A chaque jour sa polémique ou presque. Alors que plusieurs de ses choix et déclarations ont été vivement critiqués depuis son arrivée à la tête du gouvernement fin décembre, François Bayrou est au cœur d’une nouvelle controverse pour son message publié sur X à la suite de la mort de Jean-Marie Le Pen. «Au-delà des polémiques qui étaient son arme préférée et des affrontements nécessaires sur le fond, Jean-Marie Le Pen aura été une figure de la vie politique française, a écrit le chef du gouvernement sur le réseau social américain. On savait, en le combattant, quel combattant il était.»
Disparition
Des mots bien trop légers pour la gauche au vu des multiples condamnations pour «contestation de crimes contre l’humanité» et des nombreux propos racistes de Jean-Marie Le Pen. «C’est ainsi que vous définissez des condamnations pour haine raciale et négationnisme ? Mais dans quel monde vivez-vous ?» s’est par exemple ému le député de La France insoumise Aly Diouara. Rappelant les crimes commis par le père de Marine Le Pen lors de la guerre d’Algérie, la députée LFI Alma Dufour a, elle, accusé le Premier ministre de rendre «hommage au père pour mieux collaborer avec sa fille», alors que la non-censure du gouvernement Bayrou est, en partie, entre les mains du RN.
Pour le militant antifasciste Raphaël Arnault, lui aussi élu à l’Assemblée nationale depuis cet été, ce message lissé de François Bayrou n’a rien d’une surprise : «Ce même François Bayrou a parrainé Marine Le Pen en 2022 pour “sauver la démocratie”», a-t-il écrit sur X. Lors de la dernière élection présidentielle, le président du Modem avait lancé une «banque de parrainages» pour les candidats hauts dans les sondages n’ayant pas rassemblé les signatures d’élus nécessaires. Cette initiative devait bénéficier notamment aux candidats de l’extrême droite Marine Le Pen et Eric Zemmour, mais également à la gauche, avec les candidats Philippe Poutou et Christiane Taubira.
«Honteuse et terrible dérive»
Les messages d’indignation de LFI ont rapidement été suivis par ceux des autres partis du Nouveau Front populaire. «Il n’est pas question de polémiques, mais de condamnations pour des propos racistes, antisémites et négationnistes», pour le sénateur communiste Ian Brossat. Même discours pour le vice-président communiste du Sénat Pierre Ouzoulias pour qui «Jean-Marie Le Pen, par ses actes et ses propos, se trouvait en dehors du cadre républicain», qualifiant les mots de François Bayrou d’«indignes».
«Décidément, vous avez complètement lâché la rampe», a réagi l’eurodéputé écologiste David Cormand, pendant que la sénatrice (Les Ecologistes) Mélanie Vogel qualifie le tweet du Premier ministre d’«honteuse et terrible dérive». Au Parti socialiste, quand la sénatrice et ancienne ministre Laurence Rossignol intime Bayrou «de supprimer ce post et de vous excuser, platement, très platement», l’ancien sénateur David Assouline s’offusque : «Imaginez les mêmes mots pour les fascistes, racistes, antisémites, qui ont parcouru notre histoire tragique en France, Allemagne, Italie ou Espagne.»
Des critiques jusqu’en macronie
Plus rarement, ces critiques ont dépassé les frontières du NFP. Conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron pendant la campagne de 2017, le diplomate Gérard Araud n’a pas manqué de clarté. «Non, ce n’étaient pas des “polémiques” mais des déclarations intentionnellement racistes, négationnistes et antisémites», a-t-il répondu au nouveau Premier ministre. Rare personnalité politique de droite à avoir réagi, le député apparenté au groupe de la Droite république Julien Dive n’a pas mâché ses mots. «A vouloir être trop centré sur soi et celle qui tient la corde du pendu, on réécrit l’histoire en “polémiques” là où il s’agit de scandales et de condamnations judiciaires», a-t-il écrit sur X.
Après l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002, François Bayrou, alors candidat de l’UDF arrivé quatrième position, n’avait pas tergiversé pour donner sa consigne de vote, appelant à «être aujourd’hui les plus mobilisés de tous pour faire voter pour Jacques Chirac». A l’époque, pour François Bayrou, Jean-Marie Le Pen était «le symptôme du mal». Clairement une autre tonalité.