A grand renfort de coups de menton et d’émotion surjouée, Nicolas Sarkozy a fait des adieux tonitruants à la présidence de sa «famille» politique, samedi. Sans confirmer, toutefois, son évidente candidature à la primaire présidentielle des 20 et 27 novembre. Cette annonce interviendra fin août et l’ancien chef de l’Etat ne désespère manifestement pas de faire un événement médiatique de ce non-événement politique.
En clôture du conseil national de LR, réunis à Paris dans la salle de la Mutualité pour adopter «le projet des Républicains» pour 2017, l'ancien chef de l'Etat a longuement célébré le bilan de ses 18 mois à la présidence du parti. «Rappelez-vous, cela nous faisait honte» a-t-il lancé depuis la tribune, évoquant le champ de ruine qu'il prétend avoir trouvé à son retour, fin 2014. D'une famille moribonde, il a dit sa «fierté» d'avoir fait la première formation politique du pays. Il n'a pas jugé utile de préciser que l'UMP était déjà premier parti de France sous la présidence de Jean-François Copé, notamment grâce à la victoire historique de la droite aux élections municipales de mars 2014. Avec ses 265 000 militants en juin 2016, le parti Les Républicains est, par ailleurs, très loin de demi-million qu'il prétendait rassembler.
Peu importe. Ce bilan très mitigé n'incite pas Sarkozy à la modestie. A l'entendre, ses 18 mois à la présidence de LR seraient une performance herculéenne. Ce qu'il a fait, personne d'autre ne pouvait le faire, a-t-il expliqué en substance à un auditoire convaincu. «Comment peut-on prétendre redresser la France si on laisse sa famille se déliter?» s'est-il interrogé. Attaque implicite contre tous ses rivaux qui auraient abandonné ladite «famille». Absents samedi après midi, Bruno Le Maire et Alain Juppé étaient particulièrement visés. Le premier était en campagne dans les Bouches-du-Rhône tandis que le second a passé l'essentiel de la matinée en face de la Mutualité, dans une brasserie où il a échangé avec de jeunes militants. «Quand on a des choses à dire, c'est à l'intérieur qu'on les dit […] Trop facile d'être sur le trottoir à parler à quelques journalistes» s'est emporté le patron de LR, soulevant la salle contre le maire de Bordeaux, toujours favori des sondages pour la primaire des 20 et 27 novembre.
«Projet de rupture»
Du «projet collectif» qu'il a personnellement porté et défendu - avant même qu'il soit présenté aux instances du parti - Sarkozy n'a pas manqué de prétendre qu'il était celui de «toute la famille». «Ce projet est un socle commun […], libre à chacun d'aller plus ou moins loin», a-t-il précisé. Il a feint de s'étonner que ses concurrents puissent se découvrir de graves désaccords avec lui car il n'a pas souvenir que ces derniers, quand ils étaient ses ministres, aient «supplié de sortir du gouvernement tellement ils n'étaient pas d'accord avec moi».
Pour caractériser ce «projet de rupture», son auteur a insisté sur «l'assimilation». Une exigence introduite par ses soins afin de marginaliser Juppé, partisan d'une intégration respectueuse des identités. Avec LR au pouvoir, les immigrés devront être «fiers» de la France, «connaître son histoire» et adopter son «mode de vie» a martelé Sarkozy, déclenchant dans la salle de grands cris d'enthousiasme.
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Prenant l'exemple du débat européen, l'ex-Président estime avoir confirmé, à la tête de LR, ses capacités d'homme d'Etat : «Si l'on n'est pas capable de faire la synthèse entre souverainistes et eurolâtres, comment peut-on prétendre diriger la France?» Furieux que ses concurrents aient osé suggérer qu'il utilisait les moyens du parti pour faire campagne, il a répliqué qu'en ces temps de crise française et européenne, le devoir lui commandait de rester à la présidence de LR. Il en est sûr : s'il avait abandonné «la famille» pour se mettre sur les rangs des candidats à la primaire, François Hollande aurait «joué» avec la droite «comme avec une souris».
En attendant, Sarkozy lui-même joue, avec une évidente jubilation, au chat et à la souris avec ses concurrents. Déjà plus président de LR, pas encore candidat, il brouille les cartes avec un incontestable talent. Après avoir violemment attaqué ceux qui osent le défier dans la primaire, il a conclu par un vibrant appel au fair-play. «Cette primaire sera le temps de la concurrence entre fortes personnalités, entre des talents incontestables. Cette concurrence est formidable, personne ne doit la redouter» a-t-il conclu. Mais il met une limite à cette concurrence: il faudra rester bons amis, car «les attaques entre nous sont inacceptables». Parole d'expert.