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Et un de plus

Henri Guaino lance l'appel du 13 juin

Estimant que personne ne défend les idées gaullistes, l'ancienne plume de Nicolas Sarkozy annonce sa candidature à la primaire.

Henri Guaino, député Les Républicains, à Paris le 7 décembre 2015. (Photo Dominique Faget. AFP)
Publié le 13/06/2016 à 17h43

Un gaulliste parle aux Français. A quelques jours de l'anniversaire de l'appel du 18 Juin, Henri Guaino n'a pas fait les choses à moitié. Ce lundi matin, il s'est carrément invité dans les matinales de deux stations de radio concurrentes, ce qui n'est pas banal. D'abord sur France Inter à qui il avait réservé l'annonce de sa candidature à la primaire des 20 et 27 novembre prochain. Ensuite sur RMC où il a pris, trente minutes plus tard, le temps de s'expliquer plus longuement sur sa décision. Il fallait au moins ça pour rencontrer un minimum d'écho. D'Alain Juppé à Jacques Myard, la droite alignait déjà onze prétendants plus ou moins sérieux à l'investiture présidentielle. Pour la moitié d'entre eux, il sera très difficile de réunir d'ici fin août les parrainages de 250 élus (dont 20 parlementaires) requis pour valider chaque candidature.

Henri Guaino sera donc le douzième. Après avoir longuement pesé «le pour et le contre», il explique en être arrivé à la conclusion qu'il ne pouvait pas «rester les bras croisés» au spectacle de cette élection primaire qu'il assimile à «un hold-up sur l'élection présidentielle». Outre qu'il dénonce le principe même de ce mode de sélection du candidat – le jugeant peu conforme à la tradition de la Ve République –, le député des Yvelines affirme que le gaullisme, jadis au centre de sa famille politique, a tout bonnement «disparu». Dans le parti Les Républicains (LR), il ne resterait plus que des centristes et des libéraux. Et au milieu, «un vide qui se comble par les extrêmes». En clair, Henri Guaino se propose donc de ramener au gaullisme une partie de son électorat égaré, faute de mieux, chez Jean-Luc Mélenchon et plus encore chez Marine Le Pen.

Juppé, «girondin néogaulliste»

Il devrait pouvoir compter avec le soutien des députés LR Julien Aubert et Lionnel Luca qui regrettaient, dans une tribune publiée le 16 mai par l'Opinion, l'absence d'un candidat de «la droite patriote, jacobine, sociale et eurocritique», capable de convaincre la France du Non. Proche de Guaino dont il fut l'élève à Sciences-Po, Aubert récuse aussi bien Juppé, ce «girondin néogaulliste» que Fillon, «séguiniste génétiquement modifié qui aurait accepté Maastricht» ou Le Maire et son «conservatisme éthique». Il ne croit pas non plus en Sarkozy, même «débarrassé de ses scories buissonniennes», car les «orphelins du Kärcher» ont été trop déçus par son quinquennat.

Séduire l'électorat du FN : n'est-ce pas justement ce que se propose de faire Nicolas Sarkozy quand il célèbre, dans son discours du 8 juin, «l'identité» de la France, «pays chrétien dans sa culture et dans ses mœurs» ? «Certes, répond Guaino, mais toute la question est justement de savoir comment on s'y prend.» Même s'il prend soin de ne pas couper les ponts avec l'ex-chef de l'Etat, son ancienne plume républicaine laisse deviner tout le mal qu'il pense de sa rechute identitaire.

Avant de passer au service de Sarkozy dans la campagne de 2007, Guaino a été un proche de Philippe Séguin, ex-gardien de l’orthodoxie gaulliste. A ses côtés, il a milité pour le non au référendum sur le traité de Maastricht de 1992 avant de souffler à Jacques Chirac l’argument de la mobilisation contre la «fracture sociale» dans la campagne présidentielle de 1995.

Bannière et vraie croix

C'est au nom de ce combat qu'il part aujourd'hui en guerre contre la «surenchère libérale» qui fait rage dans sa famille politique. «Ce n'est pas en faisant peur à ceux qui ont un emploi stable qu'on trouvera du travail pour ceux qui n'en ont pas […]. Je n'irai pas à la rencontre des Français en leur disant : "vous avez trop bien vécu, maintenant il faut payer"», s'est-il emporté lundi matin sur RMC. Très logiquement, cela l'amène à refuser aussi bien les coupes claires dans les services publics que la réforme du droit du travail. Il ne votera pas la loi El Khomri. Et encore moins la version hard de cette réforme, défendue par tous les candidats à la primaire de la droite. Le voilà, sur cette question, plus proche du patron de la CGT Philippe Martinez que de celui de LR Nicolas Sarkozy. A priori fragilisé par le cavalier seul de celui qui fut son plus proche conseiller entre 2007 et 2012, l'ancien chef de l'Etat peut toutefois y trouver son compte si Guaino devait décider de le rallier le 27 novembre, au deuxième tour de la primaire. Une façon plutôt élégante de récupérer des voix frontistes sous la bannière du gaullisme. C'est aussi ce que se propose de faire, avec un peu moins de crédibilité, l'ex-ministre Nadine Morano, autre candidate déclarée en quête de parrainages.

Pour avoir une petite chance de participer à la primaire, Guaino devra se débarrasser de la concurrence des autres candidats qui prétendent incarner le «Non» gaulliste. Un accord avec le député LR Jacques Myard, souverainiste mais aussi diplomate, ne semble pas hors de portée. Mais il faudra aussi convaincre l’ex-ministre Michèle Alliot-Marie, étoile déclinante de l’ancien RPR qui s’est longtemps cru porteuse de morceaux de la vraie croix gaulliste…

S'il ne parvient pas à réunir les parrainages nécessaires, Guaino estime qu'il aura fait la démonstration que le système est «verrouillé» pour lui barrer la route. Il assure qu'il en tirerait dès lors les conséquences en se présentant tout de même, en 2017, au premier tour de l'élection présidentielle, comme le fit jadis le père de la Ve République Michel Debré. Pour mémoire, celui qui se présenta contre Chirac au nom du gaullisme à la présidentielle de 1981 avait recueilli 1,66% des suffrages…