Un «ok» et puis s’en va. Dans une séquence enregistrée lundi 30 décembre par les caméras des journalistes de BFMTV présents sur place et diffusée sur les réseaux sociaux, la ministre de l’Education nationale, Élisabeth Borne, semble n’avoir apporté que peu d’égard aux témoignages de deux enseignants désemparés par la situation catastrophique à Mayotte en raison du passage du cyclone Chido au début du mois. Présente sur l’archipel pour accompagner le Premier ministre François Bayrou et aux côtés de Manuel Valls, ministre des Outre-mer, Élisabeth Borne est depuis largement fustigée pour l’attitude qu’elle aurait optée face aux sinistrés.
"Personne n'est venu" dans les bidonvilles: un professeur interpelle Élisabeth Borne, en visite à Mayotte pic.twitter.com/PsKvfVCSuv
— BFMTV (@BFMTV) December 30, 2024
«Image terrible. Une ministre ne peut pas tourner les talons en méprisant le témoignage d’enseignants qui alertent sur la situation sanitaire», a grincé le premier secrétaire du parti socialiste, Olivier Faure. Evoquant le sujet des secours sur place, un premier professeur présent à Kaweni, dans le nord-est de Mayotte, affirme que «dans tous les bidonvilles ici […], personne n’est venu». «La réalité est qu’il y a eu des distributions», répond l’ancienne Première ministre, reprise immédiatement. «Pour atteindre le point relais, c’est 10 kilomètres aller-retour à pied, en plein cagnard, sans eau et sans nourriture. C’est impossible !» lui rétorque le deuxième professeur. Sourire de Borne, qui tourne le dos et part. «Une honte !» lâchent ses interlocuteurs, sans qu’on ne voie toutefois l’entièreté de la séquence.
«Attachée au dialogue»
«La séquence tronquée, diffusée ne reflète pas mes échanges avec les deux enseignants», s’est expliqué ainsi la ministre ce mardi 31 décembre sur le réseau social X. «Par ailleurs, attachée au dialogue, consciente et préoccupée par la gravité de la situation, j’ai longuement échangé hier avec les personnels de direction et les syndicats enseignants sur la situation à Mayotte et les défis de la rentrée», ajoute l’ancienne Première ministre.
«L’extrait est parlant, madame Borne n’a aucune réponse à apporter», avait pourtant témoigné a posteriori Yann Pagan, l’un des deux enseignants, au micro de BFMTV. Et le professeur d’EPS de répéter ce qu’il a tenté de marteler auprès de la ministre : «Il y a des enfants qui vont à l’école de la République, qui depuis 16 jours, se débrouillent par eux-mêmes». «En l’absence de réponse, madame Borne tourne le dos, c’est bien dommage», avait-il encore souligné.
La séquence, vue plus d’un million de fois, n’a pas manqué de faire réagir, en chœur, l’ensemble de la classe politique. «L’empathie d’un poisson mort», commente le sénateur communiste Ian Brossat, «Élisabeth Borne fidèle à elle-même, froide et sans réponse, préfère tourner les talons et les ignorer», écrit le député d’extrême droite Frédéric Falcon. Le Républicain Aurélien Pradié pointe du doigt un «mépris» qui, selon lui, «n’est pas un détail. Il est le cœur d’une vision du pays». «Une aide de l’État qui n’arrive pas, des personnels qui tiennent à bout des bras, parfois sur leurs fonds ou des cagnottes, les établissements qui accueillent les familles. Le témoignage de ce collègue est édifiant. [Elisabeth] Borne ne peut pas tourner le dos à cette réalité !», a dénoncé de son côté le SNES-FSU, premier syndicat des collèges et lycées.