A l'exception de Bruno Le Maire, les principaux leaders de la droite participaient, ce lundi soir, au bureau politique extraordinaire du parti Les Républicains. La veille, Nicolas Sarkozy, avait expliqué au JDD qu'il espérait, à cette occasion faire son «travail de président» : «rassembler tout le monde» autour de propositions pour relancer l'Union européenne. Il fallait, ajoutait-il, que soit mise entre parenthèses la campagne des primaires afin que la droite parle d'une seule voix. Cette énième tentative d'affirmer sa prééminence de chef de parti sur ses concurrents dans la course à la présidentielle n'avait évidemment aucune chance d'aboutir. Chacun ayant à cœur, sur un sujet d'une telle importance, de faire entendre sa petite différence, quitte à forcer le trait, si nécessaire.
Le bureau politique s'est donc contenté d'approuver à l'unanimité un texte listant les points de consensus entre les cadors de la droite. Constatant que «le rejet croissant de la construction européenne», ils appellent à en tirer «des conséquences rapides». Ils demandent le respect des frontières extérieures de l'Europe et la mise en place d'un Schengen II et, en attendant, les contrôle des frontières nationales. Le parti LR demande une redéfinition des compétences de l'Union autour d'un «petit nombre de priorités» et en appelle à «un véritable gouvernement économique» pour coordonner les politiques économiques, budgétaires et fiscales. «Un véritable Fonds monétaire européen» devant par ailleurs être créé. Ils exigent enfin l'arrêt du processus d'élargissement et l'affirmation que «la Turquie n'a pas vocation à entrer dans l'Union».
Ils sont évidemment tous d'accord, cela va sans dire, pour conclure que la refondation passe par le retour de la droite en 2017, condition nécessaire pour que la France retrouve «sa crédibilité». Rien ne sera possible, laissent-ils entendre, tant que François Hollande est à l'Elysée.
«Roulette russe»
Le Bureau politique évacue la question des modalités de la refondation d'Europe qui «ne doit pas prendre le pas sur l'essentiel c'est-à-dire sur le contenu». Façon d'évacuer la question du référendum, sujet de multiples accrochages entre candidats à la primaire. Le 9 mai dernier, Bruno Le Maire avait été le premier à proposer l'organisation d'un référendum pour valider un nouveau projet européen. Il s'est attiré, ce faisant, un déluge de critiques, de Sarkozy jusqu'à Nathalie Kosciusko-Morizet. «Ceux qui, dès maintenant, réclament un référendum comparable à celui des Britanniques jouent à la roulette russe avec la civilisation européenne», a déclaré François Fillon qui sera, mercredi, l'orateur de l'opposition lors du débat sur le Brexit à l'Assemblée nationale.
Dans une contribution mise en ligne sur son site Internet, reprise dans un entretien au Monde, Alain Juppé revient à la charge ce lundi matin. Sans mettre en cause nommément l'ancien ministre de l'Agriculture, il qualifie «d'irresponsable» l'organisation d'un référendum «aujourd'hui en France». Une telle consultation n'aurait de sens, ajoute-t-il, «que sur un projet qui offre une alternative crédible à la liquidation de notre œuvre européenne». Juppé laisse entendre que la construction de cette alternative, portée par «une nouvelle alliance franco-allemande», prendra un certain temps.
«Irresponsable»
Le procès fait à Bruno Le Maire est plutôt injuste. Car contrairement à Marine Le Pen, le député de l'Eure n'a jamais proposé d'organiser en France un référendum comparable à celui de Cameron. «Ce sera un référendum pour un projet, pas contre notre appartenance à la construction européenne», précise-t-il dans son discours du 9 mai, prononcé à Berlin. Le vote porterait sur les modifications de traités négociées avec les six Etats fondateurs de l'Europe. Bruno Le Maire n'a donc pas tort de répliquer, comme il l'a fait lundi matin sur Europe 1, que ceux qui le critiquent ont en fait rallié sa proposition de ratifier par référendum l'accord qui aura été trouvé au niveau européen. De fait, Fillon, Sarkozy et Juppé ont tous trois déclaré qu'il serait opportun, le moment venu, de consulter les Français.
En prétendant dans le JDD qu'il serait possible de signer «un nouveau traité dès la fin de l'année», Nicolas Sarkozy a offert à ses concurrents l'opportunité de se retourner contre lui. Il a notamment fait bondir l'impertinent Bruno Le Maire : «Certainement pas d'ici la fin de l'année, c'est totalement irréaliste. Et je dirais même que c'est irresponsable. […] Personne n'a aujourd'hui en Europe la légitimité suffisante, et certainement pas François Hollande, pour d'ici fin 2016 négocier un traité de réorientation du projet européen», a-t-il réagi, manifestement peu convaincu par celui qui se revendique, plus que jamais, «chef de l'opposition». Sans mandat du Bureau politique, Sarkozy a d'ailleurs bien l'intention de défendre son projet de nouveau traité expéditif devant les élus des droites européennes (PPE), réunis ce mardi à Berlin.