A force, certains socialistes commencent à trouver ça insultant : peut-on vraiment les imaginer cautionner le plan budgétaire esquissé par François Bayrou ? Alors que le Premier ministre a annoncé un vote de confiance le 8 septembre, et malgré la pression exercée par le gouvernement, qui les appelle inlassablement à la responsabilité, le Parti socialiste refuse de plier. Comme les insoumis et les écologistes qui ont déjà annoncé qu’ils voteraient «pour faire tomber le gouvernement», les socialistes se dirigent vers un vote contre. «François Bayrou a fait le choix de partir. Dans les conditions de majorité actuelle, il sait qu’il ne peut obtenir un vote de confiance des oppositions. C’est une autodissolution, affirme le premier secrétaire, Olivier Faure dans le Monde. Il est évidemment inimaginable que les socialistes votent la confiance au Premier ministre.» «Voter la confiance, c’est encore plus inenvisageable que ne pas censurer, affirme de son côté le député de l’Eure Philippe Brun, responsable sur le texte. C’est une mise en scène médiatique, il maquille sa démission en sacrifice christique parce qu’il veut être candidat à la présidentielle de 2027. Il n’a jamais essayé de nous associer à quoi que ce soit.»
Si personne au PS ne se faisait d’illusions sur la conférence de presse de François Bayrou, une intervention de François Hollande sur France Inter lundi matin avait alimenté le flou parfois propre aux socialistes. «Je ne dis pas que la censure n’est pas à un moment envisageable, elle est aujourd’hui probable, mais s’il doit y avoir un dialogue, il faut qu’il soit poursuivi jusqu’au bout» de la discussion budgétaire à l’automne, avait déclaré l’ancien président socialiste, appelant François Bayrou à revoir la répartition des 43,8 milliards d’économies escomptées. «Ce serait mieux si c’était effectivement 22 milliards en matière de dépenses, 22 milliards du côté de la recette», avait affirmé le député de Corrèze.
«Ce vote de confiance est de fait une démission»
Lors des précédentes discussions budgétaires, l’argument de la stabilité avait convaincu les socialistes de s’engager dans une négociation avec le gouvernement. Cette fois, la copie présentée par François Bayrou était intenable pour eux. Cet été, le Premier ministre lui-même a appelé des députés socialistes en vacances, en vain. «Ne vous attendez pas à ce qu’on défile dans les ministères», lui a dit l’un d’eux. «Les propositions du gouvernement ne nous permettent pas d’ouvrir des négociations», insistait le député Jérôme Guedj, responsable du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Lundi, en réunion de groupe, avant sa conférence de presse, tous les députés socialistes s’accordaient ainsi sur le fait que François Bayrou courait tout droit vers sa chute.
«Ce vote de confiance est de fait une démission», analyse aussi Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Ecologistes. Les insoumis, qui misaient sur cette rentrée sociale, ont de leur côté insisté sur la «victoire de la puissance de la mobilisation qui se prépare pour le 10 septembre», comme s’en est félicité le coordinateur de LFI Manuel Bompard. «La mobilisation populaire en cours aura gagné», a également affirmé Jean-Luc Mélenchon. Lundi soir, alors que la gauche appelait en chœur à une «autre politique», les insoumis relançaient leurs appels à la destitution d’Emmanuel Macron.
Le RN appelle à une nouvelle dissolution
Du côté du Rassemblement national, les chances de survie de Bayrou à Matignon ne sont pas plus épaisses. Tapis derrière leurs écrans en attendant la parole officielle, celle de Jordan Bardella, les troupes lepénistes ont relayé sans traîner la sentence du patron du parti : «François Bayrou vient d’annoncer la fin de son gouvernement, miné par son immobilisme satisfait.» Si Bardella a indiqué que «jamais» son parti ne voterait la confiance, Marine Le Pen a précisé que ses troupes à l’Assemblée voteront contre, la députée du Pas-de-Calais dénonçant des mesures «aussi injustes qu’inefficaces». Mi-juillet, après l’annonce du plan budgétaire de Bayrou, Le Pen vilipendait déjà un budget «indigne» et s’opposait aux hausses d’impôts. Cramponnée à ses obsessions, l’extrême droite réclame toujours la chasse au «coût de l’immigration», notamment avec la mise en œuvre de la préférence nationale dans l’octroi des prestations sociales, et une taille dans la contribution française à l’Union européenne. «Les arbitrages que vous avez rendus sont profondément injustes pour les Françaises et les Français mais, de surcroît, ils échoueront à rétablir les finances de la France», enfonçait Le Pen le 25 juillet, dans un courrier adressé au Premier ministre.
Avant l’annonce du vote de confiance, le RN répétait vouloir attendre le début de la saison budgétaire au Parlement, en octobre, pour dévoiler son jeu. Histoire de jouer la responsabilité, quand les insoumis promettaient une motion de censure dès la reprise de la session parlementaire ? Face à la nouvelle donne, le RN renoue pourtant avec sa fibre antisystème. «Nos concitoyens savent aussi qui est responsable de cet effondrement, à savoir les partis du système que nous combattons depuis tant d’années : gauche, droite et macronistes», a réagi Le Pen, reprenant la vieille rhétorique lepéniste de «l’UMPS». Plus que la chute du chef du gouvernement, le RN prétend surtout vouloir une nouvelle dissolution. Même si, condamnée à une peine d’inéligibilité avec exécution immédiate, Marine Le Pen pourrait n’en tirer qu’un avantage limité.