui sont au gouvernement et de ceux qui n’y sont pas encore», avait déclaré François Bayrou en ouverture de l’événement vendredi.
Au lendemain de sa visite à Bram (Aude), aux «rencontres de la gauche» organisées par Carole Delga, l’ex-Premier ministre a amicalement salué dimanche le soutien du président du Modem ces dernières semaines, quand son nom a circulé comme potentiel Premier ministre. Un appui qu’il n’a «pas trouvé dans l’ensemble de la classe politique, y compris, parfois, là où [il] pouvait [s’y] attendre», a-t-il dit en référence à ses anciens camarades socialistes. Il a par ailleurs évoqué François Mitterrand, Jacques Delors et Michel Rocard, «qui avaient à l’esprit que PS ne voulaient pas dire posture pour le P et sectaire pour le S». L’ancien Premier ministre ne semble pas avoir digéré le vote du bureau national du PS qui avait refusé de s’engager à ne pas censurer, a priori, un gouvernement Cazeneuve. Ce dernier a d’ailleurs également fustigé «l’irrationalité, le sectarisme, les logiques de recroquevillement» qui ont conduit à mettre au pouvoir Michel Barnier, «représentant de la formation presque la plus petite du Parlement en nombre de sièges» et «qui n’a pas participé au front républicain».
«Combat vital»
Les chefs de file du Modem ont par ailleurs profité du week-end pour remettre à l’agenda le combat historique des centristes sur la proportionnelle, que François Bayrou a qualifiée de «combat vital» pour la démocratie. Le Modem n’acceptera «pas le renoncement annoncé» sur l’instauration de la proportionnelle pour les législatives, a ajouté Marc Fesneau, avant de se justifier : «Ce n’est pas seulement une question de marotte du Modem, mais une question, je le dis avec gravité, de survie de notre démocratie.» Selon lui, la «situation politique [a été] créée par l’absence de proportionnelle».
Si la voie parlementaire échoue, «il nous reste une voie de recours, c’est le référendum du peuple citoyen», a ensuite déclaré le président du Modem, François Bayrou. Sur la base de l’article 11 de la Constitution, «une loi simple comme celle-là peut être organisée à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales», a-t-il expliqué. Et Marc Fesneau en est sûr : «De plus en plus de voix appellent à la constitution d’un bloc et d’une majorité autour de ce schéma.»