Très poliment, Alain Juppé a répondu aux douze questions sur la politique d'immigration soumises à tous les adhérents du parti Les Républicains (LR). Nicolas Sarkozy avait annoncé mercredi qu'il entendait «consulter» les militants – ou «le peuple», ces deux expressions étant à ses yeux équivalentes – sur les propositions qu'il avait lui-même avancées la semaine dernière. Le but de la manœuvre était évident : montrer que c'est bien autour du parti et de son chef que se construit le projet d'alternance, et non pas dans les think tanks qui se sont constitués autour des candidats à la primaire. C'était aussi, accessoirement, l'occasion d'embarrasser Juppé, très éloigné, sur ces questions, de l'opinion majoritaire à droite.
Le maire de Bordeaux n'est pas tombé dans ce panneau. A la plupart des questions, il apporte des réponses toutes en nuances, tantôt positives, tantôt négatives. Il ne se prive, surtout, de souligner le caractère simpliste, imprécis, voir franchement irréaliste de certaines «propositions». Oui, il est favorable à l'établissement d'une liste de «pays sûrs commune aux Etats européens», au vote annuel par le Parlement de «quotas» d'immigrés ou encore à l'arrêt des aides aux pays du Sud qui refusent de coopérer au retour des clandestins. En revanche, il s'interroge sur le contenu du «Schengen II» que Sarkozy prétend «refonder». «Cela mérite d'être précisé», note-t-il pudiquement. Et juge peu réaliste cette idée de «centre de rétention» dans des pays souverains comme la Turquie, «et encore moins dans des Etats faillis comme la Libye».
Souligner les ambiguïtés
Il n'a pas échappé à Juppé que le questionnaire de Sarkozy s'achevait par une question piège. «Pensez-vous que l'étranger qui demande à devenir français doit faire la preuve de son intégration mais aussi de son assimilation à la communauté nationale ?» L'objectif évident de cette proposition était de rappeler qu'à rebours de l'immense majorité du «peuple de droite», Juppé considère que le concept d'«assimilation» tel qu'il a pu s'appliquer aux migrants du siècle dernier, ne peut plus s'appliquer au monde contemporain.
Mais dans sa réponse, Juppé se garde bien de revenir sur ce débat. Il préfère souligner les ambiguïtés de la question. «S'il s'agit de nier les différences ou l'identité de chacun, le terme n'a pas de sens», écrit-il après avoir noté que si l'assimilation désigne l'adhésion aux valeurs fondamentales («liberté de pensée, laïcité, égalité hommes femmes»), on ne peut qu'y être favorable. «Nous avons tous nos racines et nos traditions. Notre objectif doit être de concilier notre diversité et l'unité de la Nation autour des grandes valeurs de la République», ajoute Juppé, qui juge que les conditions posées à la naturalisation n'ont pas à être «renforcées». Les conditions d'accès à la nationalité sont déjà très strictes. Juppé convient qu'il peut être envisagé de mieux contrôler leur mise en œuvre. Mais sans qu'il y ait besoin de «textes supplémentaires».